— Il faut que tu me dises où il est.
Quand Marcus entra dans l'armurerie, Rowan leva à peine les yeux de l'épée qu'il nettoyait.
— Si tu parles du sac que tu m'as prêté il y a un mois, je suis désolé, mais je ne l'ai toujours pas retrouvé.
Le jeune loup ferma la porte et s'approcha du banc où se trouvait le co-capitaine de la garde. Il avait décroché une dizaine d'épées des sinistres murs gris, sûrement afin de les examiner et les affûter. Marcus appréciait la compagnie de celui qu'il considérait comme son oncle et en temps normal, il se serait joint à lui.
Cependant, il se sentait trop tendu pour s'asseoir et discuter posément. Ainsi resta-t-il debout, planté devant Rowan.
— Tu sais très bien de qui je parle. Tu n'ignores pas que papa et maman ont organisé un voyage sur la Terre de l'Émeraude, auquel je suis obligé de participer.
Les lèvres du soldat se fendirent d'un petit rictus ironique.
— Oh, comme je te plains ! Forcé de partir dans les plus belles forêts et montagnes du monde, pauvre enfant !
La plaisanterie n'amusa pas Marcus, dont la culpabilité s'accrut. Encore une fois, il n'était bon qu'à jouer les ingrats et les âmes tourmentées.
— J'étais réticent au début, mais finalement, je me rends compte que cette parade aux quatre coins de la région ne sera peut-être pas si inutile que ça. Sauf que j'ai besoin de ton aide.
Il fixa son oncle avec intensité, désireux de lui faire comprendre le fond de sa pensée. Hélas, celui-ci conserva ses yeux marron, bordés de légères pattes-d'oie, rivés sur son arme. À l'inverse de son meilleur ami et de sa femme, Rowan avait rapidement vu son visage être marqué par les signes de l'âge. Il était surtout possible de mettre cela sur le compte de sa consommation d'alcool et du nombre de cigares qu'il fumait, mais Marcus savait qu'il ne s'agissait pas des seuls facteurs.
— Et quelle aide puis-je t'apporter, au juste ?
Soit il feignait de ne pas comprendre, soit il n'était absolument pas réveillé. Sachant qu'il était trois heures de l'après-midi, cela aurait été plutôt fâcheux. Ou alors, peut-être que ce que tu crois savoir est faux, songea Marcus.
— C'est là-bas que se trouve le frère d'Eleanor, déclara-t-il pour aller droit au but. Je veux savoir précisément où il est.
Rowan cessa de frotter la lame de l'épée et leva lentement la tête vers Marcus. Visiblement, il avait oublié que le jeune loup détenait cette information.
— Tu te fies à quelque chose que je t'ai dit il y a plus de cinq ans, et que tu m'as arraché dans un moment de faiblesse. Rien ne t'a jamais prouvé que mes dires étaient fiables, ou qu'il n'a pas changé de cellule.
— Je sais qu'il est toujours là-bas.
— Et comment en serais-tu au courant ?
Marcus haussa les épaules avec une certaine insolence. Il n'avouerait pas avoir intercepté des lettres destinées à Eleanor, dans lesquelles des soldats lui donnaient des nouvelles de son frère. Toutes provenaient de la Terre de l'Émeraude, sans qu'une adresse exacte ne soit mentionnée.
Cela avait confirmé ce que lui avait confessé Rowan quelques années plus tôt, alors qu'ils partageaient une bouteille, tels deux piliers de bar.
— Je ne te dirai rien de plus, fit son oncle en posant son épée pour attraper un poignard. Quel que soit le projet que tu as en tête, tu ferais mieux de l'abandonner avant de faire une bêtise.
Comme cela avait été le cas quelques jours plus tôt, lors de la conversation avec ses parents, il eut l'insupportable impression d'être pris pour un petit garçon. Sûrement est-ce tout ce que tu mérites.
— C'est l'unique moyen d'évacuer ma colère une bonne fois pour toutes, insista-t-il. Je sais que papa ne peut pas comprendre, mais toi, je sais que...
— Tu ne sais rien du tout, l'interrompit-il sans méchanceté. Je comprends ton besoin d'exorciser toute la haine qu'il y a en toi, mais crois-moi, ce n'est pas en te défoulant sur cette ordure que les choses vont aller mieux. J'en suis la preuve...
Il esquissa un triste sourire, qui aurait pu faire flancher les résolutions de Marcus. Néanmoins, cela produisit l'effet contraire.
— Je ne veux pas seulement me défouler sur lui. Si je le retrouve un jour, je le tuerai.
Sûrement n'aurait-il pas dû exposer ses projets de la sorte. Toutefois, lorsqu'il était question de ce sujet, Rowan était son seul confident.
— Il fut un temps où j'étais persuadé des mêmes choses que toi. Heureusement, je me suis raisonné avant de commettre l'irréparable et c'est cela qui m'a sauvé.
Marcus faillit répliquer qu'il ne trouvait pas la situation de son oncle particulièrement reluisante, or cela aurait été méchant.
Lorsqu'il était enfant, le futur dirigeant ne remarquait pas la mélancolie qui habitait souvent Rowan. Ce n'était qu'en grandissant qu'il avait trouvé chez lui un miroir de sa propre peine. Tous deux partageaient un chagrin que presque personne d'autre ne pouvait comprendre. Malgré les vingt-et-une années qui le séparaient de la mort de celle qu'il avait aimée, le capitaine n'était jamais tombé amoureux de quelqu'un d'autre. Il s'était essayé à deux ou trois relations avec d'autres louves, mais aucune n'avait réussi à faire rebattre son coeur.
Il ne pouvait que stagner dans un quotidien fait de travail et de moments passés avec ses neveux. D'après lui, ce mode de vie lui convenait "à merveille", néanmoins chacun savait qu'il ne s'agissait pas de l'existence dont il rêvait avant que... Avant que quelqu'un décide de tout briser.
— Dans mon cas, il se trouve que j'ai déjà commis "l'irréparable", affirma Marcus sans trahir la moindre émotion. J'ai tué un vampire qui ne m'avait causé aucun tort, alors je ne vois pas ce que cela changerait si j'assassinais celui qui m'a rendu comme je suis.
Si son père ou Eleanor l'avaient entendu parler ainsi, ils ne s'en seraient jamais remis. Même Rowan, à qui Marcus avait déjà eu l'occasion de livrer ses pensées les plus sombres, parut choqué par son discours.
— Tu étais sous ta forme animale lorsque tu as tué ce vampire, lui rappela-t-il. C'était à l'époque où tu n'allais pas bien, tes pulsions se sont mélangées à ta colère et...
Le jeune loup leva les yeux au ciel face à ce piètre argumentaire. Y avait-il seulement eu une époque où il allait bien ?
— Nous sommes loin d'être les seuls à qui ce fumier a fait du mal, se reprit Rowan. C'est Eleanor qui a décidé de son sort et crois-moi, c'est bien à elle que devait revenir cette décision.
À cela, Marcus ne pouvait rien rétorquer. Qu'il s'agisse de lui ou de Julian, jamais personne ne leur avait précisément raconté ce que Manik avait fait subir à leur mère. Cependant, grâce aux ragots que chacun adorait colporter sur la famille du Grand Alpha, il n'était guère difficile de découvrir des informations que leurs parents auraient préféré garder éloignées de leurs oreilles.
— Elle a eu raison de le laisser croupir dans cette tour pendant plus de vingt ans, approuva Marcus. Mais à présent, il n'est sûrement plus qu'une loque résolue à son sort. Si je le tue, cela me permettra d'enfin tourner la page et de libérer le monde de ce poison.
Plus du tout préoccupé par ses armes, Rowan le toisa d'un oeil sévère.
— Par tourner la page, tu entends te trouver une jolie petite louve à qui passer la bague au doigt ? Sans vouloir t'offenser, je ne pense pas qu'un marié aux mains tâchées de sang fasse très chic sur les portraits...
Marcus croisa les bras, peu surpris que le meilleur ami de son père ait été mis au courant de ses intentions.
— Justement, ce sera mieux qu'un marié qui se sent... comme je me sens toujours, éluda-t-il. Je pense non seulement à la Terre des Loups, mais aussi à ma future femme et à mes futurs enfants.
Car il ne faisait nul doute que s'il ne se débarrassait pas de ce qui le rongeait, aucun avenir ne l'attendait. Il deviendrait le Grand Alpha le plus instable que le monde ait jamais connu, il ferait un piètre mari, doublé d'un père méprisable...
— Ta future femme a bien de la chance ! ironisa Rowan. Toutes ces précautions que tu prends pour elle avant même de l'avoir rencontrée, c'est si beau à voir !
Pour la énième fois depuis le début de la semaine, Marcus se demanda si n'aurait pas mieux fait de taire sa volonté de se marier au plus vite. Ses parents ne cessaient de lui faire des remarques, sans parler de Julian qui s'en donnait à coeur joie pour le taquiner.
— Je ne fais qu'assumer mes responsabilités. La Terre des Loups a besoin d'une stabilité exemplaire, surtout en cette période trouble.
Mais cela, il était vraisemblablement le seul à en avoir quelque chose à faire. Quand bien même il prendrait la décision de finir vieux garçon, son père n'irait jamais le secouer pour l'encourager à se marier. En tant que futur Grand Alpha, il s'agissait pourtant de l'un de ses plus grands devoirs et de sa priorité du moment.
— Quoi que tu décides de faire, ne compte pas sur moi pour t'aider, affirma Rowan. Tu ferais mieux d'aller voir ta grand-mère, plutôt que de te préoccuper d'un abruti qui croupit dans une tour, ou d'une fiancée dont tu ne connais même pas l'existence.
Marcus serra les poings, agacé que son oncle ne se ligue pas de son côté. Il savait que Rowan pensait agir pour son bien, mais c'était tout l'inverse.
— Figure-toi que j'avais prévu d'y aller tout à l'heure. Puisque tu ne m'es d'aucun soutien, je ne vais pas m'attarder plus longtemps.
Sur ces paroles acerbes, il tourna les talons et quitta l'armurerie. Tant pis s'il se montrait dur, tout le monde était de toute façon habitué à le voir ainsi.
Il traversa les couloirs du palais d'un pas énergique, tout en s'astreignant au calme. S'il y avait bien une personne qui ne méritait pas d'être traitée avec froideur et rudesse, il s'agissait de celle à qui il rendait visite.
Quand il arriva dans les écuries, une jument avait déjà été préparée pour lui. Une demi-heure plus tôt, il avait prévenu un palefrenier qu'il sortirait bientôt, et le domestique n'avait pas tardé à harnacher sa monture. Il enfila la cape et les bottes qu'un valet lui tendait, puis ne tarda pas à se mettre en selle.
Sa grand-mère habitait si près du palais qu'il aurait aisément pu y aller à pied, mais il ne se sentait pas d'humeur à dépêcher un garde du corps, ni à saluer les passants qu'il croiserait. Au moins, lorsqu'il était juché sur sa haute jument au crin noir, il pouvait évoluer dans les ruelles en toute discrétion, sa capuche rabattue sur sa tête.
Il atteignit la demeure de Charlotta, de loin la plus belle de l'Ancien Quartier, en l'espace de quelques minutes. Il adressa un léger signe de tête aux ouvriers qui s'attelaient à nettoyer la façade en pierre grège, pourtant déjà parfaitement propre. La maîtresse des lieux avait pour habitude d'entreprendre des travaux tous les mois, sans se demander si cela était vraiment nécessaire. Personne n'avait jamais le coeur à lui faire des remarques, quand bien même elle dépensait à tort et à travers. Elle aurait pu décider de rénover tout le village que cela n'aurait pas porté un grand coup à sa fortune.
Il attacha sa jument dans la cour intérieure de la villa, près d'une fontaine où s'épanouissaient de jolis nénuphars. Marcus ne comprenait pas comment ils pouvaient être en fleurs à cette période de l'année, mais il n'allait certainement pas interroger sa grand-mère à ce sujet. Une domestique l'accueillit en exécutant une révérence, puis le conduisit à l'intérieur de la demeure.
Quinze ans plus tôt, lorsqu'elle avait emménagé ici, Charlotta avait décoré chaque couloir et chaque pièce en un style proche de ce qui se faisait sur la Terre du Saphir. Les murs recouverts de lambris en bois de diverses couleurs, ainsi que les nombreux candélabres en bronze, rendaient l'atmosphère douce et chaleureuse. Cela aurait presque pu faire oublier le perpétuel silence qui régnait sur les lieux, couplé à une terrible impression de vide.
