Chapitre 1 - Sombrer

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Danila de l'Émeraude était morte.

Danila Song, aussi.

La première avait cessé de vivre après avoir bu une coupe de cidre. La seconde s'était éteinte le jour où le palais du roi des vampires avait explosé.

Ne restait plus que Danila.

Depuis trois mois, la louve avait l'impression d'être un fantôme. Elle errait dans sa demeure provisoire sans savoir quoi faire, incapable d'entreprendre quoi que ce soit. Elle participait aux tâches ménagères, apprenait à cuisiner, se rendait au village le plus proche pour faire des provisions... Cependant, savoir que tout n'était que provisoire ne l'encourageait pas à s'investir pleinement.

D'ici quelques jours, la maison du roi, érigée au bord d'un splendide lac, ne serait plus qu'un lointain souvenir. Elle ne reverrait plus jamais ces lieux sortis d'un rêve, où la nature avait tous les droits.

Assise sur un petit ponton, les pieds plongés dans l'eau du lac, Danila comptait bien profiter de ces merveilles jusqu'au bout. Cela devait au moins faire une heure qu'elle observait le soleil décliner vers l'horizon. Ses rayons paraient le ciel de mille nuances d'orangé, qui venaient se refléter sur la surface. De jolis poissons d'eau douce nageaient parfois près des jambes de la louve, avant de s'enfuir dès qu'elle remuait un orteil. Quelques insectes chantaient au loin, proposant un petit concert mal accordé.

Concert qui fut bientôt troublé par des bruits de pas, qui arrivaient derrière Danila.

— Tu n'es pas obligée de partir, tu sais.

L'interpellée ne se détourna pas du soleil. Elle fixa sa lumière aveuglante, jusqu'à ce que ses yeux ne la supportent plus.

— Danila, je suis sérieuse. Je vois bien que ça ne va pas et... Je ne peux pas te laisser t'en aller dans cet état.

Du coin de l'oeil, la louve vit Alisée s'assoir à côté d'elle. Elle réalisa alors que le ponton était beaucoup trop bas pour une personne en convalescence.

— Tu... Fais attention, tu vas te faire mal à la cuisse, s'inquiéta-t-elle en se tournant enfin vers son amie. Je n'allais pas tarder à rentrer, ce... Ce n'est pas la peine de prendre des risques pour moi.

Sa voix s'était faite beaucoup plus enrouée qu'elle ne l'aurait voulue. Elle n'avait pourtant versé aucune larme depuis les dernières heures, ce qui relevait du miracle.

— Tu parles de risques ! s'exclama Alisée en balayant ses craintes d'un geste. Ma plaie est cicatrisée depuis un mois, mais Adrian et toi continuez de faire comme si j'étais infirme !

Son entrain réussit à arracher un sourire à Danila, qui échangea un regard avec la nouvelle venue. Dans son malheur, la jeune fille avait la chance de pouvoir compter sur la plus gentille des amies. Sans Alisée, elle n'aurait eu nulle part où aller après l'explosion du palais. C'était elle qui avait convaincu Adrian et sa famille de la laisser vivre avec eux, au moins pendant quelques temps. Tous savaient qu'elle devrait finir par rentrer sur la Terre de l'Émeraude, mais s'installer à la maison du lac avait permis de retarder l'échéance.

Échéance qui arrivait désormais à son terme.

— Je voulais juste encore profiter du lac, se justifia-t-elle en agitant doucement les jambes dans l'eau. Il n'y a pas d'endroit comme ça sur la Terre de l'Émeraude, ou du moins... Pas d'endroit où on peut faire trempette sans finir congelé. Surtout en cette saison.

Même si l'hiver approchait, le lac et ses alentours semblaient préservés par un microclimat, où les températures ne chutaient jamais très bas. En trois mois, la louve pouvait compter sur ses doigts les jours où la pluie avait joué les trouble-fêtes.

Flocon d'ÉtoileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant