Micah incita Shai à avancer dans le restaurant d'un geste de main. Elle était hésitante, non seulement par l'événement qui arrivait mais aussi à cause de l'endroit complètement vide. C'était un des nombreux lieux de la ville appartenant aux Provenzano. Elle le comprit seulement lorsqu'un des hommes se positionna devant la porte une fois rentrés. Elle passa une main contre ses cheveux plaqués. Elle les avait attachés pour l'occasion, comme ils aimaient.
Le patriarche attrapa le bras de son fils, l'empêchant d'avancer jusqu'à elle.
« Je dois te parler. »
Le jeune homme hocha la tête avant de se retourner vers la brune. « Tu peux t'asseoir à la table, là. » Il pointa du doigt un endroit et elle y avança, incapable de réfléchir par elle-même alors que son coeur semblait vouloir sortir de sa poitrine. Micah, lui, attendit qu'elle prenne place avant de se concentrer sur son père. Il toucha son arme dans un geste réconfortant. Sans en saisir la raison, il se sentait anxieux comme si son instinct lui disait de partir. « Qu'est-ce qu'il y a ? »
« Il faut que tu saches que j'ai dû le forcer à venir. Il ne voulait pas la voir. » Il serra la mâchoire et les poings de colère. Cet homme n'avait aucune valeur, même envers sa fille. « Il viendra avec plusieurs de ses hommes. C'était le seul moyen. »
« Et si c'est un guet-apens ? T'aurais dû refuser. Pourquoi tu fais ça ? Ça nous apporte rien. » Il regarda au-delà de son père, espérant voir à travers la vitrine du restaurant.
« Il n'a aucun intérêt à le faire. Il y a sa propre fille ici et, clairement, il ne souhaite pas la récupérer. Ca serait injustifié. »
Micah acquiesça, refusant de contredire son père. Ils prirent place à une autre table que celle de Shai, assez près de l'entrée pour en gérer les imprévus tout comme près de la table de la jeune femme pour écouter la future conversation. Le brun était face à elle, dos à la porte, pouvant l'observer comme il le souhaitait. Elle, faisait tout pour ne pas croiser son regard, comme toujours.
Son père entra quelques minutes plus tard, entouré de plusieurs de ses hommes. Elle se leva comme pour le saluer, espérant presque secrètement qu'il l'enlace, mais il resta impassible. Il déboutonna sa veste avant de s'asseoir, gardant une prestance qu'elle ne lui connaissait pas à la maison. Elle espérait qu'il soit fatigué, cerné mais surtout soulagé de la voir. Pourtant, ce n'était pas le cas et ce fut le premier coup qu'elle prit dans son coeur.
« Ca va papa ? »
« Qu'est-ce que tu voulais ? » Son ton fut dur, impassible. Shai en avait déjà les yeux larmoyants que personne ne put louper, même Micah de l'autre côté de la salle. Il fit tout pour se retenir d'agir, pour ne pas sortir son arme et la pointer contre la tempe de cet homme. Il lui ordonnerait de l'écouter, de changer d'attitude puis, il finirait par le tuer après qu'elle ait eu tout ce dont elle avait besoin. Il s'étonna de ses propres pensées et sortit son téléphone pour les annihiler.
« Comment va maman ? Elle n'a pas pu venir ? »
« Elle n'a pas voulu. » Elle ne put cacher sa surprise. Son innocence fut suffisante pour y croire et il n'insista pas plus. « Qu'est-ce que tu voulais, Shai ? »
« Quand est-ce que je rentre ? » Son menton trembla et elle n'essaya pas de se calmer, ses larmes noyant ses joues. Toutefois, son père n'eut aucune tendresse pour elle, même en la regardant pleinement. Micah, lui, ne put lutter longtemps contre son naturel et eut envie de les rejoindre, d'attraper le bras de la jeune femme pour la ramener à la maison et lui faire la morale. Son idée était complètement stupide et jamais il n'aurait dû lui-même accepter. Il verrouilla son portable avant de le claquer un peu trop fort contre la table, interpellant une seconde Shai. « Papa, s'il te plait, ramène moi à la maison..je t'en supplie. Tu peux pas me laisser avec eux. Je suis ta fille...papa.. »
Elle n'eut le temps de plus le supplier qu'il leva une main pour l'arrêter. « Si tu m'as demandé de venir pour me faire pitié, c'est vraiment.. » Il quitta sa chaise et elle tenta d'attraper son bras qu'il refusa, l'évitant comme si elle avait une maladie vénérienne. « Non, arrête. »
Elle ne put retenir un sanglot d'étrangler sa poitrine. Elle le regarda partir tout en pleurant. Micah se leva à peine le père eut passé la porte. Néanmoins, alors qu'il voulut la rejoindre, des mouvements à l'extérieur l'interpellèrent. Il se retourna rapidement, sa main déjà sur son arme.
Son instinct fut bon et en quelques instants plusieurs hommes mitraillèrent la devanture du restaurant. Le patriarche renversa sa table pour se protéger tandis que le brun courut en direction de Shai tout en lui ordonnant de se baisser. Elle fit au mieux mais ce fut lui le plus rapide et il la plaqua au sol avant de se protéger par le mobilier. Il attrapa son menton pour regarder son visage et elle n'eut le choix de se plonger mais surtout se perdre dans ses yeux. C'était comme la première fois et elle eut l'impression que tout se déroulait au ralenti même les balles qui continuaient à voler dans tous les sens.
« Est-ce que t'es blessée ? » Il la quitta du regard pour s'assurer que personne ne rentrait dans le restaurant et elle put reprendre pied.
« Non mais toi ? »
« Charlie ? Charlie ? T'es là ? » L'homme hurla pour montrer sa présence. « Change de place avec moi ! Il faut que tu ramènes Shai ! Elle peut pas rester là ! »
Le second arriva rapidement et attrapa la brune qui se laissa faire malgré elle, consciente d'être plutôt un poids dans cette situation. Surmenée par ses propres émotions, elle ne se calma qu'en rentrant dans la chambre lorsque la porte se ferma derrière elle. Le silence fut apaisant si bien que l'adrénaline chuta. Elle retomba sur ses genoux, ses jambes trop flageolantes et faibles pour la tenir plus longtemps. Elle ne pleura pas néanmoins, restant seulement recroquevillée sur elle-même, muette, incapable de saisir les derniers événements tant elle suppliait que la réalité ne soit pas si simple, que son père ne soit pas parti en la laissant là, au milieu d'un règlement de compte.
Il l'avait abandonné, irrévocablement et la dernière piste qu'elle gardait pour sa liberté venait de se détruire en quelques mots.
Elle était lié aux Provenzano pour toujours.
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Contre l'univers - EN PAUSE
RomanceL'amour sincère. L'amour infâme. L'amour meurtrier. L'unique amour de ce monde.