Chapitre 11 : Regrets.

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Chapitre 11.1 : Regrets.

              — Je crains que ma communication n'ait été insuffisamment explicite à votre égard, Monsieur Deveau.

Marianne était assise dans son lit, son cœur palpitant. La veille, elle avait de nouveau sollicité la présence de son époux à ses côtés pour la nuit et pour les nuits prochaines. Cependant, le poids de la culpabilité pesait sur elle. Son geste n'était nullement motivé par l'amour ou la bienveillance, bien au contraire. Depuis l'annonce d'Édouard sur ce qu'il avait surpris... la liaison entre Julia Leclaircie et Monsieur Deveau, Marianne était devenue folle.

Elle avait pleuré, en solitaire, dans sa chambre ce soir-là. Puis elle avait pris une décision. Elle confronterait directement le jeune homme. Marianne De Villiers connaissait sa fille Éléonore intimement et était consciente de son malheur conjugal, avec des amants cachés à l'insu d'Octave. Alors, pourquoi ne pourrait-elle pas agir de même ? Les sentiments amoureux envers son mari s'étaient éteints depuis bien plus d'une année, depuis la perte de leur enfant à la naissance. Elle ne ressentait plus d'affection, plus d'attirance, et cela la perturbait intérieurement. Cependant, elle devait se rendre à l'évidence : ces émotions qu'elle enviait, elle les ressentait pour un autre homme. Henri. Henri Deveau, le majordome, jeune, intelligent et beau de son mari.

Mais depuis l'arrivée de Julia Leclaircie, ses craintes s'étaient concrétisées. Elle savait désormais qu'elle n'avait pas imaginé ce qu'elle avait vu dans les yeux d'Henri Deveau le jour de leur rencontre. Elle n'avait rien inventé. Et maintenant, c'était une réalité : Henri s'était pris d'affection pour cette... courtisane vêtue de bleu. Ses robes la mettaient en valeur, elle était jeune et belle. Même son mari, habituellement strict en matière d'uniformes et d'apparence des domestiques, avait permis à Mademoiselle Leclaircie de porter des tenues extravagantes. Même lorsque la jeune femme avait été louée comme une héroïne après un petit incendie malheureux qui avait détruit la plupart de ses robes, Eléonore lui en avait offert de nouvelles...

Ainsi, la veille, elle avait demandé à son mari de revenir partager son lit, les yeux rougis par les larmes, laissant Edouard interpréter cela comme des regrets et un désir de réconciliation. Pourtant, tout ce qu'elle désirait était de revoir Henri plus fréquemment, comme lorsqu'il entrait dans leur chambre pour discuter avec le duc. Marianne n'avait pas la chance de croiser Henri très souvent, mais simplement le savoir à proximité suffisait jusqu'à ce jour.

Apprenant tout d'abord avec surprise de son mari qu'Henri s'était éclipsé du domaine après le dîner la veille, elle l'avait finalement compris. Ce que son mari avait fait n'était pas correct mais elle le connaissait bien. Elle savait qu'Édouard regrettait ses paroles. Cependant, en découvrant qu'il s'était absenté pendant la soirée, accompagné, qui plus est, de Mademoiselle Leclaircie, il semblait que sa colère était revenue en force. Et c'est avec cette colère qu'il avait convoqué Henri le lendemain soir, avant de se retirer dans leur chambre. Ce n'était pas ainsi qu'elle envisageait de retrouver Monsieur Deveau.

— Vous n'avez rien à déclarer ? insista Édouard avec une rigidité inébranlable.

Henri, le menton relevé, le regard fixé quelque part derrière le Duc de Chantilly, resta silencieux. Mais cette absence de réponse, interprétée comme un signe de respect par n'importe quel employeur, fut perçue comme un défi par son mari.

— Je vois... murmura-t-il, sa chemise de nuit d'un bleu foncé tombant presque sur ses côtes. Écoutez-moi attentivement, je ne sais ce que j'ai pu faire pour que vous vous estimiez en mesure de transgresser vos droits. En tout cas, vous vous méprenez si vous pensez pouvoir vous aventurer en pleine nuit sans solliciter ma permission, que ce soit à moi ou à Madame la Duchesse.

Révérences et Révoltes [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant