Chapitre 23 : Le venin des mots

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Eirwen guida l'émissaire à travers les couloirs silencieux du manoir, leurs pas résonnant doucement sur le sol de marbre. La lueur vacillante des chandelles suspendues aux murs projetait un halo de clarté chaude autour d'eux, accentuant les détails sculptés des boiseries et les décors subtils des tapis sous leurs pieds.

Ils atteignirent finalement une porte imposante, faite d'un bois d'un bleu naturel, presque irisé, qui avaient l'air de capter et refléter la lumière des bougies avec une profondeur mystérieuse. Le bois, veiné de nuances argentées, était orné de délicates gravures représentant des motifs floraux entrelacés avec des symboles anciens, évoquant à la fois l'élégance et le mysticisme des lieux. La poignée, finement ciselée, était en forme de serpent enroulé, ses yeux incrustés de saphirs semblant briller d'une lueur propre.

Derrière cette porte se trouvait une suite d'appartements luxueux, réservés aux invités de marque, où chaque détail avait été soigneusement pensé pour offrir un confort absolu, tout en reflétant le raffinement et la grandeur de la demeure.

"J'espère que vous trouverez tout à votre convenance," dit-elle en ouvrant la porte pour lui. "Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à faire appel à un serviteur."

Avec un dernier regard scrutateur, il entra dans la chambre, la porte se fermant derrière lui avec un bruit sourd. Elle resta un instant dans le couloir.

Avec un soupir, elle se tourna et se dirigea vers sa propre chambre. Mais à peine eut-elle franchi le seuil de la porte qu'elle s'arrêta net. Là, allongé sur son lit avec une nonchalance exaspérante, Nazel l'attendait. Il était étendu de tout son long, les bras derrière la tête, comme s'il était chez lui, un sourire moqueur accroché aux lèvres.

« Enfin, te voilà ! » lança-t-il d'un ton désinvolte, ses yeux sombres étincelant d'une lueur malicieuse. « Tu prends ton temps, pour une soirée aussi fascinante. »

La jeune fille sentit une vague d'agacement monter en elle, mais elle se contenta de croiser les bras, le fusillant du regard. « Vraiment ? C'est ici que tu viens te prélasser maintenant ? »

Il haussa un sourcil, feignant l'innocence avec une nonchalance exaspérante. « Oh, tu sais, je me suis dit que ton lit semblait bien plus confortable que la salle à manger. Et puis, comment aurais-je pu résister à l'envie de commenter ta soirée si fascinante avec ce cher Jasper ? »

Son irritation grandissant, chaque mot de Nazel paraissant conçu pour la provoquer. « Et alors ? Que voulais-tu exactement ? » répliqua-t-elle, serrant les poings.

Il se redressa légèrement sur le lit, son expression se faisant plus sérieuse, bien que toujours teintée de cette arrogance qui lui était propre. « Ce Jasper... il ne me plaît pas du tout. Trop souriant, trop poli. Et je n'aime pas sa façon de te regarder. »

Eirwen plissa les yeux, son scepticisme grandissant. « Sa façon de me regarder ? Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? T'es tombé sur la tête ou quoi ? »

Nazel la fixa, son irritation perceptible dans son regard sombre. « Écoute, ce n'est pas que je m'inquiète pour toi, mais ce Jasper a un rôle à jouer dans ton avenir immédiat, et je n'apprécie pas du tout l'idée qu'il puisse te faire échouer avant même que tu n'aies eu une chance d'entrer dans ce Tournoi. Mon projet dépend de ta réussite, alors si je sens que ce type pourrait te barrer la route, tu peux être sûre que ça me met en rogne. »

Eirwen répondit, un éclat de défi dans les yeux. « Tu crois vraiment que cet émissaire va m'arrêter ? Si c'est ça qui te tracasse, tu te trompes. Je ne vais pas échouer, et surtout pas à cause de lui. Alors, garde tes inquiétudes pour toi. »

Le diable s'approcha de la jeune téméraire, son sourire se faisant plus provocateur, ses mouvements calculés. Il baissa la voix, la rendant plus grave, et murmura près de son oreille : « Tu as de la bravoure, je te l'accorde. Mais ce n'est pas toujours suffisant. Ce Jasper n'est pas un simple obstacle, il pourrait bien décider de ton avenir. Et si je te dis que je ne l'aime pas, c'est parce que je refuse de te voir échouer avant même de commencer. »

Il tendit la main, effleurant une mèche de cheveux qui tombait sur son épaule, son regard plongé dans le sien avec une intensité dérangeante. « Tu penses pouvoir tout affronter seule, mais n'oublie pas que ce monde ne te fera pas de cadeau.»

Puis, après un silence lourd de sous-entendus, il recula lentement, son sourire devenant plus narquois. « Mais, après tout, peut-être as-tu raison. Peut-être devrais-je te laisser faire à ta manière, et voir jusqu'où ta bravoure te mènera. »

Il s'éloigna alors, son rire étouffé résonnant légèrement dans la pièce avant de se fondre dans l'obscurité alors qu'il disparaissait, il s'arrêta juste avant de disparaître complètement, se retournant avec un rictus en coin. « Tu es si impatiente. Mais parfois, il vaut mieux laisser les choses se dérouler à leur propre rythme. Après tout, il y a des aspects de cette situation que tu n'as pas encore saisis. »

Il laissa ses mots en suspens, savourant le subtil froncement de sourcils qui apparaissait sur le visage de la jeune fille. « Mais ne t'inquiète pas, » ajouta-t-il en haussant les épaules, l'air nonchalant. « Tu finiras par comprendre. Je préfère simplement voir comment tu te débrouilles dans l'obscurité. C'est bien plus divertissant. »

Et avec ce dernier commentaire, il se fondit dans les ombres, abandonnant derrière lui une Eirwen frustrée.

Elle resta un moment immobile, les poings serrés, alors que la présence de Nazel se dissipait dans la pénombre de la pièce. Sa colère était vive, brûlante, comme une flamme qui refusait de s'éteindre. Elle le détestait pour sa façon de toujours chercher à la déstabiliser, de se jouer d'elle avec ses mots soigneusement choisis, son sourire moqueur, et cette proximité provocante qu'il imposait sans retenue.

Elle ferma les yeux, essayant de calmer la tempête qui rugissait en elle, mais une autre sensation, plus trouble, subsistait collée à sa peau. Ce n'était pas seulement la rage qui opérait à faire battre son cœur plus fort, qui lui faisait manquer un souffle. Ce quelque chose d'indéfinissable, de dérangeant, persistait, comme un écho de la manière dont il s'était approché, de son murmure qui avait frôlé son oreille, de ce regard pénétrant qui semblait la percer jusqu'à l'âme.

Eirwen secoua la tête, refusant de laisser ce trouble prendre racine. Elle attribua son agitation à l'intrusion non désirée de ce foutu diable dans son espace, à sa façon d'effacer les frontières qu'elle peinait à maintenir. Pourtant, même alors qu'elle cherchait à refouler cette émotion sourde, son corps gardait une trace de ce moment, une chaleur diffuse, une tension qu'elle ne pouvait pas entièrement expliquer.

Elle inspira profondément, s'efforçant à retrouver son calme. Mais malgré elle, une partie d'elle restait éveillée, troublée, perturbée par cette rencontre. Elle savait qu'elle devait rester concentrée sur son objectif, sur Jasper, sur le Tournoi. Mais alors qu'elle se glissait dans son lit, l'esprit agité, l'ombre de ce qu'elle avait ressenti sous la provocation de Nazel la hantait, sans qu'elle ne parvienne à en comprendre pleinement la nature.

Le Destin des Étoiles : l'héritière oubliée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant