X - Chapitre XL

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Hélène se sentait atrocement faible, et même ouvrir les paupières lui demanda un effort considérable. Il lui fallut un moment pour comprendre où elle se trouvait. Elle n'était pas dans sa chambre d'enfant, mais dans celle de sa nouvelle demeure.
Elle tenta de se redresser mais la douleur dans son bras la saisit. Elle poussa un gémissement.

-Madame! Vous êtes réveillée!

Margot, qui était assise sur une chaise près du lit pour rester au chevet de son amie, se jeta presque sur elle mais se retint pour ne pas lui faire mal.

-Oh Madame, j'ai eu si peur!

Hélène se rappelait ce qui était arrivé. Elle prit fermement la main de sa demoiselle de compagnie dans la sienne.

-Margot...

Elles étaient l'une comme l'autre soulagées de se retrouver, puis Hélène demanda:

-Et Guillaume? Enfin je veux dire... l'ami du duc. Comment va-t-il?
-Il va bien Madame, juste une mauvaise toux.
-Depuis combien de temps suis-je endormie?
-Monsieur Le Duc vous a ramené il y a deux jours. Vous aviez besoin de repos. Vous devez manger maintenant, je vais faire appeler des serviteurs, et faire prévenir que vous êtes réveillée.

Margot quitta la pièce, et Hélène se redressa, lentement. Elle était entièrement nue. Elle parvint à s'assoir, puis se tourna pour faire sortir ses pieds du lit et les poser sur le sol. Ses orteils étaient blancs cadavériques. Elle les remua. Elle voulait se lever, se dégourdir les jambes. Elle sentait que son corps n'avait pas été actif depuis longtemps. Chaque geste était lourd et lent. Elle posa sa main sur la table de chevet et l'autre sur le matelas et tenta de se mettre debout. Elle y parvînt, en serrant les dents, comme si ses jambes étaient un peu anesthésiées. Elle lâcha ses prises et avança lentement jusqu'à l'immense penderie pour voir son reflet dans le miroir qui y était accroché. Elle eu presque peur en se voyant. Elle était si blafarde - encore plus qu'elle ne l'avait jamais été -, maigre à en voir ses os, et des hématomes et coupures croutées recouvraient plusieurs parties de son corps. Elle n'était pas belle à voir. Son mari la chasserait-il? La renverrait-il chez ses parents? Après tout, n'était-ce pas une femme à la beauté renommée qu'il était censé avoir épousé?

-Hélène.

Elle sursauta en entendant la voix sévère de Philippe à la porte. Elle croisa ses bras faibles contre sa poitrine.

-Que faites vous debout? Vous n'en avez pas la force!

Il s'approcha d'elle et la souleva de terre pour la porter jusqu'à son lit. La jeune femme était trop heureuse de pouvoir cacher son corps nu sous les couvertures, assise. Elle n'osait pas le regarder dans les yeux. Il s'adoucît et prit sa main dans la sienne en s'asseyant sur le rebord du lit:

-Je suis si heureux que vous soyez réveillée. J'ai... nous avons tous eu terriblement peur.

Des serviteurs, des plateaux dans les mains, et la gouvernante entrèrent alors. On déposa sur le lit et sur la table de chevet les boissons et nourritures. Madame Simone avait le visage aussi fermé et pincé que d'habitude:

-Un potage devrait être suffisant, son corps n'est pas encore...

Philippe la coupa:

-Elle a besoin de reprendre des forces avec de la nourriture solide, ou bien elle ne sortira jamais de ce lit.

A la vue et à l'odeur de tous ses plats colorés, le ventre d'Hélène se réveilla et se mit à gronder. Elle y posa sa main précipitamment, embarrassée.

-Pardonnez-moi... je...

Philippe se mit a sourire:

-Ne vous excusez-pas. C'est bon signe si votre appétit est revenu. Tenez.

Il prit une assiette de poulet doré et brillant de sauce et la lui tendit. Elle attrapa une cuisse, les doigts hésitants.

-Allez-y. Ne vous restreignez pas pour moi.

Elle croqua à pleine dents, et ses papilles revinrent à la vie. Elle en poussa un gémissement de plaisir. Madame Simone en eu un hoquet de malaise et Philippe éclata de rire.
A sa demande, les serviteurs et la gouvernante quittèrent la chambre et les appartements, et il l'a regarda manger, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plu. Elle avait déjà repris des couleurs et de l'énergie. Il posa les plateaux et assiettes sur le sol et se rassis, plus près d'elle encore. Hélène n'alla pas cette proximité. Elle tenait les couvertures contre sa poitrine.
Il remit une mèche des cheveux châtains de la jeune femme derrière son oreille, et s'approcha doucement d'elle jusqu'à poser ses lèvres sur les siennes. La jeune femme se laissa faire, fébrile.
Lorsqu'il embrassa son cou, en enfonçant ses doigts dans la chair de sa cuisse après avoir repoussé les couvertures, Hélène comprit ce qu'il souhaitait: la chose qu'elle redoutait le plus.
Elle posa sa main sur son torse pour essayer de le faire arrêter, mais il n'en prit pas compte et se mit à genoux sur le lit en faisant passer ses mains partout sur son corps. Lorsqu'il la saisit par le bassin pour la tirer allongée sous lui, cette fois-ci elle attrapa son poignet le plus fermement qu'elle pouvait et articula distinctement:

-Non!

Il se stoppa, et la regarda, les sourcils froncés d'incompréhension. Elle sentit que c'était sa seule chance, qu'elle ne devait pas la laisser s'échapper. Elle balbutia:

-Je suis... fatiguée... et j'ai, j'ai mal partout. S'il vous plaît... laissez-moi un peu de temps avant... de reprendre notre vie...

Il la toisa jusqu'au plus profond de ses pupilles et de son âme, et finalement recula pour la laisser se rassoir et se couvrir.

-Je comprends. Je ne voulais pas vous brusquer. Veuillez excuser mon manque de tact. Nous pouvons attendre...

Un immense soulagement s'empara de tout le corps de la jeune femme. Il vînt déposer un baiser sur son front et elle sourit.

-Je vous laisse vous reposer. Faites appeler si vous avez le moindre besoin. A bientôt Hélène.
-À bientôt... Philippe...

Il quitta la pièce.

Épées et BaisersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant