Vendredi 11 novembre, 19h47
LALY
— On sera pile à l'heure, dit Julie.
Elle nous avait invités dans un bar pour son anniversaire et ç'aurait été le comble qu'elle soit en retard. Heureusement, le bar n'était qu'à quelques rues d'ici. Nous y serions pour 20 heures.
— Je n'aurais pas dû mettre ces collants fins, continue Julie. Je me les caille.
Elle accélère le rythme pour se réchauffer et, bien qu'elle soit plus petite que moi, je pâtis à la suivre.
— Les amours, ma belle.
Cela faisait longtemps qu'elle n'avait abordé le sujet et ses mots me surprirent. Julie avait une manière bien à elle de me poser la question, mais je l'appréciais. Mon amie savait se démarquer sans pour autant paraître étrange.
Un blanc se faufila avant ma réponse.
— Personne.
— Pas même un crush ? dit-elle un large sourire sur les lèvres.
Elle ne perdait pas espoir, mais je les lui brisai d'un hochement de tête.
— Tu es aromantique ?
Je restai coite, comme giflée par la question. Nul ne me l'avait posée auparavant et je ne m'étais jamais interrogée.
— Non. Enfin je ne crois pas.
— T'as déjà aimé quelqu'un ?
— Oui.
— Alors t'es pas aro.
On tourna dans une rue passante et il lui fallut plusieurs pas pour tilter.
— Attends, me stoppa-t-elle, t'as déjà eu un crush ? Je m'en souviens pas. C'était qui ?
Mon cerveau fuma pour répondre le plus naturellement possible.
— Un gars du conservatoire, mentis-je.
— Mais son nom, c'est quoi ?
— Noah, dis-je alors que mon cœur s'emballait, mais tu ne le connais pas.
— J'aimerai bien, maintenant.
Son regard brillant m'ausculta et elle dit :
— Tu l'aimes toujours ?
Je niai et nous reprîmes notre route sans parler. Le vrombissement des voitures qui s'élançaient dans la rue me berçait, comme une chanson douce pour les enfants. Je savourai ce moment décroché de la réalité, déconnecté de l'espace temps, où seul la présence de ma meilleure amie à mes côtés valait.
Le vent me tira de cet instant magique. Il picotait mes doigts, les brûlait de froid. Nous nous rapprochions heureusement de l'enseigne lumineuse du bar. Ses néons rose et bleu fendaient la nuit. Les lampadaires n'éclairaient que la chaussée et les arbres formaient une barrière imperméable à toute lumière, plongeant le trottoir et les bâtiments dans l'obscurité.
Alors que nous allions franchir la porte, deux silhouettes sortirent de l'ombre. Julie se précipita vers Quentin pour l'embrasser et je saluai Joahim, un de ses amis. Tout trois échangèrent quelques paroles, mais je les coupai, trop engourdie par le froid.
Les autres étaient déjà arrivés et firent la ola à Julie lorsqu'elle entra dans le bar. Leur énergie était au plus haut niveau – la journée fériée, certainement – alors que la mienne était déjà usée. Je redoublai d'efforts pour m'intégrer aux discussions, mais perdis rapidement le fil.
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Le goût de nos failles
Teen Fiction« Quand le présent nous rattrape, vaut-il mieux s'envoler... ou plonger ? » A l'annonce de son homosexualité, Ariel est rejeté par ses parents. Laly est effrayée par les coups qui résonnent de l'autre côté de la cloison. Ce soir-là, ils choisissent...