Je n'ai pas hésité, j'ai couru jusqu'à la première station de métro et j'ai couru plus vite encore pour monter dans la première rame à quai. Heureusement pour moi, je n'avais qu'un changement à faire, à deux stations, pour prendre la ligne 4 et aller directement à l'hôpital. Contrairement à ces deux dernières heures où je n'ai pas cessé de me monter la tête avec des scénarios plus fous les uns que les autres pour prévoir les réactions de Shelly (d'ailleurs, aucun de mes scénarios ne me préparaient à ce que j'ai finalement vécu), cette fois, mon cerveau est blanc comme neige, incapable de fonctionner, d'imaginer ou de prévoir ce qui m'attend.
Dans le métro, je me ronge si fortement les ongles que j'attaque la chair et que je suis à deux doigts de saigner. A la place, je ferme fortement les poings et je me concentre sur ma respiration. Les mots d'Anton, l'intonation de sa voix, les bruits de fond, tout ça résonne dans mon esprit vide et m'empêche de réfléchir. Pour la première fois de ma vie, j'en suis incapable. Je ne peux pas ruminer, je ne peux pas me poser des tonnes de questions, je ne peux qu'attendre que ce fichu métro referme ses portes et m'emmène au prochain arrêt.
Lorsque je peux enfin sortir de cette rame où j'étouffais, je recommence à courir, malgré que mes poumons brûlent ma cage thoracique et que chaque inspiration déchire ma gorge. Lorsque j'arrive devant les portes de l'hôpital, je sors mon téléphone et appelle Anton. J'entre dans le hall et je regarde autour de moi, chaque tonalité faisant grimper l'anxiété qui me ronge la peau. La personne à l'accueil me jette quelques regards, sûrement alertée par la pâleur de mon visage et mon air affolé.
Enfin, Anton décroche.
- On est au deuxième étage, du côté des urgences.
Il raccroche aussitôt. Tant mieux, ça me laisse moins de temps pour réfléchir et plus pour agir. Je me dirige vers la personne à l'accueil, m'écrasant presque contre son bureau, et je lui demande la direction des urgences. Avec une bienveillance qui calme légèrement les battements frénétiques de mon cœur, elle m'indique une porte battante au bout d'un couloir, et des escaliers à trouver sur ma droite. Je m'élance après l'avoir remercié du bout des lèvres.
Je trouve l'escalier sans problème, et une fois dans le couloir du premier étage, je ralentis le rythme. Mon cœur est à bout. Plusieurs infirmiers et infirmières passent devant moi en poussant un brancard, et je me cale sur le côté pour ne pas les gêner, ne pouvant m'empêcher de jeter un regard à la personne allongée. Ce n'est pas Eden, mais une vieille dame, le regard vissé sur le plafond. Mon cœur se serre un peu plus et je recommence à marcher, à la recherche de mes amis.
Je tombe sur eux au détour d'un couloir, au milieu de ce qui ressemble à une salle d'attente. Joly et Anton sont là, la première assise sur une chaise, le visage entre ses mains, le deuxième debout à côté d'elle, les bras croisés. Les traits de son visage sont déformés par ce qui ressemble à de la peur et de l'incompréhension, et il semble sentir ma présence puisqu'il relève la tête au moment où je m'approche d'eux.
- Solly !
Je vois les épaules de Joly se crisper, mais elle ne bouge pas plus tandis qu'Anton s'avance vers moi pour me prendre dans ses bras. Surpris, je le serre contre moi, et c'est comme serrer un corps vide, à peine assez puissant pour s'accrocher à moi.
Plusieurs autres personnes sont présentes dans la petite salle d'attente ouverte sur le couloir. En réalité, juste quelques chaises sont placées les unes en face des autres, et seulement deux d'entre elles sont occupées. Joly est assise sur l'une d'elles, et un couple se tient dans l'angle de la pièce, l'homme accroupi devant la femme, qui tient son bras contre son buste. Une infirmière est avec eux pour les aider à remplir des papiers, et tandis que je les regarde furtivement, j'entraperçois le ventre rond de la femme.
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Pour que tu m'aimes encore
RomanceLorsqu'Eden et Solly se rencontrent pour la première fois, l'orage de leurs vies s'éveille. Ils passent une première nuit entre non-dits, baisers volés et l'idée qu'ils ne se reverront sûrement plus jamais. Pourtant, quelques années plus tard, les a...