22. C'est de la frénésie

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ELA

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ELA

Le trajet du retour se fait dans le plus grand des silences. Je suis assise sur la banquette arrière du taxi que j'ai appelé pour nous. Il a fallu ruser pour le faire discrètement, d'ailleurs. Ce n'était pas facile avec Noémie qui voulait s'assurer que je puisse rentrer dans de bonnes conditions. J'ai dû prétexter un appel urgent de ma famille pour m'éloigner, et attendre que tout le monde soit parti. Je l'ai fait dans un café un peu plus loin, avec vue sur le Royal Six pour surveiller les entrées et sorties. J'ai prévenu Miss BCBG par sms, elle a vraiment attendu le dernier moment pour me rejoindre au café. Sachant qu'elle avait bu, j'ai jugé préférable d'appeler un taxi. J'aurais pu nous ramener en voiture, mais vu qu'elle n'a pas les idées claires, je n'ai pas osé prendre le volant de sa Porsche sans permission explicite. Je ne suis pas certaine qu'elle me l'aurait donnée quoi qu'il arrive, elle tient à sa Porsche comme à la prunelle de ses yeux.

À côté de moi, Miss BCBG dodeline de la tête, les yeux mi-clos. Elle est sur le point de s'endormir. J'envoie un message à Jessie pour lui raconter la soirée. Elle me demande des nouvelles de la furie. C'est Marion qu'elle surnomme comme ça. Je lui explique ce qu'il en est avant de lui souhaiter une bonne journée. C'est étrange parce qu'il fait nuit pour moi, il faut encore que je m'habitue au décalage horaire avec les États-Unis. Je m'étire telle un chat sur la banquette arrière. Je dois admettre que même si je ne voulais pas venir au départ, j'ai passé une bonne soirée au Royal Six. Seul bémol, je n'ai pas pu discuter avec tout le monde. J'aurais aimé en profiter pour dissiper les mensonges de Marion, mais j'espère que j'ai pu donner une meilleure impression que ses ragots n'en ont laissé sur moi.

Le front de Miss BCBG vient de heurter la vitre. Complètement endormie. Ça me fait rire tout bas. Bien fait. Peut-être que ça lui mettra un peu de plomb dans la tête. Un éclair d'empathie me traverse, car je sais que si elle se retrouve dans cet état, c'est parce qu'elle pensait m'aider. Mais quelle idée de boire si vite, aussi ? Elle pouvait juste décliner, c'est la patronne après tout. Quant à moi, j'avais envisagé plusieurs solutions pour ne pas boire, parce que je sais que je ne peux pas le faire dans mon état. Je comptais simplement répondre que je bois très peu ou que je suis malade en ce moment, je ne sais pas, mais les excuses ne manquaient pas. Mais non, il a fallu qu'elle limite les risques au maximum en buvant mes verres en plus des siens. Je souris en voyant Miss BCBG entrouvrir la bouche dans son sommeil. Cet excès de zèle fait partie de son charme quelque part. Elle est comme ça, c'est tout.

Je sors mon carnet et commence à dessiner. Ce besoin me prend d'un coup, c'est presque une urgence. À la voir comme ça, sous la lueur du clair de lune qui filtre à travers la vitre passager, je ne peux pas m'empêcher d'admirer ses traits. Sa mâchoire, par exemple. Mon crayon en suit les traits de manière organique, tout comme mon regard imprime ce que je ne pourrai jamais toucher ailleurs que sur le papier. Une mèche brune recouvre en partie son oreille et m'empêche d'en distinguer les détails. J'ai envie de l'effleurer, juste pour l'écarter. Mais je me retiens. Lorsque j'arrive à ses yeux, je me réjouis qu'ils soient fermés. C'est plus facile si elle ne me déstabilise pas. J'aurais voulu que le trajet dure bien plus, le temps de me laisser terminer. Mais nous sommes arrivées. Et je me rends compte que nous ne sommes pas du tout au bon endroit.

Like A Boss #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant