XXXII - Sous les Ténèbres

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— Il ne t'arriveras rien, ni à toi, ni à moi.

— Je l'espère bien...

Il me rapproche de lui, mon corps contre le sien. J'en ai des frissons, à chaque fois que je le sens près de moi.

— Ce serait dommage de ne pas prendre le temps de terminer ce qu'on avait commencé.

Je souris à nouveau et l'embrasse. Il se laisse faire, ce baiser est long, tendre et plaisant. À vrai dire, je me sens bien avec Tristan et même en sécurité alors que c'est probablement l'une des personnes les moins digne de confiance. Cependant, c'est ainsi. Un lien s'est créé entre nous et nous ne pouvons le défaire.

Nous nous détachons lorsque le soleil disparaît, qu'un vent froid et inquiétant nous fouette brutalement. Nous voilà plongés dans les ténèbres. Je lève la tête vers le ciel lorsqu'un coup de tonnerre retentit et qu'un éclair fend les nuages noirs entre eux. Le pêcheur allume la lanterne de son bateau afin d'y voir quelque chose mais c'est imperceptible. Nous ne savons pas où est le port. C'est silencieux, on dirait même que l'océan n'existe plus.

— Je ne vois rien ! Grogne le pêcheur tout en tournant la barre.

— Allez-y doucement ! Grommelle Tristan.

Doucement est un bien grand mot, nous tombons à la renverse lorsque le flanc du bateau heurte le port abandonné de Panterm. Je m'appuie sur mes mains pour me redresser mais c'est sans compter sur l'Ombre Obscure qui se jette sur notre navire. Elle s'accroche au mât, elle présente la même forme que l'ombre à Corvil, ni humaine, ni animal, c'est un vrai monstre ; quatre pattes griffues, dépourvue d'œil, des mâchoires puissantes, un corps long et fort ainsi qu'une brume qui suit chacun de ses mouvements.

Je me relève et souhaite courir en direction du pêcheur qui se fait attraper et croquer en deux mais Tristan me saisit par la taille et plaque sa main sur ma bouche. Il se laisse glisser contre la coque du bateau, je me retrouve entre ses jambes, dos contre son torse et il garde sa main sur ma bouche.

J'écarquille les yeux, torturée par les hurlements de torture du pauvre pêcheur. La créature lui a sectionné la jambe avec la simple force de ses mâchoires. Puis, elle le jette en l'air et n'en fait plus qu'une bouchée. Mon corps tout entier tremble, cependant elle est aveugle. Si nous restons silencieux, alors elle partira. Cet homme est mort, par notre faute. Il avait dit ne pas vouloir arriver jusqu'ici, et il avait raison. Il l'a payé de sa vie.

Lorsqu'elle termine de croquer chaque os du corps de sa victime, l'Ombre pousse un rugissement glaçant, s'élance dans les airs et disparaît dans les ténèbres du port contre lequel le bateau s'est encastré.

Tristan retire doucement sa main de ma bouche, je peux enfin respirer bien que tétanisée.

— S'ils ont réussi à survivre, ça relève du miracle... chuchote-t-il.

Je me relève doucement, je tends ma main que Tristan attrape puis je l'aide à se relever. Il tire sur le col de son manteau tandis que je tente de reprendre mes esprits.

— Nous devons nous rendre au palais, murmuré-je.

Tristan ramasse le médaillon en or sur le sol, lequel présente quelques éclaboussures de sang et il l'enfonce dans la poche du manteau pour enfin se tourner vers moi.

— Andreï doit être là-bas.

— Et ensuite ? S'enquit-il.

Un nouveau rugissement retentit alors nous scrutons le ciel, à l'affût du moindre mouvement. Cependant, ce ne semble n'être qu'un écho.

Invocatrice de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant