𝚇𝙸𝚇 | 𝙲𝚞𝚙𝚒𝚍𝚎

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"Comme une aiguille de boussole
pointe vers le nord,
le doigt accusateur d'un homme
trouvera toujours une femme."



Cleveland, 15h52, 17 octobre
1 er jour du voyage



   Les six heures de bus se sont déroulées sans encombre, dans un silence presque assourdissant. J'ai passé une bonne partie du voyage à me plonger dans "Once Upon a Broken Heart" de Stéphanie Garber, espérant que les aventures des personnages m'aideraient à m'échapper de ma réalité, ne serait-ce que pour quelques instants. Ce livre est captivant, et il m'a offert une parenthèse de répit dans ce long trajet.

   L'autre partie du trajet, j'ai essayé de me reposer, même si je me réveillais toutes les quinze minutes à cause de cette boule au ventre qui ne cessait de grandir.

   La peur me rongeait, l'anxiété se nourrissait des souvenirs des harcèlements passés et de la crainte des prochains. Chaque halte du bus, chaque éclat de rire des autres élèves étaient comme une piqûre de rappel de ce qu'ils étaient capables de me faire et la présence de Sofia et Dustin dans ce buste ne me rassurait pas du tout.

   Mais à chaque fois que je me réveillais en sursaut, le cœur battant à tout rompre, mes yeux se tournaient instinctivement vers Elliot. Assis à côté de moi, il était plongé dans sa musique, ses écouteurs vissés sur les oreilles, absorbé par le paysage qui défilait à travers la fenêtre. C'est à ma demande que je m'étais retrouvée à ses côtés dans le bus, évitant ainsi la terreur d'être assise près de l'un des autres élèves.

   Et à chaque fois, Je me souvenais de la promesse qu'il m'avait faite il y a quelques semaines. Celle sur le fait qu'il interviendrait s'il venait à y avoir un souci. Ce souvenir m'apaisait, même si la peur ne disparaissait jamais complètement. Savoir qu'il veillait sur moi d'une certaine façon rendait chaque réveil moins terrifiant.

   Le moment le plus pénible de ce voyage fut sans doute lorsque nous nous sommes arrêtés pour déjeuner et avons tous remarqué la présence de Monsieur Brown. Cet agacement était particulièrement perceptible chez les filles, ce prof nous fout vraiment la trouille. Moi, j'étais encore plus inquiète à cause de ce qui s'était passé la dernière fois que nous avions eu une conversation.

   Le bus finit par enfin s'arrêter et un soupir de soulagement traverse l'habitacle. Les élèves se lèvent en masse, pressés de descendre, créant une cohue désordonnée dans l'allée centrale. Je reste assise, observant la scène avec une certaine appréhension. La fatigue pèse lourdement sur mes épaules, et je sais pertinemment que si je me mêle à cette bousculade, je peux facilement me retrouver à terre.

   Elliot, conscient de ma stratégie, reste assis à mes côtés. Il retire un écouteur et me lance un regard entendu, un mélange de patience et de compréhension. Nous attendons en silence, regardant les autres élèves se précipiter dehors, impatients de quitter le confinement du bus.

   Les minutes passent, et peu à peu, l'allée se vide. Les voix et les rires s'éloignent, se perdant dans le brouhaha extérieur. Lorsque le dernier élève franchit enfin la porte, je prends une profonde inspiration et me lève doucement, attrapant mon sac à main que je place sur mon épaule.

   On descend du bus tranquillement, sans précipitation. La fraîcheur de l'air extérieur me fait du bien, chassant un peu de la fatigue accumulée. Je jète un coup d'œil autour de moi, guettant les regards et les réactions des autres élèves, mais ils semblent pour l'instant absorbés par leurs propres préoccupations.

   On se dirige vers l'attroupement d'élèves pour récupérer nos valises. À mesure qu'on approche, je sens mes pas ralentir, devenir plus hésitants. Chaque mètre parcouru semble alourdir mes pieds, comme si le sol lui-même essayait de m'empêcher d'avancer. Un nœud commence à se former dans ma gorge, rendant ma respiration plus difficile.

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