Malgré les multiples bibelots et les feux qui crépitaient dans les cheminées, rien n'aurait pu apporter un semblant de vie dans cette villa.
Tout semblait mort et figé, comme si les chagrins de la propriétaire avaient fini par imprégner les murs.
— Mon chéri, tu es là ! s'exclama-t-elle dès que Marcus foula la porte du grand salon.
Elle abandonna son métier à tisser en toute hâte et se rua sur son petit-fils. Il la laissa le prendre dans ses bras, habitué à ses étreintes pleines d'enthousiasme chaque fois qu'elle le voyait.
— Ton frère n'est pas venu ? demanda-t-elle en s'écartant. Je lui ai déjà dit que ça ne m'embêtait pas du tout qu'il vienne avec sa copine, au contraire !
Même si Charlotta ne partageait aucun lien du sang avec Julian, elle lui portait le même attachement que s'il faisait partie de sa descendance. Le jeune loup le lui rendait bien, puisqu'il la considérait aussi comme sa grand-mère. Eleanor avait toujours refusé qu'il rencontre ses grands-parents de la Terre du Rubis, alors il pouvait au moins compter sur sa "mamie Charlotta".
— À vrai dire, je ne lui ai pas dit que je venais, avoua-t-il, un peu coupable. Je voulais te parler de quelque chose d'assez... personnel.
Comme les grands yeux marron de la louve se voilaient d'inquiétude, il s'empressa de la rassurer :
— Ce n'est rien de grave, simplement... Je pense que tu es l'une des mieux placées pour m'aider.
Charlotta parut on ne peut plus perplexe. Elle l'invita à s'installer dans un joli fauteuil et chargea un domestique de préparer le thé. Celui-ci leur fut bientôt servi dans de charmantes tasses nacrées, accompagné de délicieux biscuits.
— Alors, qu'as-tu donc à me dire ? s'enquit-elle d'un air préoccupé.
Marcus hésita, conscient qu'il allait la décevoir et l'attrister. Il regarda un instant par la fenêtre à petits carreaux, qui donnait sur la cour. Sa jument s'y abreuvait tranquillement, tout en lorgnant sur les plates-bandes.
— J'ai récemment pris une décision importante. Papa et Eleanor ne me soutiennent pas, mais j'avais espéré que toi, tu pourrais m'aider.
Charlotta hocha la tête d'un air concentré.
— Je pense qu'il est temps pour moi de me marier, annonça-t-il enfin. Il me faut une louve avec laquelle je pourrai bâtir mon avenir et assurer les responsabilités qui incombent à mon titre.
Le visage de sa grand-mère s'illumina, comme si elle avait craint qu'il lui avoue quelque chose de bien plus terrible. Après le meurtre qu'il avait commis quelques mois plus tôt, il ne pouvait lui en vouloir.
— C'est une excellente nouvelle ! s'écria-t-elle en joignant ses mains avec enthousiasme. Je suis très heureuse que tu aies rencontré quelqu'un qui te donne envie de te marier ! De qui s'agit-il ?
Marcus se rongea un ongle, et ce signe de nervosité flétrit le sourire de Charlotta.
— Je ne le sais pas encore. C'est justement pour cette raison que j'aurais besoin de toi. Je sais que tu n'as pas d'égale pour juger des bonnes manières d'une jeune fille et connaître la situation de sa famille. Je voudrais que tu m'aides à trouver la fiancée parfaite.
Stupéfaite, sa grand-mère inclina légèrement la tête.
— La fiancée parfaite ? Ma foi, cela dépend de ce que tu entends par là !
Sous son écoute attentive, Marcus lui énuméra les quelques critères qu'il avait élaborés. Elle acquiesça de temps à autre, tout en ajustant une mèche grise qui s'échappait de son chignon sophistiqué.
— Penses-tu connaître quelqu'un qui puisse correspondre à mes attentes ? la questionna-t-il lorsqu'il eut terminé.
Heureusement, elle semblait beaucoup moins affligée que ne l'avaient été ses parents. Un pli soucieux creusait son front, mais hormis cela, elle avait l'air de comprendre les intentions de son petit-fils.
— Eh bien, personne ne me vient à l'esprit, toutefois... Ce ne devrait pas être impossible à trouver !
