Chapitre 4

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Cara

Juillet

— Regarde devant toi, bon sang, ce que tu peux être tendue !
Je me tourne vers Evi qui me dévisage avec inquiétude.
— J'ai cru entendre quelque chose.
— Cara, stop ! Il n'y a rien, ok !
— Oui, tu as raison.
– Évidemment, alors reste zen, d'accord ?
– Oui.
Elle déverrouille la porte de notre appartement et nous entrons à l'intérieur. Je prends soin de déposer mes affaires au porte-manteau, tandis que ma coloc balance tout sur le canapé. Je soupire à ce constat mais ne dit rien.
— Au fait, ça te dérange si Joshua passe la soirée ici ?
— C'est qui encore celui-là ?
— Cara, je passe tout mon temps avec lui ! Ne me dis pas que tu ne te souviens pas de Josh.
Je tourne sept fois ma langue dans ma bouche avant de l'ouvrir. Je n'ai pas envie de la vexer et en même temps, la connaissant, je suis déjà certaine que je ne peux éviter ce désagrément.
— Je sais que tu as un jules. Mais de là à me rappeler lequel...
Elle secoue la tête – signe de désapprobation – en me lançant sur un ton de reproche :
— C'est toujours le même depuis le restaurant japonais !
— Aaaahhh, d'accord. Non, ça ne me dérange pas qu'il vienne.
— Je compte sur toi pour mettre tes écouteurs si ça crie trop fort, glousse-t-elle avant de courir en direction de la salle de bain pour se refaire une beauté.
— Est-ce que tu vas manger ? crié-je depuis le living.
— Non. J'ai l'estomac un peu dérangé ce soir, je n'ai pas faim. En plus, je risque d'être pas mal secouée, si tu vois ce que je veux dire...
— Épargne-moi les détails, merci.
— Ne fais pas ta choquée mademoiselle la sainte-nitouche. Je suis sûre que très bientôt tu apprécieras quelques secousses !
Je pouffe en me dirigeant vers le frigo, pour en sortir la Chicken pie que je réchauffe au micro-onde.
Pendant ce temps, je prépare les couverts et me sers une eau pétillante. Au bout de deux minutes la sonnerie du four résonne. J'emporte mon plat et m'installe à table.
Tout en mangeant, j'attrape mon téléphone. Je pousse un long soupir en scrutant le nom de mon père s'afficher sur un texto qui attend toujours d'être ouvert. J'ai bien compris qu'il essayait de se faire une place dans ma vie. Mais il y a des rancœurs qu'on garde en soi et dont il est impossible de se défaire.
Le jour où il sera face à moi, je veux être en possession de mes moyens. Lui dire à quel point son absence m'a brisée, combien de fois j'ai pleuré son départ. Je veux voir la culpabilité planer dans ses iris. Seulement voilà, même si dans ma tête cette confrontation est jouable, dans la réalité, je ne me sens pas prête à l'affronter. Il a eu huit ans pour se manifester. Il ne s'est même pas présenté quand ma mère est décédée. Ça ne m'a pas seulement blessée, c'est une douleur bien plus coriace qu'il m'a insufflée. En attendant de lui cracher ce qui me consume, je préfère faire l'autruche. C'est plus facile, plus supportable.
Le nom de Yaël apparaît sur l'appareil. Semblable à une brèche de lumière venant écarter l'ombre de mon père. Le cœur battant démesurément, je décroche.
— Allô
— Bonsoir, tu vas bien ?
Au son de sa voix, mon sourire renaît. Lui seul est capable de me ramener du crépuscule à l'aube sans même s'en rendre compte.
— Bien et toi ?
— Oui ! Je vais devoir m'absenter pendant une semaine, est-ce qu'on pourrait se voir ?
— Quoi, là, tout de suite ?
— Oui, je viens de recevoir un mail, je pars très tôt demain matin. J'aimerais qu'on passe un moment ensemble avant.
Je me retiens de lui confier que moi aussi. J'ignore pourquoi, mais une infime partie de mon être n'arrive pas à se prononcer, pas encore.
— Laisse-moi dix minutes. On se rejoint à quel endroit ?
— Je t'envoie mon adresse.
— Ok, je ne vais pas tarder.
J'hésite un instant avant de continuer à manger. Mais l'excitation a raison de moi. Je fonce dans ma chambre, enfile un pantalon noir et un chemisier blanc. Puis je frappe à la porte de la salle de bain.
— Oui ?
— Evi, j'ai besoin de me rafraîchir.
— Deux minutes, s'écrie-t-elle depuis la douche.
— Je dois voir Yaël.
Consciente que ce simple détail va la motiver à se dépêcher, je ne manque pas de lui en faire part. Après tout, c'est aussi l'occasion pour elle de recevoir son invité en toute tranquillité.
Rapidement le jet d'eau s'arrête. Je souris bêtement. En quelques secondes seulement la porte s'ouvre. Mon amie apparaît sans son peignoir.
— Il t'a appelée ? demande-t-elle curieuse.
— Oui.
— Hum... Peut-être que ça va secouer pour nous deux ce soir.
— Bon... du balai ! lancé-je en agitant les mains de façon à accompagner le geste à la parole.
Elle rit et part s'habiller dans sa chambre.

Chapter 22 ( Romance a suspense )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant