Musique: Survivor de The Score
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- Enfin, je soupire en ouvrant la porte du véhicule.
La route m'a parue interminable purée. Après son moment rigolade, Loïs s'est complètement retranché, il n'a plus esquissé le moindre sourire, le moindre regard ou le moindre geste. Il n'a fait que rouler comme un robot tandis que je faisais des micros siestes, chantais et ainsi de suite. Dire que demain nous devons encore rouler quatre heures..
En attendant, nous voilà à l'hôtel où nous allons séjourner une nuit. On entre tous les deux avec Loïs dans cet hôtel assez raffiné. Les garçons n'entreront que plus tard, par petits groupes.
- Bonjour, je lance tout sourire à la réceptionniste.
- Bonjour, avez-vous une réservation?
- Oui, au nom de Garret Hamford.
Changer de nom? Ce n'est pas commun, voir c'est même logique mais il aurait pu me le dire. Quel est mon nouveau prénom à moi?
La dame regarde dans son registre et finit par nous tendre une clé de chambre en nous souhaitant un bon séjour. Je la remercie avant de suivre Loïs jusqu'à l'ascenseur.
- Quel est mon nom à moi? Je demande une fois les portes fermées.
- Lisa Garfield.
Ok pas mal, je retiens.
L'ascenseur finit son assomption à l'étage numéro quatre. Je suis Loïs jusqu'à la chambre dont il a la clé. Lorsque l'on entre je me décompose.
- C'est quoi ces conneries?
Le regard noir de Loïs est las, rempli de lassitude envers ma personne.
- Une chambre de couple.
- Sans blague! T'es trop drôle Loïs. Tu dors par terre.
Mon sac à mes pieds, lui assis sur le lit deux places au centre de la pièce il me fixe d'un air dont je ne saurais déchiffrer.
- Si une personne doit dormir au sol c'est bien toi. La merde ici ce n'est pas moi, il crache en se couchant sur le lit.
Je me pince l'arrête du nez et m'approche, furieuse.
- C'est hors de question que je dorme avec toi.
- Tant mieux, j'en avais pas envie non plus. Y'a un bain là-bas.
Je serre les poings et m'enfonce dans la salle de bain pour me calmer. Le bain à ma droite m'énerve encore plus. Il est hors de question que je dorme une nuit en sa compagnie, plutôt mourir!
- Alors, ton lit est confo? Il me lâche à peine sortie de la pièce.
Le bras croisés derrière sa tête, il me fixe de son air diaboliquement hautain.
- Je vais t'étouffer avec un oreiller, je grogne.
Un sourire en coin lui vient avant qu'il ne se redresse.
- Vas-y viens essayer.
Il me provoque et ça fonctionne, j'ai envie de l'attraper et de le frapper de toutes mes forces.
- Enfoiré, je réussi seulement à dire.
Il ricane avant de se remettre dans la position dans laquelle il se trouvait avant. Je n'ai que trois propositions pour cette nuit: le lit avec lui, le sol ou la baignoire. Pourquoi il n'y a pas de canapé sérieux?
- Arrête de ruminer, les neurones que tu perds sont en train de courir chez moi. J'ai pas besoin d'être aussi con que toi.
Je grogne en serrant les poings et m'assois contre le mur. J'ai l'impression d'être une enfant de cinq ans en train de taper une crise. Comment arrive t-il à me mettre dans des états pareils? Faut que je me ressaisisse!
- J'ai faim.
- Commande et ferme-là, il crache.
Je soupire et me relève pour attraper le téléphone portable de la chambre, à côté de Loïs. Je le fixe comme s'il allait me sauter dessus et me bouffer toute crue. Couché sur le dos, les yeux fermés il semble essayer de s'endormir. Enfin, c'est ce qu'il essaye peut-être de me faire croire. A la vue de son sourire narquois je comprends très vite qu'il sait que je le dévisage. Ses yeux noirs s'ouvrent à la volée me faisant rater un battement de coeur.
- T'as peur que je te dévore mon trésor?
Je grimace, lui envoie un doigt et attrape en vitesse le téléphone pour éviter qu'il ne tente quelque chose. En deux en trois mouvements, ma commande est passée. Une pizza jambon fera son apparition d'ici une vingtaine de minutes.
- Recommence, j'en veux une aussi.
Je le fixe, incrédule.
- T'es un grand garçon, débrouilles-toi.
Ses yeux noirs ne me quittent pas du moment où il se redresse au moment où il se place face à moi, son corps beaucoup trop proche du mien. Je recule et il avance. Aucune expression sur son visage, seulement ses yeux sombres qui me scrutent de long en large. Mon dos tape contre le mur et son corps s'approche encore plus près du mien, il n'est qu'à quelque centimètres de mon visage.
- Tu..
Son bras se pose à côté de ma tête, me faisant perdre les mots qui se trouvaient dans ma gorge. Du coin de l'oeil je vois les muscles de son bras se tendre. Ma respiration s'accélère autant que mon coeur pompe dans mon corps. J'avale difficilement tandis qu'il profite pleinement de la situation. Un sourire en coin lui vient pendant que sa langue vient lécher sa lèvre inférieure. Mes yeux ne se détachent pas des siens malgré l'envie de tout regarder.
- Tu perds tes mots mon trésor?
Son sourire hautain me suffit pour reprendre mes esprits et le pousser en arrière.
- Je ne suis pas ton trésor. Va te faire foutre!
Je le bouscule et le dépasse pour aller me placer sur le lit. Loïs part dans un rire qui me surprend tout autant mais je ne le montre pas. Qu'il aille au diable!
- Dommage, ça devenait intéressant.
Il s'en va par la suite dans la salle de bain, au bruit de l'eau qui coule je comprends rapidement qu'il se douche. Je soupire de soulagement. Pourquoi a t-il fait ça au juste? Et pourquoi j'ai été comme envoutée par ce qu'il trafiquait. Il sait quoi dire et comment agir pour que tout lui tombe dans la main, ça ne fonctionnera pas avec moi. Je le déteste depuis le jour où j'ai appris son existence.
Tes propos semblent en train de changer de plus en plus Lérya, me souffle ma petite voix. Ce n'est pas faux mais ce n'est pas vrai non plus. Discuter avec les garçons ne signifient pas leur faire confiance ou devenir l'une de leur amie. Entre nous, ça ne sera que de la courtoisie dû au contrat. Au contraire de Loïs avec qui il n'y aura rien de tout cela.
J'entends l'eau de la douche se couper et mon souffle se coupe. Je me retourne en moins de deux secondes et ferme les yeux. La porte de la salle de bain s'entrouvre et mes poils s'hérissent sous mon pull en laine. Merde Lérya! Elle est où la force de l'aigle qui est en toi, la raison pour laquelle tu t'appelles Lérya?
- T'en as mis du temps, pire qu'une femme au final, je rouspète en ouvrant les yeux une fois redressée.
Je n'aurais pas dû. Bordel.
Mon corps se tend à sa vue. Il est là, occupé à chercher je ne sais quoi dans son sac, torse nu, une serviette blanche autour des hanches. Ses cheveux noirs encore mouilles laissent tomber des goutes d'eaux qui ruissellent le long de son corps sculpté. Musclé de la tête aux pieds, tout son corps est harmonieux. Ses quelques tatouages sur son corps me fait ouvrir la bouche. L'oiseau en cage me fascine le plus, il est tracé sur son pectoral gauche, l'oiseau, une colombe je crois, est dans une cage fermée d'un cadenas. Pas de trace d'une clé.
- Tu baves.
Je frotte ma bouche du dos de ma main et constate qu'il n'y a aucune trace de bave. Je le fusille du regard tandis qu'il se trouve vers moi, un sourire fier sur les lèvres.
- T'aimes ce que tu vois?
Je lève les yeux au ciel et me précipite dans la salle de bain. J'entends son ricanement débile derrière la porte alors que je soupire. Putain. Mon coeur bat à une vitesse folle dans ma cage thoracique, lui aussi à été surpris de tomber sur une chose pareille. Je ne peux pas mentir, son corps est d'une vraie beauté, sec et tracé comme il faut. Et cette ligne en V qui donnait envie de retirer cet essuie pour voir plus bas. Purée je divague! Il me faut une douche froide et vite merde.
J'active l'eau froide de la douche et me fous dessous le plus rapidement possible. Je crie intérieurement tellement l'eau est froide mais mon corps s'y fait rapidement. Purée.. Pourquoi et comment mon corps réagit de cette manière? Je le déteste! Je ne dois pas baver devant son corps de Dieu des enfers!
Je reste je ne sais combien de temps sous cette eau froide à ressasser ce qu'il vient de se passer, ce que j'ai laissé faire. Je me hais pour avoir réagi comme ça. Je finis par sortir de la douche et me sécher sauf qu'avec la précipitation, j'ai oublié quelque chose. Mon sac se trouve toujours près de la porte. J'ai trois options: demander à Loïs de me l'amener, aller les chercher moi-même ou remettre ceux d'aujourd'hui.
La décision se fait rapidement, je me rhabille et pars chercher mes affaires.
- Fallait le dire, je te les aurai apportés.
Je me tourne vers Loïs, cette fois habillé, d'un air perplexe.
- Oui bien sur, je te crois sur parole.
- Ouais t'as raison, je les aurais probablement jeté par le fenêtre.
Je le fusille du regard et pars me changer dans la salle de bain. Ce type va m'en faire voir de toutes les couleurs mais je ne compte pas me laisser faire comme ça, qu'il aille à la merde. A peine sortie de la pièce, on frappe à la porte. Je récupère ma pizza et m'empresse d'attraper une part.
- Eh! C'est à moi! Je baragouine en poussant sa main.
Un sourire à la fois mauvais et joueur lui vient avant qu'il ne m'arrache le carton des mains. Le carton dans sa main gauche, il attrape une de MES part de pizza de sa main droite. Je lui fonce dessus et tente de reprendre le carton qu'il lève au-dessus de sa tête.
- Rends moi la pizza, je grogne, le regard noir.
Ses yeux noirs me fixent tout en dévorant la part de la pizza que j'ai commandé.
- Mmh.. trop bon, j'avais la dalle putain!
S'ensuit une bagarre pour choper le carton de la pizza, il finit sa part en quelques bouchées pendant que j'essaye de lui grimper dessus, oubliant carrément qui il est. C'est ma pizza bordel. Je le pousse, je le mords, je le chatouille mais rien y fait, son bras reste tendu en l'air.
- Tu vas le lâcher sinon..
- Sinon quoi Lérya? Il me provoque.
Je le fusille du regard et le pousse d'une telle force que je vois au fond de son regard sombre de la surprise. Il se reprend vite et m'attrape le bras.
- Ne t'avise plus jamais de faire ça, il fulmine.
- Tu n'as qu'à garder tes mains sur ce qui t'appartient, je crache en le frappant de ma main encore libre.
Il ne bronche pas d'une semelle.
- T'oublies quelque chose. Tu m'appartiens Lérya.
Mon corps se bloque, mes yeux ancrés dans ses pupilles noires, je suffoque. Non, ça ne peut pas recommencer. Non.
Je me laisse tomber parterre, sa poigne me lâche le bras et je me morfonds la tête entre mes genoux. Ça ne recommence pas, ça ne peut pas recommencer. Ça ne peut pas.
- Qu'est-ce qui ne peut pas recommencer?
Je l'entends mais c'est comme s'il était loin, très loin de moi. Je suis comme bloquée dans des souvenirs sombres et violents. Je ne tiendrais pas une seconde fois.
- Lérya, regarde-moi.
Je gesticule au contact de sa main sur ma peau, je recule jusqu'à toucher le mur derrière moi. Ses yeux me reviennent en mémoire, son touché me revient par la suite et une boule d'angoisse me noue le ventre.
- Non, non, non. S'il te plait Léandro. Ne recommence pas.
Mon coeur bat à la chamade, ma respiration ne cesse d'augmenter, je n'arrive pas à me calmer.
- Lérya, c'est Loïs. C'est moi, regarde-moi.
Mon corps est tendu entre mes bras, je respire de plus en plus mal, les larmes sont à deux doigts de sortir, mes yeux tout comme mon corps me brûlent. J'ai cette envie de me griffer, de me faire mal pour oublier, oublier ses doigts sur ma peau. Oublier ce qu'il m'a fait, oublier ce que j'ai éprouvé.
- Lérya, c'est Loïs.
Une main caresse mes cheveux, une autre main attrape mon bras et me tire, doucement. Je relève la tête en essayant de contrôler ma respiration. Ce ne sont pas ses yeux que je croise mais des pupilles aussi noires que les ténèbres. Ses lèvres bougent mais je n'entends rien, je suis comme déconnectée de la réalité. C'est comme si j'étais sortie de mon corps pour observer ce qu'il se passait sans pourvoir faire autre chose que subir. Je me revois étalée sur ce sol, les habits déchirés et le corps complètement souillé. La vision de son corps mort me refait surface mais cela n'apaise pas mes maux, cela n'arrivera jamais à apaiser mes maux.
L'homme face à moi continue de me parler, de caresser tendrement mes cheveux mais je n'arrive pas à entendre ce qu'il prononce, je vois ses lèvres bouger mais aucun son ne me parvient. Ma respiration est saccadée alors que les images disparaissent petit à petit. Le coeur ballant, je reprends mes esprits, commencent à percevoir le monde autour de moi. Son regard ne quitte pas le mien.
- C'est moi, c'est Loïs, il ne reviendra pas. Il ne recommencera pas.
- Comment peux-tu en être sur? J'arrive à souffler, la gorge nouée.
Son regard sombre dévie le temps d'une seconde avant d'à nouveau plonger dans le mien.
- Je te le promets.
Le calme revient et je me détends au fil des minutes. Sa main ne cesse de caresser mes cheveux blonds, son autre main placé sur mon bras. La chaleur de sa peau me réconforte et réchauffe mon corps devenu bien trop froid.
- Tiens, mange.
Ses mains quittent mon corps pour les remplacer par le carton de pizza maintenant à moitié chaud. Je n'ai soudainement plus faim. J'attrape une part et me force à la manger, le regard bloqué sur mon bas de jogging. Loïs se lève, cassant la bulle formée durant ce tourment d'émotions.
- Pars pas.
Je suis autant surprise de mes propos que lui. Il semble hésiter quelques instants mais quand je lui montre le carton de pizza, il prend place à mes côtés contre le mur et prend une part de la pizza jambon. Nous mangeons tous les deux dans le silence, la pizza quasiment froide, nos corps complètement largués par ce qu'il vient de se passer.
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Comment dire..? C'est de l'inattendu pour le coup. Loïs aider quelqu'un en train de faire une crise de panique? MMhh..
Que pensez-vous de leur histoire pour l'instant? Franchement, complexe.
Aller, à la semaine pro!
K