Cet optimisme fit plaisir à Marcus, même s'il savait que sa grand-mère se berçait souvent d'illusions. Combien de fois lui avait-elle vanté la gentillesse d'un domestique, avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'un bandit ?
— Sans vouloir te vexer, tous ces critères me paraissent cependant un peu... impersonnels, ajouta-t-elle avec douceur. Tu me décris la fiancée idéale pour un Grand Alpha, mais qu'en est-il de ta jeune fille idéale à toi ?
Le loup ne sut quoi lui répondre. Il ne s'était jamais posé la question et du reste, ne comptait pas s'y appesantir.
— Quand mes parents me cherchaient un mari, je tenais absolument à ce qu'il s'agisse de quelqu'un de profondément gentil. Même s'il était bien plus vieux que moi, ton grand-père était très séduisant quand je l'ai rencontré. Mais je m'en serais moquée si je n'avais pas senti chez lui une bonté des plus sincères.
Marcus ne conservait qu'un vague souvenir de son grand-père, décédé lorsqu'il avait quatre ans. La disparition de sa fille l'avait tellement affecté que la mort l'avait emporté moins d'une année après elle.
— Je tiens bien sûr à ce qu'elle soit gentille, répondit-il pour satisfaire sa grand-mère. Et il faudra absolument que ce soit quelqu'un que tu apprécies.
Il esquissa un léger sourire, qui suffit à la contenter.
— Je me renseignerai auprès de mes amis, lui promit-elle avec un petit clin d'oeil. Charmant comme tu es, les candidates ne vont pas manquer !
Elle but une gorgée de thé, puis son visage s'illumina, comme animé par la plus merveilleuse des idées.
— Et si tu organisais un bal ? Je suis certaine que tes parents seraient d'accord et même s'ils ne l'étaient pas, je pourrais toujours en prévoir un ici !
Marcus détestait les grandes réceptions comme la peste, ce qui était un comble pour un futur Grand Alpha. Toutefois, il consentirait à faire un effort afin de trouver sa fiancée.
— J'y avais pensé aussi. Mais nous devrons attendre mon retour de la Terre de l'Émeraude.
Plus il y pensait, plus il percevait ce voyage comme un potentiel danger. Si Rowan s'obstinait à lui refuser des informations sur Manik, ses nerfs se retrouveraient à vif et il serait plus susceptible de céder à d'autres... distractions.
Or il en avait définitivement terminé avec cela.
— C'est une région magnifique, ça te fera beaucoup de bien de te changer les idées ! J'ai déjà eu l'occasion d'y aller quand j'étais plus jeune et c'était un très beau voyage !
Marcus regrettait parfois de ne pas avoir hérité de l'enthousiasme de sa grand-mère. Malgré toutes les peines qu'elle avait endurées, elle se montrait rarement d'humeur maussade.
À la mort de son mari, elle était restée quelques années sur la Terre du Saphir, avant de se résoudre à la quitter. Marcus étant sa seule famille proche, elle avait tenu à se rapprocher de lui. Elle avait vendu ses exploitations de lumyx au Grand Alpha, qui lui avait proposé de venir vivre au palais. Malgré l'insistance du dirigeant, elle avait refusé, préférant s'installer dans sa propre demeure, non loin du château.
— J'y vais surtout pour ne pas contrarier papa, reconnut-il en baissant les yeux sur sa tasse de thé. J'aurais préféré rester ici pour planifier au mieux mes projets de mariage.
— Tu es toujours si sérieux, mon trésor, s'émut-elle. T'éloigner des contraintes du palais te fera le plus grand bien, tu seras d'autant plus à même de prendre les bonnes décisions à ton retour !
Marcus s'efforça de partager son état d'esprit, bien qu'il soit difficilement compatible avec le sien. D'après Charlotta, il partageait plus de points communs avec son grand-père, en particulier son caractère "bougon". Il regrettait souvent de ne pas l'avoir connu davantage.
— En tout cas, la demoiselle que tu épouseras aura beaucoup de chance ! Tu feras le meilleur des maris !
Il se força à grimacer un sourire.
Il ne s'aventurerait pas à contrarier sa grand-mère, mais le moins que l'on pouvait dire, c'était que sa future femme aurait tout sauf de la "chance"...