_ Lizzie ?
William ouvrit la porte du salon de lecture, la pièce préférée de sa femme qui en avait fait son petit espace personnel, séduite par ses dimensions réduites et sa position à une des extrémités de la maison, où personne ne venait la déranger. Ces derniers jours, avec la température qui baissait inexorablement à mesure que l'on approchait de l'hiver, elle y passait le plus clair de son temps.
Le feu brûlait doucement dans l'âtre, un livre avait été abandonné sur le sofa, et l'on pouvait entendre, au loin, les notes du piano de Georgiana, mais la pièce était vide.
Darcy la chercha pendant un moment, d'abord dans la bibliothèque, puis dans le jardin d'hiver et dans quelques autres pièces encore, demandant à tous les domestiques qu'il croisait, mais la jeune femme ne se trouvait nulle part. En désespoir de cause, il alla trouver sa sœur.
_ Georgiana, savez-vous où est Lizzie ? Je la cherche partout...
_ Je ne sais pas, répondit la jeune fille en interrompant son morceau. Elle disait ce matin qu'elle voulait aller déposer des fleurs sur la tombe de maman, que cela lui ferait prendre l'air. Elle s'y est peut-être rendue ?
_ Mais c'est à plus de trois miles ! Avec toute cette pluie, ce serait de la folie !
Georgiana eut un sourire et Darcy se rendit compte de l'inutilité de sa remarque. Effectivement, cela ressemblait bien à sa jeune épouse de disparaître sans crier gare, et ni la distance ni le mauvais temps n'avaient jamais été excuses suffisantes pour l'empêcher de sortir si elle l'avait décidé.
À tout hasard, il descendit à l'écurie pour s'enquérir si la jeune femme avait pris la voiture, et la réponse qu'il reçut, si elle ne le surprit pas le moins du monde, lui fit froncer les sourcils : Elizabeth était bel et bien partie à pied, il y avait plus de deux heures, malgré l'insistance du cocher de faire atteler pour elle. Avec la pluie froide qui tombait depuis un bon moment et qui semblait s'intensifier, son épouse devait maintenant être trempée, frigorifiée et couverte de boue, quelque part au milieu des collines ou des bois...
_ Faites seller mon cheval, demanda-t-il aussitôt. Je pars la chercher.
Il remonta rapidement dans sa chambre pour se vêtir chaudement, emporta au passage un manteau supplémentaire, puis, aussi furieux qu'inquiet, il enfourcha son cheval et partit au galop. Connaissant sa femme et son engouement pour l'exercice, si elle avait effectivement décidé de se rendre sur la tombe de feue Anne Darcy, elle était certainement passée à travers champs, coupant par le raide petit sentier qui grimpait la colline pour se rendre directement jusqu'à la chapelle auprès de laquelle étaient enterrés plusieurs générations de Darcy, au lieu de prendre la route qui contournait la colline un bon moment avant d'aboutir au même endroit.
Depuis son arrivée, la jeune femme montrait beaucoup d'intérêt pour les ancêtres de Pemberley, mettant des noms sur chacun des portraits accrochés aux murs et cherchant à mieux comprendre l'histoire de la famille. Elle montrait notamment un intérêt et un respect tout particuliers envers l'ancienne maîtresse de Pemberley, Anne, la mère de William, sur la tombe de laquelle elle s'était déjà recueillie à quelques reprises, et dont elle avait fait déplacer un des cadres pour l'accrocher dans son petit salon.
Darcy, lui, ne voyait dans ces portraits solennels que des souvenirs de jeunesse et la réserve imposée par ses parents. Hormis les douces et innocentes années de la petite enfance, il ne lui était jamais arrivé de serrer sa mère dans ses bras, encore moins lorsque le difficile retour de couches de la naissance de Georgiana l'avait peu à peu affaiblie, jusqu'à l'éteindre tout à fait. Le fantôme de la mort rôdant autour d'Anne avait éloigné d'elle les pleurs du nourrisson, emporté dans les bras des nourrices, tout autant que les larmes de William, qu'on avait écarté de la chambre maternelle et envoyé se réfugier dans les livres et le grand air. Le dernier souvenir qu'il emportait de sa mère avait été ce baiser qu'on l'avait invité à venir donner sur un front déjà trop tiède, alors qu'elle reposait, les yeux fermés, dans sa chambre aux fenêtres fraîchement voilées de noir.
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La renaissance de Pemberley (fanfiction)
Historical FictionFANFICTION ORGUEIL ET PRÉJUGÉS / Cette fanfiction a été écrite en 2008, à partir du film avec Keira Knightley et Matthew Macfadyen. On suit Elizabeth et Darcy pendant leurs fiançailles et les débuts de leur mariage. PRÉCISION : cette histoire a été...