Ses lèvres reposaient contre le t-shirt de son ami. Il se dit qu'il aurait pu le lui dire là, maintenant. Ces quelques mots chuchotés contre l'intimité de sa peau. Un nouveau secret partagé entre eux. Rien qu'un secret de plus.

Je t'aime.

Plus il pensait à ces quelques mots, plus il sentait un sentiment joyeux l'envahir. C'était grisant.

Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime.

Il le dirait à Orel, un jour, se promit il. Son ami méritait de savoir. Mais pas aujourd'hui. Il voulait égoïstement profiter de cet instant de répit. Cet instant suspendu où cette chose magique et fragile n'appartenait qu'à lui. Ce moment de tous les possibles où il pouvait encore croire que sa confidence serait accueillie avec bienveillance, qu'elle ne changerait rien entre eux.

Sans prononcer le moindre son, il articula ces quelques mots contre le creux du cou de son ami et frissonna de son audace.

Je t'aime.

Orel pouvait il se douter d'une telle chose ?

Inconsciemment ? Probablement...

Gringe ne réalisait qu'aujourd'hui ampleur de ses sentiments pour son colocataire mais c'était quelque chose de plus ancien, plus profond. L'accomplissement d'un long voyage entamé il y a si longtemps. L'illusion d'une amitié platonique avait volé en éclat ce soir mais les fissures au vernis des apparences n'étaient pas récentes. C'était la raison pour laquelle il n'avait eu besoin que de si peu pour prendre conscience du mensonge qui s'était envolé.

Amoureux d'Orel.

Skread n'avait rien eu à faire. Simplement à rester assis et profiter du spectacle d'un monde qui s'effondrait autour de lui.

Orel devait de la même façon se savoir aimé. Peut-être que comme lui, il n'avait pas mis les bons mots sur ce qui s'était déroulé entre eux, mais son ami qui avait toujours été si sensible, si perspectif, fragile, aurait il pu être complètement hermétique à ce qu'il ressentait pour lui ? Encore une fois, juste un peu à côté ? Gringe refusait de l'entendre. Orel ne pouvait ignorer au fond de lui la dévotion qui l'habitait et sur lequel ils avaient longtemps mis le nom d'amitié.

Alors que Gringe était perdu dans les méandres de son esprit, Orel se tourna dans ses bras pour lui faire face.

- Ça va ? Je t'ai vu passer une partie de la soirée sur le balcon avec Skread. Ça avait l'air sérieux... Deuklo a systématiquement renversé la sangria dégueulasse de Sarah sur quiconque essayait d'accéder au balcon. Vous parliez de ton père... C'est ça ?

Gringe poussa un grognement qui pouvait passer à la fois pour une affirmation et à la fois pour un "je n'ai pas envie d'en parler".

Orel avait passé négligemment ses bras autour de lui et s'amusait à passer sa main dans ses cheveux.

- Je ne sais pas ce que vous vous êtes dit mais ça t'a rendu tout câlinou.

Gringe eut un rire nerveux.

- Câlinou ? Sérieusement ? Orel, t'as trente ans de trop pour dire " câlinou".

- Et pourtant tu l'es. Câlinou, le tigrou.

- Tigrou, maintenant, voilà autre chose !

- Mais si ! Comme Michael J junior c'est notre bébé chat et c'est aussi une star du ballon rond. Toi, tu es son papa. T'as fait du basket aussi... Un félin star de basket c'est... Tony le Tigre ! Tu vois, tout ce recoupe. Je suis un génie, expliqua Orel comme si ses délires avaient un jour eu le moindre sens.

Comment il est Gay, notre poteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant