Une terrifiante arrivée

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25/01/18 20h13 arrivée au camp dédié aux anti-systèmes actifs.

Le voyage m'a fatiguée, j'étais limite en train de dormir lorsque le van se stoppe sur un parking privé. Devant nous un bâtiment plutôt grand, à la fois austère et discret, tout blanc. Il m'intimide, je sors du véhicule en tremblant et ce n'est pas seulement à cause du froid. Nous prenons nos valise et suivons Gros Muscles, qui ouvre la marche vers l'entrée du bâtiment.
L'entrée est surprenante.
Il y a un grand hall avec des valises posées un peu partout. Tout semble briller, c'est assez luxueux. Devant nous il y a une dizaine de jeunes, postés debout, devant une estrade. Mon ventre se noue, aucun ne parle et je remarque même une fille qui pleure. Super, grosse ambiance. Gros Muscles nous dit de poser nos valises à côté des autres déjà posées puis il tourne les talons et repart vers son van, sans un mot ni même un regard de plus. Si il était doué pour proposer de la musique, ses adieux laissent à désirer.
Paul se dirige vers le centre et nous le perdons de vue. Je détaille encore un peu la pièce. Deux grandes fenêtres. Une seule porte de sortie, verrouillée et sécurisée. Une autre porte qui ne doit mener qu'à un autre accès du bâtiment. En réalité je ne me fais guère d'illusion, je sais que cet endroit ne comporte pas d'échappatoire concret. En plus, sans argent ni téléphone, sur une base militaire éloignée de plusieurs kilomètres de la civilisation, je n'ai aucune chance de réussir une quelconque évasion. Et bien sûr, il est hors de question que je parte sans Charlie.
D'ailleurs je sens de nouveaux ses doigts qui s'agrippent aux miens, et la tension présente dans mon corps s'évapore peu à peu. Je m'accroche à lui, plonge mon regard dans le sien et je sens le vide se faire dans mon esprit.
Une petite femme arrive enfin, elle est suivie par deux gardes du corps. Elle porte un tailleur strict noir et une chemise bleu. Ses cheveux sont longs, noirs, et se balancent dans son dos. Son visage sent la sournoiserie. Elle me fait penser à un vilain corbeau, le genre qui se pose sur l'épaule d'une sorcière. Sauf qu'ici, elle semble être corbeau et sorcière à la fois.
"Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau camp. Je sais que vous êtes un peu fatigués et que vous ne savez pas ce que vous faites ici. Mais pas d'inquiétude. Je suis..."
Elle continue sa petite présentation mais je n'écoute même plus. J'ai déjà eu le droit à un discours d'entrée dix jours auparavant, alors ça va, je connais maintenant. Personne ne réagit dans la salle. Je n'y comprends rien, on dirait que tous ces anti-systèmes actifs ont finalement perdu leur langue. Quelle blague. En réalité je pense que nous sommes trop assommés pour dire quoi que ce soit, pour l'instant du moins. Certains points du discours corbeautique commencent à attirer mon attention.
-"Vous serez dans des chambres individuelles. Vos noms seront remplacés par des numéros, pour raison pratique. Il n'y aura pas d'horaires fixes ni d'emploi du temps, vous suivrez simplement les consignes."
Elle récite ses petites règles de manière robotique, sans aucune émotion sur son visage translucide. Je comprends qu'ici ils feront tout pour nous déstabiliser, pour enlever nos repaires afin de nous rendre instables et plus malléables. Je meurs d'envie d'intervenir mais je sens les ongles de Charlie qui s'enfoncent dans ma paume, me priant de ne pas intervenir. Je me retiens de crier.
Un autre garçon ne se prive pas, et il se met à proclamer :
-"Vous êtes de grands malades ! Laissez nous sortir d'ici !"
Immédiatement l'un des gardes du corps se précipite sur lui, le ceinture et l'emmène dehors. La femme se racle la gorge et reprend son speech, comme si de rien n'était.
-"Bien. Maintenant je vais dire votre nom, pour la première et dernière fois, puis votre numéro officiel. Merci de venir devant l'estrade d'où on vous escortera un par un."
Alors là c'est une véritable catastrophe, le moment que je redoute depuis le début. Dire adieu à Charlie, mon dernier pilier, enlever ma main de la sienne et avancer vers cette estrade jaunasse, désespérément seule.

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