Chapitre 6.2

                                    

                                          

{Outnumbered-Dermot Kennedy}
Après un cours passé à interagir avec mes propres pensées, ma longue matinée se termine enfin. J'aime la psychologie dans son fondement mais je trouve la façon dont elle est amenée par notre professeur très ennuyeuse. Je ne me plains pas, tant qu'il ne me remarque pas il peut continuer à raconter ce qu'il veut.
-Pour la semaine prochaine je veux que librement, sous n'importe quelle forme, vous travailler sur l'individualisme et l'holisme, certains d'entre vous présenteront leurs projets devant tout le monde.
L'air frais de l'extérieur me redonne de l'élan pour finir cette journée, je pense encore une fois à ce matin, comment l'oublier. J'ai tellement déconné, plus le temps passe et plus le goût du regret me reste sur le bout de la langue. 
Je devrais le chercher et m'excuser mais à quoi bon, les amis j'ai l'habitude de les perdre. J'ai l'impression d'éloigner tout le monde, la carapace que j'ai forgée montre une June désagréable que même moi je n'apprécie pas. 
Ce mur que j'ai bâti devant moi me sert uniquement à cacher mes émotions et les débris de moi-même. Je crois bien que les cours de psycho ont tendance à me transformer en reine du drame et ça me colle de plus en plus à la peau. 
Je dois appeler ma tante avant de retrouver Haven, j'en ai besoin, je veux me raccrocher aux derniers fils de ma vie sinon je perdrais définitivement l'équilibre.
-Allo...tante Suzie?
-June, enfin tu te décides à m'appeler, j'aurais au moins pu avoir un message.
-Tu me manques beaucoup, mais je ne m'ennuie pas entre les cours et tout ça tu vois. J'étais un peu prise avec euh... mes nouveaux amis.
Je lui mens, je l'ai fais toute ma vie, en rentrant de l'école j'adorais raconter des journées à ma mère qui ne m'appartenait pas vraiment. Ma tante me manque tellement, je ferais tout pour abandonner les cours et le stress. 
Mais je n'ai pas le choix, je continue pour elle, je lui dois bien ça après tout ce qu'elle a fait pour moi ces derniers mois. Après quelques mots échangés et pour ne pas prendre le risque de craquer en pleins milieux du campus je mets fin à la conversation.
-Je promets que je passerai te voir bientôt, je t'aime.
-Je t'aime aussi ma chérie, à très vite alors.
Haven et tout le reste de la bande sont assis autour de la table habituelle de la cafétéria, il est là lui aussi mais au moment où il m'aperçoit il s'éloigne avec Madelyn quelques mètres plus loin. 
Je me contente de l'ignorer et je rejoins mes amis même si au fond la culpabilité me ronge. Ma discussion avec Haven se rapproche néanmoins du sujet fâcheux.
-Écoute June, ça va lui passer. Même si c'est la première fois que je le vois comme ça il va s'en remettre, il t'apprécie aussi.
-Je me sens quand même fautive, j'ai dit certaines choses que je regrette vraiment maintenant. Mais j'ai bien l'impression qu'il ne m'approchera plus. Je m'en veux un peu mais j'étais tellement perdue que...
-J'ai très bien compris qu'il avait dormi avec toi cette nuit, ce n'est pas rien venant de lui et ça me surprend. Mais je dois te demander s'il t'a dit lui quelque chose en particulier?
Encore cette question, elle insiste pour connaître la réponse. Ce matin j'étais tellement concentrée pour sortir de cette chambre que je faisais à peine attention à ce que lui me racontait. 
-Non rien de spécial, je ne crois pas. Enfin il m'a répondu...que...je ne sais plus, je ne m'en rappelle pas exactement. 
-Tu es certaine, tu n'as aucun souvenir?
-Je te dis que non mais pourquoi tu t'inquiètes autant. Il y a quelque chose dont je ne suis pas au courant alors que je devrais l'être? 
Elle réfléchit un instant, elle cherche sûrement ses mots. Elle prend son temps pour avaler une autre bouchée de son repas avant de répondre. Je commence à m'impatienter ou m'inquiéter peut-être et elle se décide enfin.
-Non excuse-moi je raconte n'importe quoi. J'ai passé un examen pendant trois heures ce matin alors j'ai le cerveau un peu en compote. Sinon je te répète que tu ne dois pas t'en faire pour Adan, il reviendra tout seul.
-Tu sais quoi, j'ai décidé qu'il ne m'importait plus. Tout ce qui compte c'est que je ne mette pas une mauvaise ambiance entre vous tous. Je m'en voudrais trop si ça arrivait. 
-Ce n'est absolument pas le cas je t'assure, et tu es notre amie aussi maintenant ne l'oublie pas. C'est bien pour ça qu'on va aller s'acheter de nouveaux vêtements ce soir pour la soirée chez Gwen. Et pas de discussion.
Il n'est pas venu en littérature cette après-midi-là.
Nous entrons dans la dernière boutique de la rue. Après de longues minutes d'essayage je n'ai toujours pas trouvé ce qu'il me fallait. Je ne sais même pas vraiment ce que je cherche. Je suis assise devant la cabine et j'attends qu'Haven sorte pour lui donner un énième avis sur ses nouvelles tenues. 
-Tu penses quoi de celle-là June, j'hésite avec la blanche mais j'aime bien la première. Argh c'est tellement dur de choisir, quel dilemme.
Finalement elle garde les deux et retourne dans les rayons. Je ne sais pas ce qu'elle cherche mais son regard déterminé me fait sourire.
-Bon maintenant à toi, j'ai vu une robe vers l'entrée qui t'...
-Euh attend je t'arrête tout de suite. Je t'accompagne mais je ne veux rien. Ce genre de vêtements c'est un peu trop voyant pour moi.
-Justement, j'ai remarqué que tu n'avais rien dans ton placard à part du noir et des sweats. J'avoue que je rêve de te voir porter ça. Essaie-le au moins tu ne perds rien.
Difficile de faire plus discret avec une robe rouge. Elle me la tend et malgré mon air dubitatif je m'en empare puis me dirige vers les cabines. Je l'essaie et je me regarde un moment dans le miroir. 
Je tourne sur moi-même doutant un peu plus chaque seconde. Je sors une seconde plus tard et Haven me regarde avec de grands yeux.
-Je ne m'attendais vraiment pas à ça.
-Je sais cette couleur ne me va pas tu comprends maintenant l'origine de ma garde-robe. 
-Qu'est-ce que tu me racontes là. Tu es parfaite dedans, je ne comprends pas pourquoi tu ne mets pas ce genre de vêtements.
Peut-être parce que je déteste me faire remarquer et sortir de la masse.
-Alors tu le prends et tu le mets demain pour aller chez Gwen, c'est décidé. 
Je n'ai pas eu le temps de protester et à peine celui de me rhabiller que l'on marchait vers la voiture chacune un sac à la main.
-J'ai tellement hâte d'être demain, tu as sûrement déjà fait quelques fêtes. Mais je t'assure qu'ici à Olympia on ne rigole pas sur ce genre de choses. Ça va être juste dément crois-moi. 
Je ne sais pas si elle cherche à me rassurer mais cette information n'a pas vraiment l'effet escompté sur moi.