Il y a peu de choses que j'aime, en ce bas monde. J'aime le pétillement du coca cola sur ma langue, surtout quand on le laisse longtemps et que ça arrache bien. J'aime la glace au marron, cette merde est addictive, j'en ai des pots complets dans mon réfrigérateur. J'aime tout ce qui est sucré en général, d'ailleurs. J'aime bien l'hiver et l'automne, j'aime bien quand on me fout la paix, j'aime bien baiser et boire, et, bien sûr, j'aime tuer.
Dans catégorie des trucs que j'aime pas, par contre, il y a plus de choses. Et au sommet de ces choses, très bien classé dans mon top des "trucs à éliminer de toute urgence", se trouve la religion. Sérieusement, comme si les lois humaines étaient pas assez reloues comme ça, maintenant on voudrait nous faire croire qu'une sorte de Cthulu omnipotent a gueule humaine nous aurait créés juste pour le plaisir de nous voir mourir et de nous donner ses directives en nous faisant croire qu'il nous "aime très fort"?
Bullshit. "Boule-shite" comme dirait l'autre gamine. Je vis ma vie, personne n'en décide pour moi, et personne ne me dit ce qu'il y a après la mort ni me commande. À mon avis, la réponse est simple, de toute façon: on est des tas de cellules vaguement intelligents, donc faut pas s'imaginer des trucs de fous après la mort. Jserais partisante d'un super endroit qui s'appelle "rien du tout" pour y aller quand j'aurais clamsé. Sérieusement, une vie éternelle après la mort? C'est débile! Pourquoi pas donner directement une vie éternelle sur terre dans ce cas, hein? Aucun sens... Et qui voudrait vivre éternellement dans un trou à rat comme Ilica, de toute façon?
Bref, autant vous dire que quand mon employeur m'a annoncé - enfin, quand l'un de ses sous fifres l'a fait - que ma cible était un prêtre aux liens un peu flous avec les Falconis, j'ai pas mal rigolé. J'espère pouvoir m'éclater correctement. On est samedi soir, et ça fait une semaine que je me coltine l'autre gamine à l'appartement. Et je crois que les choses commencent à monter; j'ai entendu quelques histoires comme quoi les Sforza la recherchent. Tant qu'elle ne meurt pas, ils n'ont pas l'opportunité d'accuser les Falconis d'être coupables de sa mort pour légitimiser leur guerre de clan. Et tant qu'ils ne savent pas où elle est, les Falconis ne peuvent pas s'en prendre a elle en l'accusant d'avoir tué Nico. En somme, tout le monde veut le cul de la gamine pour pouvoir démarrer les hostilités, et j'ai hérité de la joyeuse tâche de le protéger. Les deux clans s'échauffent. Les Falconis commencent à s'installer dans les arrondissements périphériques de la rive est, à la frontière du territoire Sforza. Autant dire que ça va péter d'une manière ou d'une autre, que je la cache ou non. Je soupire en regardant les bancs de l'église se remplir peu à peu.
Enfin... remplir est un grand mot. Ma cible est le père Daniel, curé de cet église, ou prêtre, aucune idée de la différence. Et la paroisse n'a plus l'air si fréquentée que ça. Les bancs sont un véritable gruyère tellement il y a de places vides. Et d'ailleurs, la seule partie non vide du fromage n'est plus très mangeable. Et je veux dire par là que la plupart des gens qui assistent à l'office du soir ont dépassé la date de péremption.
Je me suis assise au fond de l'église, dans un recoin à l'écart. C'est un bâtiment moderne, de forme quasi circulaire, et comprenant un certain nombre de pans en bétons me permettant de rester cachée des paroissiens. Je ne suis pas vraiment une habituée, et je ne me suis pas vraiment habillée de manière discrète. Oui, c'est stupide pour aller tuer quelqu'un. Mais bon, j'étais obligée, mon sens de la provocation, vous comprenez... je m'explique:
Lunettes de soleil, modèle dernière génération, avec une chaine dorée. On peut même filmer avec, bien que j'ai jamais vraiment compris l'utilité de ce truc.
Mes plus grosses boucles d'oreille, deux serpents dorés qui descendent jusqu'à mes épaules.
Mes longs cheveux noirs parfaitement lâches dans mon dos.
Un haut en fourrure noire très... très ouvert. Laissant mes épaules nues, le décolleté descend plus bas que mes seins, laissant apparaitre une bonne partie de mon torse. Les deux pans la blouse sont fermés par une boucle dorée sur mon ventre, et le haut me descend jusqu'au milieu de cuisses. Il fait aussi office de bas, du coup. S'ajoutent à cette tenue provocante mes bottines en cuir favorites, talons hauts, mais pas aiguille.
Je suis pas complètement folle non plus. Et ma haine des talons est tenace.
Et je me plais, à souiller ainsi la maison du Seigneur de ma perversion, n'oubliant pas de lui rappeler que la nuit précédente, j'ai baisé Ambre comme jamais. Toujours aussi peu fan d'homosexualité, mon vieux?
De ma place, à l'écart, j'observe la foule. Une forêt de chevelures blanches et grises parsemée de crânes dégarni. La crème périmée du 3e arrondissement. Grande joie. Le prêtre a commencé son office, et blablate des bêtises à laquelle la foule répond comme d'un seul homme. On dirait des automates. C'est quand même un peu flippant, ça a un côté secte. Entre deux séances de blablatage, ils chantent. Je dois avouer que c'est la seule partie sympa, même si les paroles me donnent envie de me tordre de rire. "Il est venu sauver les hommes!" Scandent-ils tous ensemble.
J'en connais un certains nombre qu'il a pas sauvé, votre Dieu. À commencer par ce cher Nico.
Peu à peu, la messe touche à sa fin et l'église se vide. J'attends que les assistants s'éloignent, et que le prêtre rentre dans sa loge, pour me lever discrètement. L'église est maintenant parfaitement vide. Bon. L'heure de Dieu est passée; passons à l'heure du Diable.
Je ferme les verrous des différentes portes de l'Eglise. Ne jamais être dérangée en plein boulot, c'est le plus important. Vérifier mon matos; une corde, un couteau, mes gants, le tout mis dans un petit sac à main pas dégueu. Ce soir, j'ai vraiment mis le paquet niveau style. Eh, ne dit on pas qu'il faut bien s'habiller quand on va à la messe? Ce sont mes habits du dimanche, là.
Je me dirige ensuite vers la loge du prêtre, ou il est en train de se préparer à rentrer chez lui. J'ai appris que ça s'appelle un "presbytère", il me semble. J'adore ce mot. Il fait pas très catholique. J'y jette un œil, et le vois occupé à ranger quelques affaires. Parfait! Mon employeur a demandé "théâtral". Apparemment, ce curé a mis son nez dans des affaires qui n'étaient pas les siennes, et a fréquenté les mauvaises personnes, et à Ilica, ce n'est jamais une bonne idée.
Un grand fracas résonne dans l'église quand je renverse tous les objets qui se trouvaient sur l'autel. Ils veulent du théâtral? C'est ce que je préfère. Je me cache légèrement dans l'ombre, et voit arrivé un père Daniel intrigué mais sur ses gardes. Il monte les marches menant à l'autel, et découvre mon œuvre. Il reste figé un instant, et c'est l'instant que je choisis pour ressortir derrière lui et m'asseoir sur un banc, au premier rang. Je me trouve entre lui et sa loge. Qui est désormais sa seule sortie, vu que j'ai bloqué les autres portes. J'ai mes gants, c'est parti pour le show.
-Vous cherchez quelque chose, mon père?
Il tressaille et se tourne lentement vers moi. Voilà un curé intelligent... je lis dans ses yeux qu'il sait parfaitement les raisons de ma présence... et ce qui l'attend.
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La Prédatrice
RomancePersonne ne connaît son vrai prénom, mais elle se fait simplement appeler Shi pour le travail. Ça signifie mort, et c'est une excellent pseudonyme, puisque c'est ce en quoi consiste son travail. Elle est une prédatrice, et elle méprise les proies. J...