Chapitre 43 : La mort du chasseur.

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Point de vue d'Enzo :
Il se fait tard. Les rues sont calmes. La nuit tombe. Il fait froid et je suis fatigué. Depuis que je me suis libéré de Mathilde et de son groupe de creepypastas, j'ai été débordé. J'ai été d'une grande aide pour les creepyhunters. J'ai pu facilement leur donner des indications sur l'endroit où j'étais retenu prisonnier. Malheureusement, quand nous sommes arrivés, il ne restait plus aucune trace de mes tortionnaires. Ils s'étaient comme évaporés dans la nature et il fut dur de les retrouver, même après plusieurs tentatives de recherche infructueuses. Ils étaient bien protégés. Trop bien.
Je me suis dépêché et j'ai continué d'avancer. Très vite, je me retrouve en pleine banlieue. Cela faisait quelques mois déjà que je travaillais dans cette ville. D'après les informations qu'on avait bien voulu me donner, c'était la ville natale de Mathilde Rykers et c'était l'endroit où elle avait commis ses premiers crimes, avec l'aide de ces satanés proxies.

Je poursuis mon chemin jusqu'à ce que j'arrive devant une grande bâtisse qui semblait abandonnée. Le manoir de Rykers. Je me suis toujours demandé comment ce salaud de Dorian avait réussi à avoir autant d'argent et à pouvoir se payer une maison aussi luxueuse. Je me suis documenté sur son cas, après l'avoir tué comme un chien et au terme de mes nombreuses recherches, j'ai découvert qu'il était devenu un éminent professeur dans une prestigieuse université après avoir abandonné son poste de chasseur. La chance lui a souri.

J'ouvre une des portes du portail battant et j'entre dans la propriété. Il y a des mauvaises herbes partout qui jonchait la pelouse du jardin, devenu une jungle à cause du peu d'entretien.
Cette ambiance est glauque, pour moi. La maison désaffectée dégage une ambiance pesante. L'air était lourd et je ressentais un fort sentiment de malaise rien qu'en marchant vers la véranda aux vitres sales.

Alors que j'arpente les derniers mètres me séparant de la grande demeure, je vois une ombre se tenant devant la porte que je peine à identifier.
"Mais pourquoi c'est moi qui dois toujours me coltiner le sale boulot" pensais-je durant une fraction de secondes.
Je tourne la tête vers la droite et j'aperçois une immense voiture que je n'avais jamais vu auparavant, trônant là. C'est un monospace bleu aux vitres teintées. Un mauvais pressentiment m'envahis. Quelque chose de mauvais se trame dont il s'avère que je serais peut-être la victime.
Mon regard se pose sur l'ombre qui s'avance lentement. Un lampadaire éclaire son visage et je peux reconnaître les traits de son faciès si délicats et si singuliers. Je reconnais aussi cette silhouette mince et élancée. Elle ne porte pas son masque mais elle est vêtue de sa sempiternelle petite robe noire qui lui donne l'apparence d'une célébrité. J'essaie de ne pas tomber sous son charme. C'est une des personnes qui m'a torturé ! C'est une des personnes qui a détruit ma vie, et a cause de qui je garde des séquelles de cette expérience douloureuse ! Je ne dois pas succomber à mes pulsions amoureuses ou sexuelles ! Je sais où m'a menée ma précédente histoire d'amour, la dernière fois et je ne veux plus jamais connaître ce sentiment d'addiction à une partenaire.

Je la scrute d'un air ahuri mais je conserve toujours une allure menaçante. Nous nous regardons comme deux chats de faïence. Je ne perçois pas de haine dans ses yeux. Elle semble simplement m'examiner à la lumière artificielle de l'éclairage. C'est assez déroutant. Soudain, elle s'approche en se mettant à parler d'une voix atone :

- Enzo Grinberg... j'ai toujours su qu'on se reverrait, même après ta fuite. J'ai toujours su que tu étais un lâche, d'ailleurs. Tu es un homme de peu de foi et tu as beaucoup de culot, je dirais, de venir ici. Mais je sais aussi que tu ne viens pas de ta propre initiative. Tu es toujours le bon chienchien des creepyhunters, et en particulier, celui d'Élena.
Elle arbore un sourire sadique avant de continuer à se diriger vers moi.
- La même Élena qui a tuée ma mère par pure jalousie. La même qui t'a raconté cette histoire sordide qu'elle n'avait jamais raconté à personne d'autre. Tu sais, cette histoire, où la méchante sorcière tue la jolie reine sous les yeux innocents de la petite princesse. La petite princesse qui a bien grandi depuis ce temps-là et qui a soif de vengeance. La même Élena qui te ressemble en tout point. Tu es comme elle, tu le sais, cela ? Tu tue car tu veux échapper a tes propres problèmes, à ta vie misérable et à ta propre haine envers toi-même. Tu es pathétique. Tu as tué Aïcha, ma meilleure amie et tu as tué mon père car tu avais honte de toi-même. Inutile de m'affirmer que tu l'as fait juste en tant que creepyhunter. Quand on en arrive à commettre ce genre d'actes, c'est qu'il a bien fallu qu'une série d'événements nous traumatise, non ?
Je suis estomaqué. Je ne savais pas qu'elle était au courant d'autant de détails dans cette histoire. Je m'apprête à lui répondre mais elle m'interrompt brusquement.

