Mes mains tremblent alors que le regard de la médecin passe sur chacun d'entre nous.
- C'est lui, dit Danny en me pointant du doigt.
La femme se tourne vers moi et je hoche la tête, la gorge sèche.
- Il demande à vous voir, venez avec moi.
Je recommence à respirer, difficilement, mais au moins, l'air circule de nouveau dans mes poumons. Les tremblements ont gagné tout mon corps, je ne suis pas sûr d'arriver à la suivre, alors qu'elle a déjà traversé le couloir pour s'enfoncer dans un autre. Tous les murs se ressemblent et je me dépêche de la rattraper avant de la perdre de vue et de ne pas savoir où aller pour le retrouver. Mon cœur n'y croit pas – plus – mais il va enfin le revoir.
Arrivé au niveau de la médecin, je regarde autour de moi, m'attendant à ce qu'elle m'indique une porte à tout moment. Nous passons d'ailleurs devant des dizaine de portes sans jamais qu'elle ne s'arrête, certaines sont fermées, d'autres entrouvertes et des plaintes, des souffrances, des maux et des souffles nous parviennent. J'ai peur que chaque son me brise le cœur, et je me sens étouffer à chaque pas. Je ne suis pas à l'aise, je souffre pour ces gens, et je souffre encore plus à l'idée de découvrir Eden dans un lit d'hôpital, malgré mon envie de le revoir.
- Il est réveillé, mais il est encore un peu faible, alors il faut le laisser se reposer, je ne peux pas vous laisser avec lui plus d'une dizaine de minutes.
Je hoche la tête. Juste l'approcher, lui prendre la main, lui dire deux mots, c'est tout ce dont j'ai besoin.
Elle s'arrête devant une porte close, et je manque de lui rentrer dedans, soudainement plongé dans mes pensées afin de trouver les mots justes à lui dire. Elle me scrute de son regard fatigué, la main sur la poignée de la porte.
- Ce n'est pas le moment maintenant, mais je vais avoir besoin que vous lui posiez la question.
Elle marque une pause, cherche dans mon regard une réponse que je ne possède pas.
- J'ai besoin que vous lui demandiez s'il a tenté de mettre fin à ses jours, vous comprenez, c'est important.
Nouvel hochement de tête. J'espère qu'elle comprend que je n'arrive pas à parler. Je trépigne. J'ai besoin de le voir, maintenant. La femme m'observe un peu plus longtemps et je suis à deux doigts de la supplier de me laisser entrer. Elle appuie finalement sur la poignée et ouvre la porte. A l'intérieur, il fait étrangement sombre, les rideaux ne sont pas tirés, mais je remarque qu'il fait nuit noire à l'extérieur, et seule une petite lampe au dessus du lit est allumée.
Les draps blancs recouvrent le corps pâle d'Eden, et son visage est tourné vers le plafond, avant qu'il ne perçoive notre présence et qu'il se tourne vers nous. J'oublie tout le reste, je ne regarde pas autour de moi, je m'avance presque en courant pour arriver à son chevet. Son visage est marqué, ses joues creusées, ses yeux rouges, ses lèvres opalines. Et quand son regard croise le mien, quelque chose se brise en lui, je le vois comme le nez au milieu de la figure.
Peu importe que la médecin soit derrière moi, qu'une infirmière s'affaire à fixer l'intraveineuse sur sa main, que l'odeur qui règne dans la pièce pourrait me retourner le cœur – ou ce qu'il en reste, je pose mes mains sur ses joues et je me penche vers lui, embrassant ses lèvres. Un simple baiser, pour lui dire que je suis là, parce qu'à ce moment précis, nous n'avons pas besoin de mots.
J'avais besoin de le voir autant que lui avait besoin de me voir.
Je me recule et j'essuie l'unique larme qui coule sur sa joue. J'entends un bruit dans mon dos, et je remarque que la médecin m'a apporté une chaise qu'elle cale juste derrière moi. Je la remercie d'un signe de tête et je m'assois, une main toujours posée sur la joue blême d'Eden. Son regard ne me quitte pas, et même s'il a l'air terriblement fatigué, je vois qu'il lutte pour réparer ce qui a été brisé à l'intérieur de lui.
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Pour que tu m'aimes encore
RomanceLorsqu'Eden et Solly se rencontrent pour la première fois, l'orage de leurs vies s'éveille. Ils passent une première nuit entre non-dits, baisers volés et l'idée qu'ils ne se reverront sûrement plus jamais. Pourtant, quelques années plus tard, les a...