Chapitre 9 - Choix décisif

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Luna

Ma première sortie scolaire. Tournant en rond, je repasse chaque détail de l'organisation pour éviter toute improvisation.

Ça va mal se passer.

De lentes inspirations ne chassent pas le stress qui m'oppresse l'abdomen. Lire les affiches d'apprentissages décorant chaque mur beige s'avère efficace pour me détendre quand une notification fait vibrer mon téléphone. Ma mère m'invite à déjeuner ce dimanche. J'accepte en sachant que je décommanderai la veille avec un prétexte médical.

Je sais déjà comment ça finira si j'y vais...

En revanche, aucune nouvelle d'Imani malgré mon appel angoissé d'il y a trois jours.

Elle s'est lassée de toi.

Je me convaincs du contraire. Ma meilleure amie ne mettrait pas fin à une amitié sincère de quatre ans sans explication.

Qui voudrait d'une fille qui ne sait pas s'amuser ?

Des éclats de voix par la fenêtre m'informent de l'arrivée des enfants dans la cour. Mon pouls s'accélère à l'idée de revoir Élio. Après sa colère de la veille, il a rejeté toute tentative de dialogue, me laissant dans le flou total.

— Bonjour maîtresse, chantonne Chiara.

La petite métisse circule entre deux rangées et je soupire. Élio était toujours le premier arrivé. Pas aujourd'hui.

— Oh ! Pourquoi t'as des lunettes ? m'interroge Aya en entrant à son tour. Elles sont jolies !

Privée de sommeil suite aux événements de la semaine, je ne cesse de me frotter les yeux, un geste incompatible avec les lentilles de contact. De ce fait, j'ai sorti de sa boîte cet accessoire noir abandonné au lycée.

«J'te jure, un putain de cliché d'intello.
Elle fait pitié avec ses livres, la sans-amie.
Toujours à faire son intéressante, la binoclarde.
Pas étonnant qu'elle soit la préférée des profs vu comment elle aime les sucer.»

— Tu pleures, maîtresse ?

Revenue au présent, la honte m'étrangle face aux cinq élèves qui me fixent dans un mutisme d'incompréhension.

Tu es trop gênante.

La respiration saccadée, je me tourne vers le tableau blanc en essuyant la larme sur ma pommette. Voulant les rassurer, mon rire sonne faux :

— Non, c'est.... C'est juste une poussière dans l'œil.

Mon pendentif glisse entre mes doigts alors que j'enraye le début de crise, paupières fermées.

Les moqueries mesquines, les rires dans mon dos, les paires de lunettes cassées. Je pensais la cruauté adolescente effacée mais le cerveau n'oublie jamais les plaies du cœur.

Les chaises raclent le linoléum vert kaki et les cahiers s'écrasent sur les tables à mesure que la salle se remplit. Mes souvenirs dissipés, je me retourne et constate avec un pincement dans la poitrine qu'une place est vide.

Il te déteste tellement qu'il n'est pas venu.

Je rappelle la conduite à tenir et vérifie de nouveau le contenu de mon tote bag avant de sortir dans le couloir.

— Y'a Élio qu'est arrivé, m'informe Adrien en le pointant du doigt.

J'esquisse un sourire qui s'évapore. Immobile dans son ciré couleur brique, la tête ébouriffée du blond est si penchée en avant que je grimace en devinant le torticolis qui suivra.

Saudade T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant