Chapitre 11.3 : Regrets.
— Je suis désolé, père.
Charles observa son père prendre une grande inspiration avant d'ouvrir de nouveau les yeux. Il avait le cœur qui battait la chamade. Il ne savait pas pourquoi il lui avait avoué son attirance pour la jeune femme. C'était comme si, pour la première fois depuis le drame que la famille avait vécu, il retrouvait son père. Il semblait différent, sa peine allégée depuis quelques jours. Il ne savait pas d'où cela venait, mais il était heureux de ce changement.
— Cette femme aura bouleversé nos vies, on dirait...
À cette réponse, Charles sentit des frissons de jalousie le parcourir. Il savait bien évidemment à quoi son père faisait référence : à la relation entre Henri Deveau et Julia Leclaircie.
— Je...
— Ne dis rien, Charles. Tu sais que cette relation est impossible, n'est-ce pas ?
— Je n'ai pas envie de m'énerver, père. Je vous le dis parce qu'on est une famille et parce que je ne sais pas... J'avais envie de vous en parler.
— Moi non plus je ne veux pas me disputer.
Les deux hommes se regardèrent, hochant la tête avec une compréhension mutuelle.
— Je vais parler à Julia. Que vous soyez pour ou contre, cela m'importe peu. Peu importe avec qui je me marierai, Eléonore représente la famille en tant qu'ainée, qui plus êtes, mariée. La fortune reviendra heureusement à elle et à son mari à votre mort. Cela ne peut pas vous importer autant mes sentiments, n'est-ce pas ?
— Une seule partie de la fortune, pour commencer, tu sais bien que l'autre sera pour toi. Et une plus grosse partie, en tant qu'homme. Mais, ce qui m'importe, c'est que tu sois heureux, Charles, sourit son père avant de passer une main sur l'épaule de son fils et de la saisir avec amour. Je pense qu'on a vécu assez de bouleversements. En plus, pour être honnête, je me fiche de la personne avec qui tu souhaiteras te marier, tant qu'elle te rend heureux.
Charles serra la mâchoire, ne voulant pas laisser ses émotions le trahir face à son père.
— Pourtant, vous venez de me dire que notre relation était impossible.
— Ta mère ne te laissera jamais épouser une femme inférieure à ton rang, et encore moins une gouvernante. Elle est trop attachée aux apparences et aux bonnes mœurs, même si, comme tu l'as si bien dit, l'ainée de la famille est mariée et notre représentante. Et il n'y a pas que ta mère, il y a tes grands-parents, ta sœur, tout le monde en réalité. C'est à toi de voir, mais tu pourrais entacher la réputation des êtres qui te sont chers. La question est de savoir si tu serais prêt à les mettre dans une mauvaise posture pour ton bonheur, raisonna son père, une main toujours posée sur son épaule.
— Vous voulez dire que vous, ça ne vous dérangerait pas ?
— Je veux que tu sois heureux. Je ne dis pas que ça ne me dérangerait pas, je suis conciliant, mais pas à ce point. Mais je veux que tu sois heureux. Il est clair qu'Eléonore ne l'est pas et malgré les apparences, c'est difficile à accepter pour ta mère et moi, affirma-t-il de nouveau.
Charles hocha la tête, touché par les paroles de son père qui semblaient se contredire, vacillant entre devoirs et amour, mais son esprit tournait surtout autour des possibilités de faire du tort à sa famille avec ses décisions.
— Mademoiselle Leclaircie est amoureuse d'Henri, tu le sais n'est-ce pas ? J'en ai parlé au dîner l'autre jour.
— C'est justement pour cela que je vous en parle. Je vais la confronter.
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Révérences et Révoltes [Terminée]
Historical FictionAu château de Chantilly en 1845, règne une atmosphère chargée de secrets et de tensions. Julia Leclaircie, la nouvelle gouvernante, ardente républicaine, débarque avec sa beauté éclatante et sa robe bleue, bravant les regards froids des domestiques...