Séance n°4 - William

                                    

                                          
John Traves consulta sa montre : 17h30. La fin de la journée approchait, il ne lui restait qu'un rendez-vous avant de pouvoir rentrer paisiblement chez lui pour profiter un peu de sa famille.
                          
Aujourd'hui, Jane et William devaient faire une sorte de compte-rendu à propos de leur "sortie", si on pouvait appeler ça comme ça. Quand il avait proposé cet exercice, il s'attendait plutôt à un parc, ou tout autre endroit qui était un minimum ludique. Mais un supermarché ? C'était la première fois qu'on lui faisait ce coup-là, et le psy avait la nette impression qu'il n'était pas au bout de ses surprises.
                          
Après plus de dix minutes, le couple n'était toujours pas arrivé. Cela ne présageait rien de bon aux yeux de John.
                          
C'est seulement après exactement 18 minutes que William pénétra dans le cabinet. Seul. Et complètement essoufflé.
                          
- Je suis désolé pour le retard, John. Jane et moi, on s'est.. disputés. Elle ne veut pas venir à notre séance.
                          
- Très bien, alors asseyez-vous. On fera ça sans elle.
                          
William s'installa sur le sofa et essaya de reprendre sa respiration. John se demandait pourquoi il était aussi tendu et à bout de souffle. On aurait dit qu'il venait de faire un marathon.
                          
- Respirez doucement.. Oui, voilà, calmez-vous. Et expliquez moi donc ce qui s'est passé.
                          
Le jeune homme frotta ses mains frigorifiées pour essayer de les réchauffer avant de commencer ses explications. Son altercation avec Jane était encore fraîche dans son esprit, et c'était d'autant plus difficile à expliquer à cause de sa colère qui n'était toujours pas retombée.
                          
- On a fait cette fameuse sortie, cet après-midi. Enfin, sortie est un bien grand mot. On s'est rendus au supermarché. Au début, tout se passait très bien, Jane m'a raconté sa journée et j'ai fait la même chose. On discutait simplement de tout et de rien, sans la moindre prise de tête.
                          
Il avait sorti tout ça d'une traite, sans reprendre son souffle. Visiblement, il avait envie de tout déballer avant que les émotions ne le submergent trop.
                          
- Qu'est-ce qui a été l'élément déclencheur, alors ?
                          
- Le rayon yaourt. On s'est battus pour savoir quelle marque de yaourt nous allions acheter.. On a toujours pris la même chose depuis que nous avons emménagés ensemble, et du jour au lendemain, elle voulait tout changer ! Je sais que dit comme ça, ça paraît stupide, mais je savais que changer nos habitudes, aussi bêtes soient-elles, pouvait envenimer la situation.
                          
- Pourquoi ne pas avoir achetés les anciennes marques et les nouvelles ?
                          
- J'allais lui proposer, mais elle s'est énervée ! En plein milieu du magasin, devant les clients ! Elle a dit que je n'étais qu'un égoïste, qu'elle avait déjà été obligée de quitter sa ville natale pour me suivre alors qu'elle n'en avait pas envie, et qu'en plus elle devait supporter ma tyrannie.. Pendant quelques minutes, je ne l'ai pas reconnu. Elle est toujours très calme, même dans les moments difficiles. Elle sait toujours se contenir, mais là, j'avais l'impression de me faire engueuler par la diable.
                          
Il paraissait véritablement chamboulé par les propos de Jane,e t c'était compréhensible, d'une certaine façon. Mais encore une fois, John ne connaissait pas toute l'histoire, et aujourd'hui, il découvrait encore une nouvelle part de leur vie qui avait sûrement laissé des traces.
                          
- Que s'est-il passé ensuite ?
                          
- Elle est partie avec la voiture et m'a planté là. C'est une vieille dame qui m'a rassuré et elle m'a dit quelque chose du genre "toutes les tempêtes cachent un arc-en-ciel".
                          
- C'est très joli.
                          
- Ouais.. mais ça m'a pas vraiment aidé. Quand je suis rentré, Jane n'était même pas là, alors je suis venu ici sans elle. Vous devez absolument nous aider, John. On ne s'en sortira jamais seuls.
                          
Le psychologue laissa le temps à William de se remettre de ses émotions. Jane venait de l'humilier en public, ce qui n'était pas une chose facile à digérer. Mais ce n'était pas ça qui l'avait marqué le plus.
                          
- William, vous m'avez expliqué que Jane avait été obligée de quitter sa ville natale pour vous suivre. Pourriez-vous me dire pourquoi ?
                          
- Oui, bien sûr. C'était il y a 6 ans..