- Chapitre 52 -

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- Il y a aussi ce souvenir avec mon père, j'ajoute, ma voix devenant plus douce, presque hésitante. 

- C'était un jour d'été, et il m'avait emmenée au bord d'un lac. Je me souviens de la lumière qui se reflétait sur l'eau, et de son sourire alors qu'il m'apprenait à pêcher. C'était un moment parfait, où je me sentais aimée, protégée. 

Je marque une pause, une tristesse palpable dans mon regard. 

- Mais ce souvenir est teinté d'une amertume... Il m'a finalement laissé tomber. Ce moment de bonheur s'est transformé en trahison. 

Les mots résonnent dans l'air, lourds et chargés d'émotions. Je tourne légèrement la tête pour éviter de croiser son regard, craignant de voir la réaction d'Arès. La tension se renforce entre nous, un abîme d'incompréhension. Je respire profondément, cherchant à effacer la tristesse qui menace de tout engloutir.

Pour apaiser l'atmosphère, j'évoque une autre mémoire, celle de mes copines. 

- Quand j'étais adolescente, mes amies et moi avions l'habitude de nous retrouver chaque week-end. On riait, on partageait nos rêves et nos secrets. Une fois, nous avons décidé de partir en road trip improvisé. Nous avions pris une vieille voiture, rempli de musique, et nous avons roulé sans destination précise. C'était une aventure incroyable. Nous avons ri jusqu'à en pleurer, et chaque moment passé ensemble me rappellent combien l'amitié est précieuse. 

Mon sourire revient, mais il est fugace, teinté d'une mélancolie persistante. Je réalise à quel point ces souvenirs contrastent avec ma situation actuelle. Arès m'observe, et je me demande ce qu'il pense de tout cela. 

Est-il capable de comprendre la profondeur de ce que je ressens ?

- Je sais que cela doit te sembler insignifiant, dis-je enfin, me tournant vers lui, une lueur d'incertitude dans mes yeux. 

- Mais ces moments ont façonné qui je suis. Ils me rappellent ce que c'est que d'être libre. 

Arès me fixe intensément, comme s'il réfléchissait à mes mots. Pour la première fois, je vois une lueur de vulnérabilité dans ses yeux, un écho de mes propres émotions. 

- Tu sais, Persia, peut-être qu'un jour tu retrouveras tout ça, dit-il lentement, ses mots pesant lourd dans l'air. On ne sait jamais de quoi est fait l'avenir. 

Ses paroles flottent entre nous, et je les sens comme une promesse fragile, une lueur d'espoir dans cet océan d'incertitudes. Nous restons là, ensemble, partageant un instant suspendu, où la lumière dorée du soleil se mêle à l'espoir d'un avenir moins incertain.

Après un long moment plongé dans le silence, je sens qu'Arès réfléchit à mes paroles. L'atmosphère est chargée d'une tension à la fois intime et délicate, comme si nous tissions un lien fragile. Puis, dans un souffle, il brise cette sérénité.

- Tu sais, j'ai une passion qui te surprendra sûrement, commence-t-il, son ton prenant une nuance plus douce. 

- L'art. 

Je lève les yeux vers lui, intriguée. L'image du guerrier Arès, armé et implacable, ne correspond pas vraiment à celle d'un amateur d'art. 

- L'art ? répète-je, cherchant à comprendre comment cela s'intègre à sa personnalité.

- Oui, dit-il avec un léger sourire. C'est un contraste frappant avec ce que je fais, je le sais. Mais pour moi, l'art représente une forme de liberté. Quand je suis devant une toile, je peux laisser échapper mes pensées et mes émotions sans avoir recours à la violence. C'est un moyen de créer, de façonner quelque chose de beau dans ce monde où tout est souvent brutal. 

Je l'écoute, fascinée par cette facette inattendue de lui. 

- Je ne savais pas que vous aviez cette passion, murmuré-je, touchée par sa vulnérabilité.

- La violence a toujours fait partie de ma vie, continue-t-il, son regard se perdant dans le vide. Mais l'art m'offre un refuge. 

Il marque une pause, comme s'il pesait soigneusement ses mots, puis reprend :

- J'ai un souvenir joyeux avec mon petit frère, Hadès. 

À l'évocation de son frère, je sens un léger changement dans son expression, un éclat de nostalgie. 

- Quand nous étions enfants, il y avait un musée qui organisait des ateliers pour les jeunes artistes. Nous y allions ensemble, et Hadès adorait dessiner. Je me souviens d'un jour en particulier : il avait décidé de peindre un dragon. C'était ridicule, mais il était si passionné. Il passait des heures à mélanger les couleurs, à donner vie à ce dragon sur la toile. 

Arès sourit en se remémorant ce moment, et je sens qu'il est transporté par ce souvenir. 

- Je l'ai vu, concentré et déterminé, et j'étais fier de lui. À cette époque, la rivalité n'existait pas entre nous. Nous étions juste deux frères, partageant notre amour pour l'art et nos rêves. Je lui ai même promis de l'aider à construire un vrai dragon en carton pour notre exposition. C'était un projet fou, mais ça nous faisait rire. 

J'observe Arès, réalisant à quel point ces instants de simplicité et de joie doivent lui manquer. 

- Vous semblez vraiment attaché à ce souvenir, dis-je doucement.

- Oui, admet-il, une lueur de mélancolie dans ses yeux. C'est l'un des rares moments où j'ai pu apprécier la vie sans l'ombre de la guerre ou de la violence. Hadès et moi étions unis, insouciants. Mais ces jours-là semblent si lointains maintenant. La vie nous a séparés. 

Je sens que ses mots résonnent profondément en moi, éveillant une empathie que je n'aurais jamais cru possible. 

- On dirait que la violence a pris beaucoup de place dans votre vie, murmuré-je.

- Elle a toujours été là, confirme-t-il, son regard se durcissant légèrement. Mais je crois qu'il est important de se souvenir des choses qui nous apportent de la joie. C'est ce qui nous permet de garder espoir. 

Un silence s'installe à nouveau, mais cette fois, il est rempli d'une compréhension partagée. Je réalise que malgré nos différences, nous avons tous les deux des rêves et des souvenirs qui nous rapprochent. Peut-être que dans cet appartement, au cœur de cet environnement qui me semble à la fois étranger et familier, nous pourrions découvrir une forme de liberté ensemble.

Finalement, je prends une profonde inspiration et dis : 

- Merci d'avoir partager cela avec moi. Je pense que même dans les ténèbres, il y a toujours une lueur d'espoir. 

Arès me regarde, et je vois une étincelle d'approbation dans ses yeux.

- Oui, et peut-être qu'un jour, nous pourrons retrouver cette lumière. 

Nous restons là, enveloppés par la lumière d'un profond coucher de soleil, chacun perdu dans ses pensées, mais unis par cette nouvelle connexion qui commence à se former entre nous.

Persia - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant