• • La Forteresse d'Oksline

                                    

                                          

Les esclaves furent séparés en différents groupes en fonction de leurs futures attributions. Nejanne, comme les trois autres filles, furent conduites dans l'aile Est par trois gardes, près des appartements de Sar Ka Ha. 
L'une d'elle, la plus âgée, risqua une question:
-Où nous conduisez vous? 
Aucune réponse. 
Ils s'arrêtèrent devant deux portes bordeaux et dorées. Tout dans les couloirs de ce palais hurlait le luxe et l'opulence, et les portes n'y faisaient pas exception. C'était plus de richesse que tout ce qu'avait pu ne serait ce qu'imaginer Nejanne dans toute sa courte vie. 
Finalement la réponse vint: 
-Bienvenue dans le harem de Sar Ka Ha. Votre nouvelle demeure, de laquelle vous ne sortirez qu'à votre mort. 
A peine le seuil franchi, les portent se refermèrent derrière elles. Mais cette prison n'était en rien ce qu'avait pu craindre Nejanne. Tout était immense, somptueux, magnifique. Des tentures, des rideaux de soie, des tapis, des bains, des sofas, des robes... Une princesse elle même ne vivait pas dans un tel luxe. 
-C'est... magnifique, lâcha dans un murmure l'une des filles. 
Nejanne n'en pensait pas moins, mais tout ceci ne la rassurait en rien pour autant. D'ailleurs, qu'est ce que c'était au juste un « harem »? Et qui était ce Sar Ka Ha dont le nom ne faisait qu'être prononcé depuis son arrivée ici? Si elle était destinée à être une esclave, ne devrait elle pas plutôt servir? Nettoyer les sols? Faire les repas? 
Ses questions furent étouffées par l'arrivée d'une vingtaine de jeunes femmes vers elles. De toute évidence intriguées et excitées. 
-Des nouvelles!
-Elles font peur à voir. 
-A croire qu'ils font exprès d'en choisir toujours des plus laides que les précédentes. 
-Elles ne tiendront pas longtemps ça se voit. 
Des commentaires, des regards, des murmures, des jugements. Toutes ces choses au quels jamais n'avaient été confrontée Nejanne, et qui lui griffa férocement le cœur. Pourquoi tous ces gens étaient si méchants? Elle ne savait même pas ce que c'était en fait, la vraie méchanceté, et la cruauté, avant que son village ne soit attaqué. Elle avait été entourée depuis sa naissance par des gens bons, travaillant la terre et se réjouissant des possibilités que leurs offrait la nature. Pourquoi tout ceci avait disparu? 
-Il faut les laver... elles sont laiiides! Elles puent! 
-Au bain! 
-Au baiiin!!!
Les acclamations des filles étaient soudain effrayantes, et avant que les quatre nouvelles ne comprirent quoi que ce soit, les autres se mirent à déchirer leurs vêtements avec les ongles, à tirer sur les lambeaux, à mettre en miette tout le tissu possible sur leur peau. Malgré les cris et les coups de défense dans la panique, aucune ne pu résister longtemps, et toutes les quatre de retrouvèrent nues avant d'être poussées et tirées vers les bains dans lesquels elles furent jetées sans ménagement et même noyées dans des éclats de rires cruels. 
Finalement les réjouissances cessèrent et on les laissa sortir de l'eau, épuisées, griffées et humiliées. 
Nejanne n'avait jamais eu honte de sa nudité. Elle se lavait à la rivière avec ses parents, ses frères et sœurs et d'autres villageois et cela n'avait jamais été un épreuve, une gêne ou quoi que ce soit d'autre de mauvais. C'était juste simple, pur et amusant. Mais en cet instant, Nejanne voulait se cacher. Elle voulait cacher sa poitrine, son entre-jambe, tout son corps, aux yeux de ces harpies. Elle avait honte. Ses joues étaient rouges, ses yeux embués de larmes qu'elle retenaient avec une difficulté douloureuse, et ses mains tremblaient de colère et de peur. 
Finalement, cette prison allaient peut-être être bien pire que tout ce qu'elle avait imaginé...