9 - Le protecteur

Depuis le début
                                    

Pyorn serre les dents, les poings, tous les muscles de son corps se raidissent. Sous tension. Après quelques pas en avant, il le fixe du regard, haineux. D'un timbre tendu, il s'affirme :

- Et vous. Que croyez-vous faire ici. Prendre notre liberté n'est pas assez ? Il faut faire du mal à des innocents maintenant ?

- L'ordre, est absolue. La loi, indiscutable.

Des chaînes surgissent. Des cordes. Des lianes. Toutes sortes de liens s'enroulent aux chevilles, aux poignets, au cou, hanches, bras et bouches. Ils sont brusquement vautrés à plat ventre. Suit les quelques pas, lent, de leur ravisseur qui s'accroupit, les dévisagent ; Puis décide de déclarer à nouveau :

- Voyez ? Vous êtes du côté des perdants. Et vous le serez toujours. Parce qu'aujourd'hui s'éteint votre petit caprice...C'est connu, à l'état sauvage, les animaux sont agressifs, incivilisés. Vous verrez, ça vous passera. Et pour bien vous le faire comprendre...

Les cris étouffés et les larmes affluent. Le leader ennemi, s'approche à pas lourd de la damoiselle. Il se saisit de la corde qui la retient captive. Aussitôt. Une lumière sombre s'en dégage. C'est une fumée charbonneuse. Elle entoure le corps de Lyona. Subitement, les cordons de la dame se délient. Ses yeux se modifient, se changent. Leur couleur n'est plus la même. Devenues d'une obscurité abyssale.

Elle se lève, délicatement. Tandis que son visage devient impassible. Le masqué pose une main sur l'épaule du jeune arbre, avant de reprendre la parole. Pesant chacun de ses mots ; d'une langueur couplé de sévérité.

- Rectifions, voulez-vous. Nous ne vous enlevons pas votre liberté. Toutefois...Si l'ordre naturel n'est respecté...Lyona c'est ça ? dit-il en se tournant vers elle.

C'est une merveilleuse servante maintenant. Regardez ! NOUS la sauvons. De VOUS. Elle sera protégée par le royaume. Fini les soucis. Fini le chaos.La vie sera plus facile, plus confortable. Elle obéira toujours, et avec plaisir. Gloire à Exodus !

- GLOIRE À EXODUS ! Hurle un soldat, suivi par tout le bataillon.

Pyorn crie, beugle, se débat de toutes ses forces jusqu'à ce que des bouts de corde s'étiolent, s'effritent avant de disparaitre. De rage, il s'abat d'un coup de tête plongeant. Malheureusement esquivé d'un pas sur le côté par le leader déguisé.

Il s'écrase d'un trait de terre et de poussière. D'autres filaments l'encercle pour le maintenir au sol. Le masqué l'acclame d'un faible applaudissement avant de reprendre.

- Bel effort. Mais il suffit. Abandonnez. C'est inutile. D'ailleurs, vous risquez de manquer le spectacle ! Celui de la classification de notre toute nouvelle recrue, j'ai nommé... Clame-t-il en pointant du doigt l'enfant.

Une ficelle entrave les lèvres du petit. D'un claquement de doigt de l'ennemi, sa bouche retrouve enfin sa liberté.

- LIBEREZ NOUS ! ON À RIEN FAIT !

- Ton nom. C'est tout ce que je veux entendre. À moins que tu ne veuilles finir comme elle. Sermonne l'ennemi.

Le garçon se doutait que ça existait. Des situations comme ça . Là où la peur dépasse l'entendement. Un moment où la cruauté n'a pas de limites. Où le mal est omniprésent. Où la proie n'est pas le monstre, mais la bienveillance de chacun. Où il faut se battre pour ce qui est juste. Son cœur se serre. Dans sa tête il hurlait. Il criait désespérément de l'aide. De l'espoir. Que tout s'arrange. Qu'il se réveille de ce cauchemar.

D'une volonté énorme et inflexible, il appelait à l'aide. Que quelqu'un vienne l'aider. Personne n'était là, pas même sa propre mère. Personne n'est en mesure de sauver qui que ce soit. Il en veut au monde entier pour ça. Il veut grandir, être capable. Avoir le pouvoir de protéger ceux qui lui sont cher.

- Pas de nom donc. Sans nom, lève toi. Tu vas combattre notre merveilleuse Lyona. Peu importe si tu gagnes, ou si tu perds. Ton destin se joue ici.

- Non, non je ne vais pas faire ça !

- Oh je vois. Tu manques de motivation.

Il s'empresse de prendre le cordon du second.

- Ne lui faites pas de mal, par pitié s'exclame Barnady.

- Moi ? Non. Vous en revanche...

Une étincelle. Une flamme. La gigantesque illumination des ténèbres jaillit et enveloppe d'une traite le pirate. Le voilà sans expression. Sans conscience. Le barbue est devenu un pantin. D'une petite poussette, il s'écrase sur les genoux. Le petit déboule à même hauteur les larmes aux yeux.

- NON ! MONSIEUR ! Monsieur ! Répondez-moi vous allez bien ?

- Attaque l'enfant. Ordonne le leader.

Il s'exécute. Sa tête se redresse. Le jeunot les voit. Ses yeux. Ils sont noirs, sans pupilles. Le garçon, effrayé, recule. D'un pas en arrière. Le bras du pirate foudroie l'air d'une diagonale. Esquivé de justesse, Arwan tombe en arrière. Par réflexe, il roule sur le côté. Le poing de son ami s'écrase au sol qui se fissure à côté de lui. Sa tête était à cet endroit avant. Il commence à réaliser. À comprendre sa situation. Ce n'est plus un jeu. C'est la réalité. L'adrénaline monte. L'enfant se relève d'un coup. Pose ses mains devant lui, tentant d'arranger les choses.

- Vous êtes toujours là.. monsieur Barnady. C'est vous le plus grand des pirates, montrez-le moi, montrez-leur que vous n'êtes pas une marionnette !

Désespéré de le sauver. Il tend une main vers lui. Puis s'élance, titubant vers le pirate, les bras levés, vain espoir de l'enlacer. Les perles de tristesse, s'écoule le long de ses joues. Tandis que le corps du grand second se place en biais. Le poing levé. Il s'abat. Lorsqu'une vague de poussière explose. L'écho du métal s'impose. Une bourrasque de vent déferle et bouscule chacun. Tout le monde s'accroche à ce qu'il peut, peur de s'envoler.

Une silhouette se démarque de la brume qui se lève. C'est immense. Deux, sûrement trois mètres de haut. Se dévoile un armet articulé, un heaume. Se dessine ensuite une armure. Puis une épée. Très longue, très large. Tout en acier. Le tout semble âgé et poussiéreux. Un chevalier est là, il avance, repousse l'ennemi qui glisse sur le sol. D'une frappe oblique. Il l'envoie valser à deux mètres. Le barbue heurte un ennemi. Le chevalier s'exprime d'une voix féminine, étrangement familière pour l'enfant.

- Strike.

À distance. Ils ripostent. L'ennemi agit de groupe. Chacun jette un objet métallique, qui tournoie avant de s'enrouler à l'impact. Touchée à la cheville, l'inconnue en armure tombe au sol. Son épée creuse le sol et la retient. D'un mouvement, ses jambes se replient. Ils s'écrasent, se rabattent sur son arme d'un coup. Elle se libère. D'un appui au sol, elle disparaît. Si rapide que l'on ne peut la suivre des yeux.

- LÀ ! Pointe un ennemi vers le chevalier.

Elle dévale la falaise. Elle court d'une vélocité surhumaine sur la pente verticale. Elle tient dessus sans que personne ne sache comment. Inexplicable. Sur son dos : Arwan qui tape de toute ses forces contre l'armure.

- LÂCHEZ MOI ! JE NE PEUX PAS LES ABANDONNER !

Elle ne répond pas, concentrée, se contentant de courir et de s'enfoncer dans une galerie sombre, en bas, loin de l'ennemi. Le petit tend vers l'horizon, impuissant. Sa main qui repousse au loin ; les bulles de chagrin, qui ne cessent de flotter. Tandis que la lumière se referme ; peu à peu...

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Prochain chapitre : À la hauteur.

Arwan & JackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant