C'était la deuxième fois que je l'appelais sur son téléphone. Elle décrocha enfin.
– Sérieux, qu'est-ce que tu fous on devrait déjà y être. Ça fait quinze minutes que je poiraute en bas.
– Bonjour, à toi Benoit. Je suis ravie de savoir que tu m'attends. A tout de suite.
Elle raccrocha. Je me renfrognais. J'étais dans ma voiture depuis bien trop longtemps et à deux doigts de partir. La patience n'était pas mon fort, même si j'avais compris qu'avec Eva il en faudrait. Depuis qu'elle était retournée chez Luce cette semaine, nous avions échangé des SMS tous les soirs. Et tous les soirs elle flirtait puis se modérait, mais tous les soirs elle se ravisait également de plus en plus tardivement.
Je relus le dernier message que j'avais reçu la veille de sa part.
Eva :
Ok, mais à une condition. Arrange-toi pour que je ne m'ennuie pas 😇 durant la soirée. Je serais prête à dix-neuf heures. Bonne nuit, Monsieur, je me fous de l'offre et de la demande.
Benoit :
Bonne nuit, Madame je fais monter les enchères. 😝
Elle avait cette capacité à conclure nos échanges d'une manière qui me donnait envie de monter dans ma bagnole, de venir la voir pour lui arracher ses vêtements et lui faire entendre raison ou pas.
La lumière du hall s'alluma j'espérais que ce serait elle. J'eus le souffle coupé quand je la vis enfin sortir. C'était la première fois que je la voyais les cheveux détachés. Je me raclai la gorge pour reprendre contenance et sortis de ma voiture. Elle marchait vers moi féline avec des bottines à talons aiguilles qui me donnèrent un coup de chaud. Pour ça aussi, c'était la première fois que je la voyais avec autre chose que des chaussures plates. Je m'étais promis de ne pas la draguer ouvertement pendant la soirée, et j'allais devoir cravacher dure pour tenir ma résolution.
Il faisait nuit mais je distinguai grâce aux réverbères de la rue qu'elle me souriait. Je m'adossai à la voiture pour tenter de me donner l'air décontracté mais j'étais très loin du compte. Je me redressai lorsqu'elle s'approcha de moi. Ne sachant pas si je devais la complimenter car elle était vraiment belle ce soir ou la réprimander pour le retard, je me tus. J'allais ouvrir la bouche lorsqu'elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un baiser sur ma joue. Ça non plus je ne l'avais pas prévu. C'était la première fois que ses lèvres effleuraient ma peau et ce fut une sacrée décharge électrique qui me galvanisa.
– Eh bien tu sais te faire attendre.
– Et me faire pardonner aussi, me dit-elle en me faisant un clin d'œil coquin.
Révéler les images qui m'avaient traversé l'esprit à cet instant auraient été totalement indécent. Je me contentais de faire un sourire charmeur tout en lui passant la main dans le dos pour l'accompagner côté conducteur. J'ouvris ensuite la portière.
– Si Madame veut bien se donner la peine.
Elle me sourit en retour et grimpa dans la voiture. Je la regardais dans les yeux juste avant de fermer la porte.
– Avec tes cheveux détachés, les enchères vont s'affoler.
Je ne lui laissais pas l'occasion de répondre, fis le tour de la voiture et grimpai dedans. Tout le trajet se fit en silence. Heureusement pour nous il était assez court. A peine une dizaine de minutes. Nous avions rendez-vous avec Paula et son nouveau chéri, « à qui elle tenait m'avait-elle dit le fameux soir où elle souhaitait me parler. J'avais été grandement soulagé que ce soit de cela qu'elle avait voulu me confier plutôt que des plans sur la comète que je m'étais faits.
Ce soir, il devait y avoir également Mathias et Sandrine qui faisaient garder leur fille par une baby-sitter. Une vraie soirée de trentenaires dans un restaurant et tout le tralala. Habituellement je fuyais ce genre de rencontres, pourtant cette fois, j'avais eu envie d'y aller avec Eva. Je garais la voiture. Nous descendîmes et nous dirigeâmes vers le restaurant. Avant de passer la porte, elle se retourna vers moi.
– Redis-moi qui sera là ce soir ?
– Tu vas rencontrer un ami de lycée et sa femme. Mathias et Sandrine. Ils ont une fille de ...
Je m'arrêtai de parler et me grattai la tête machinalement.
– A vrai dire je ne sais plus quel âge à Bénédicte. Enfin bref, de toutes les façons elle ne sera pas là ce soir. Il y aura aussi Paula, une amie à moi et nous nous sommes rendus compte que nous avions des connaissances communes comme Mathias.
– Une amie ou une bonne amie à toi, releva-t-elle.
J'éludai la question en haussant les épaules.
– Elle est accompagnée ce soir.
Je posai la main sur les reins d'Eva et l'invitai à entrer dans le restaurant. En imaginant la soirée, je commençais à regretter de lui avoir demandé de m'accompagner. J'anticipais déjà les blagues lourdingues de Mathias sur la présence d'Eva alors que le serveur nous débarrassait de nos manteaux. Mais en voyant la tenue d'Eva, je ne regrettais plus une seule seconde de souffrir des mauvaises blagues de mon pote, bien au contraire. Elle aurait pu ressusciter un mort avec un décolleté pareil.
Elle portait un pull croisé lâche qui laissait apparaitre un décolleté spectaculaire dans le dos. Je pouvais d'ailleurs certifier qu'elle ne portait pas de soutien-gorge. Lorsqu'elle se retourna, je fus à deux doigts de lui demander de se rhabiller. Le décolleté qu'elle arborait me scotcha sur place. Il n'y avait pas beaucoup de laine non plus sur le devant. Il cachait évidemment sa poitrine mais laissait apparent la naissance du galbe de ses seins. J'eus une bouffée de chaleur en la regardant. Je pris une grande inspiration et m'approchai d'elle. Evidemment un décolleté pareil invitait ma main à toucher sa peau. Je fus néanmoins surpris et peut-être déçu de ne pas la sentir frémir lorsque je posai ma paume entre ses omoplates. Je m'approchai de son oreille et son parfum entêtant emplit mes narines. Cette femme allait me tuer avant la fin de la soirée. Ne pas la plaquer contre le mur pour lui faire sentir mon envie naissante relevait de l'exploit. Je murmurai.
– Habillée de la sorte c'est de la concurrence déloyale envers les femmes.
Elle me regarda dans un simulacre d'innocence.
– Oh, vraiment !
– Tu risques même de déclencher des OPA hostiles
– Heureusement que j'ai déjà vendu toutes mes actions à Gabriel, alors !
L'image ressurgie de nouveau : la plaquer contre le mur et la faire arrêter de jouer. C'est tout ce que je pensais à cet instant. Je me remobilisai.
– Toutes tes actions ? Vraiment ? ... Ah tiens, voilà Paula.
Je la sentis se tendre à mes propos, ce qui me fit sourire. J'avais encore mes chances. Nous saluâmes mon amie. Elle était accompagnée de son nouveau Jules. Mon portrait totalement inversé. Blond, cheveux très courts, de taille moyenne.
– Benoit, voici Anthony.
– Anthony, je te présente Benoit et ...
Elle attendait que je fasse les présentations. Toujours la main dans le dos d'Eva, je la retirai doucement en prenant grand soin de descendre ma paume jusqu'à la base de son décolleté. Mes doigts ne pouvant aller plus bas sans la déshabiller, je quittai le contact de sa peau à contrecœur. Je me reconcentrai et m'excusai ensuite auprès de mes amis.
– Pardon, je vous présente Eva, une bonne amie.
Sans avoir besoin de me retourner, j'étais certain que mes propos l'avaient agacée. C'était exactement ce que je cherchais. Je lui fis un clin d'œil en me retournant. Elle me fit un sourire factice. Je posai de nouveau la main grande ouverte sur ses reins et l'invitai à avancer.
Nous rejoignîmes Sandrine et Mathias qui étaient déjà installés autour de la petite table ronde. Il s'agissait d'un restaurant thaï qui avait plutôt bonne presse, dans lequel il fallait réserver plusieurs semaines à l'avance, surtout un vendredi soir. Mais grâce au métier de Sandrine qui lui permettait de connaitre le gérant, nous avions réussi à avoir une table.
Chacun se salua, puis les discussions amicales commencèrent bon train. Je donnai des nouvelles de l'exploitation, Paula s'extasia sur le pull d'Eva. Sandrine et Mathias montrèrent des photos de leur fille Bénédicte qui avait à présent dix-sept mois. Ce fut alors au tour d'Eva de passer sur le grill. Ils parlèrent essentiellement de sa profession de vétérinaire qui ne devait pas être simple tous les jours. Jusqu'à ce que Paula demande.
– Alors comment ça, tu vis à la ferme avec Benoit. Mais tu n'as pas déjà un petit ami qui étudie les pingouins ?
Je ne pus m'empêcher de sourire alors qu'Eva manqua de s'étouffer en entendant ses propos. Elle s'apprêtait à répondre mais je la devançai.
– Pas exactement Paula. En fait, elle vit ...
Eva se redressa et posa la main sur mon poignet pour me faire taire. Elle commença à parler.
– Benoit si tu permets je pense que je peux répondre moi-même à la question.
Elle continuait de parler et d'expliquer la situation alors que sa main était toujours sur mon avant-bras. J'avais eu le nez creux de remonter mes manches quelques minutes auparavant. Et sentir la paume d'Eva me toucher me plut bien plus que je n'aurais pu le penser. Puis petit à petit elle rompit le contact.
Je fus presque déçu mais je ne bougeai pas pour autant. Je sentais le rayonnement de la chaleur d'Eva à quelques centimètres de moi. Mais lorsque je sentis son bras se décaler discrètement vers le mien, je me forçais à arborer le masque de l'homme imperturbable. Pourtant j'avais le sentiment que nous étions deux aimants qui avaient pour seule raison d'être, se toucher. J'en eus la chair de poule jusque dans mon pantalon.
La soirée devenait de plus en plus intéressante
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Ces deux là se cherchent. Mais vont-ils réussir à se trouver ?