- Oh, je sais que tu as tué mon père. Inutile de le cacher. Je l'aimais fort mais je n'ai plus assez de larmes pour le pleurer. J'ai pleurer pour tout ceux que j'avais perdu, pour mon père, ma mère, pour Aïcha... mais cela ne sert à rien si je ne les venge pas. Cela ne sert à rien si je ne leur apporte pas les têtes de leurs meurtriers sur un plateau d'argent. Ils méritent cela. Et c'est ce que je vais faire, aujourd'hui. Je  vais leur donner ce dont ils ont envie depuis si longtemps.

Elle sort son arme, un révolver et le pointe vers moi, arborant maintenant une expression de haine primale. Je décèle aussi de la folie en elle. Je sors aussi mon arme de service et je pointe aussi le canon vers sa tête que je rêve de voir exploser tant son visage me hante.
- Je ne sais pas pourquoi tu agis ainsi mais sache que je n'ai pas fais tout cela par pur intérêt. J'ai aussi voulu protéger l'organisation.
Ma défense est faible mais c'est ce que j'ai sur le coeur. Si elle savait à quel point, je ne peux plus supporter les  fantômes de Aïcha et de Dorian. Le poids du passé me pèse et même si je dois mourir par ses mains, je préfère ce sort à celui de vivre en étant hanté par ces gens.

Le combat commence. Mathilde est habile au tir et j'essaie tant bien que mal d'esquiver ces tirs meurtriers. Je sors mon couteau de chasse et je parviens à lui faire une égratignure sur son beau visage. Elle veut me tuer  sans avoir recours à ses amis. J'ai deviné depuis un certain temps que les proxies étaient absents mais je n'ai pas le temps de m'y attarder. Je dois lutter pour ma survie. Mathilde est de plus en plus rapide. Elle atteind sa cible, les yeux fermés. Elle a vraiment un don phénoménal pour tirer. Je parie qu'elle a accumulé de nombreuses connaissances sur comment tuer quelqu'un, en particulier avec une arme à feu.

Mon épaule a été touchée. Merde ! Je suis grièvement blessé et je perd du sang. Malgré mon envie de mourir, je n'ai pas envie de rendre l'âme, ici. Je ne peux pas affronter Mathilde. Je fuis à travers la forêt mais elle me retrouvera, elle est coriace. C'est une chasseuse dont je suis la proie éculée. Alors que j'erre sans but à travers les bois, j'aperçois une forme indistincte. Je plisse les yeux pour la reconnaître. Elle s'avance et je reconnais Aïcha qui semble si heureuse. Elle continue de flotter jusqu'à moi avant de me prendre tendrement dans ses bras. Mais,  tout d'un coup, sa poigne se fait plus ferme. J'étouffe et j'essaie de crier de toutes mes forces, malgré la pression sur ma poitrine mais mes tentatives restent vaines. Je continue de suffoquer. Même si je ne vois pas son visage, je devine l'air cruel que doit arborer Aïcha. Le même que celui de Mathilde. Je peux même très entendre clairement sa voix qui résonne dans mon esprit.

Alors, qu'est ce que cela fait ? D'être à ma merci, comme je l'ai été ? De souffrir comme j'ai souffert ? D'avoir peur comme j'ai eu peur ? De mourir comme je suis morte ?

Aïcha, je suis désolé. Pardonne-moi pour tout ce que je t'ai fait subir. Je n'aurais jamais du agir ainsi. Je suis désolé. Mathilde a raison, je me déteste surement pour t'avoir tué. Je me déteste d'avoir été ainsi. Je suis tellement désolé...

Pardon...

Je ne ressens plus rien, plus aucune douleur. Mon corps s'affaise et je tombe, raide, sur le sol. Je sens le poid de mon corps disparaître petit à petit. Je ressens une sensation de bien-être qui me traverse, des pieds à la tête. Je ferme les yeux lentement et je m'abandonne à cette douce voluptée. C'est la fin. La fin de tout.

Adieu...

Point de vue de Mathilde :
J'ai réussi à le tuer. Alors qu'il fuyait, je suis parvenu à l'atteindre. J'ai tiré sur des parties où j'étais sûre qu'il mourrait instantanément si les balles atteignaient les-dites parties corporelles. Je suis plutôt fière de moi, même si je ne ressens pas la joie que j'aurais dû éprouver. Je ressens plus un mélange de tristesse, de ressentiment et de colère envers moi-même.
Il était comme moi, en fin de compte. Il me ressemblait.
Un être qui tue car il veut échapper a ses propres problèmes...
À sa vie misérable...
À sa propre haine envers soi-même...
Je suis comme lui...

Pathétique...

Bad Creepyhunter [ INACHEVÉ ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant