Chapitre 2 - Et le papa ?

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- Livaï, concentre-toi, me sermonna Rose en claquant des doigts devant mes yeux, alors que je m'étirais. C'est toi qui va jouer le premier rôle cette année.

Des pas précipités se firent entendre dans mon dos, et je levai les yeux au ciel, appréhendant cette nouvelle altercation entre Rose et Marvin.

- Comment !? s'exclama-t-il derrière moi. Excusez-moi, il doit y avoir une erreur, il dit en grinçant des dents, me fixant de son regard enragé.

- Absolument pas. Livaï a été choisi pour son talent, alors félicite-le et entraîne-toi plus durement pour le surpasser, si tu veux avoir la première place.

Rose était dure dans ses propos, et ça me gênait un peu, mais elle n'était plus comme ça une fois les limites de l'établissement franchies. Elle était stricte dans son métier et ça me faisait plaisir d'avoir constamment un avis franc et sans façade pour améliorer ma danse.

- Bien, elle reprit d'une voix plus douce en s'adressant aux autres danseurs également, j'attends de vous que vous fassiez preuve d'élégance et de toujours plus de grâce dans vos mouvements. Pour le concert de cette année, ça doit être un succès. Mon ancienne professeur vient nous rendre visite, je compte sur vous pour la rendre fière de ses cadets. Tout le monde en place !

On acquiesça, avant de se diriger vers la barre à droite de la salle. Madame de Nevital était l'ancienne professeur de Rose, et un peu la grand-maman de la petite qui allait bientôt voir le monde. On se plaça, et commença les mouvements en synchronisation avec madame Evans, qui donnait le tempo.
À la fin du cours, j'allais vers elle pour lui demander comment allait son bébé.

- Emily ? J'ai tellement hâte qu'elle arrive.. ça devrait être pour l'année prochaine, mais je n'ai pas pu attendre d'avoir les résultats de l'échographie.

Elle caressa le dessus de son pull, posant une main maternelle sur le tissu. Dans ses yeux, il y avait déjà tant d'amour que je devinais à l'avance que cette enfant serait la plus aimée de toutes.

- Vous allez faire une maman parfaite.. je murmurais en observant son ventre un peu bossu.

Bientôt, il serait trop rond pour qu'elle continue à nous donner les cours, et on écoperait sûrement d'un remplaçant.
Mais cette petite Emily.. elle allait être exceptionnelle.

- Oh ! Et le papa ? je fis, en lui jetant un regard alors que je m'étirais.

Ses yeux s'emplirent soudainement de tristesse, et elle les tourna ailleurs, échappant quelques secondes à mon regard.

- Je t'invite pour un café ? elle me demanda gentiment, alors que j'acceptais en culpabilisant de lui avoir fait revivre des souvenirs à l'évidence douloureux.

- Excusez-moi, je lui chuchotais, autant pour cette femme seule que pour cette petite fille qui n'aurait pas de papa.

- Ne t'en fais pas, je saurais l'élever toute seule et l'aimer inconditionnellement !

Je souris, et on sortit de l'académie en choisissant une petite terrasse à café au climat agréable.

- Luke, c'était son nom. Je l'ai rencontré dans un parc, un dimanche matin.. et on avait pas mal discuté. À ce moment-là, il était en pleine relation et il était amoureux, à ce qu'il m'a dit. Il n'empêche que quelques mois plus tard.. on était ensemble. Et puis il est partit, lorsqu'il a su que j'étais enceinte...

Je grimaçais de rage, et lui envoyais un regard d'excuse sincère. Elle souffla doucement sur son chocolat chaud, avant d'en boire une gorgée.

- Ne t'inquiète pas, ça ira pour nous.

- J'en suis certain, je reste là au besoin, je lui dis en souriant gentiment.

On discuta encore un petit moment, et il fut pour moi le moment de rentrer. Je téléphonais à Farlan, pour prendre de ses nouvelles après ces deux semaines sans contact, et il m'apprît tout heureux qu'il était prit dans son domaine de prédilection.
Eh oui, le temps filait rapidement et Farlan avait déjà quitté l'académie.
Je lui annonçais pour la danse, et il me félicita également. J'entendis Isabel me crier bonne chance pour le concours, dans l'arrière-fond.
Farlan râla, et on rigola en repensant à notre rencontre à l'armée, et de ma nouvelle promotion en caporal, qui me plaisait moyennement.
Je n'en avais pas vraiment besoin, mais il fallait tout de même avouer que mettre au pas des morveux désobéissants me faisait bien marrer !

Ça me rappelait ma rencontre avec Isabel...
C'était franchement drôle, je m'en souviens parfaitement. Il y a quelques semaines, j'avais fait mon premier jour à l'armée, et j'allais entrer dans mon dortoir là où Farlan se trouvait, quand je l'avais entendu parler avec quelqu'un.
Juste pour rigoler, j'avais écouté discrètement ce qu'il disait.

« - C'est le dortoir des garçons, Isabel, avait-il commencé. Tu peux pas rester là...

- Je m'en fiche, je veux le voir. Tu m'as dit qu'il dormait ici, non ? râla une jeune fille.

- Hum, faut que je te donne un dernier conseil avant, sis'. »

La voix de Farlan était grave et j'avais froncé les sourcils, me demandant qu'elle connerie il allait encore débiter.

« - Quand tu te battras contre un homme, quelle que soit sa taille ou sa force.. frappe-le aussi fort que possible !! »

Il avait ensuite prit une respiration, et j'avais senti l'air s'alourdir dans le suspens de sa phrase.

« - Mais s'il se relève...

- Quoi ?? Je dois faire quoi ? demanda la jeune fille, impatience et presque apeurée.

- Fuis. Fuis très loin et très longtemps. Cours pour ta vie ! »

Il avait finit par éclater de rire, et j'étais rentré dans la pièce, traumatisant à moitié mon ami qui arrêta son hilarante histoire en me voyant lui jeter un regard assassin bien qu'amusé.

« - J-je disais pas ça pour ton cas hein Livaï ! Ahaha ! Je....

- T'enfonces pas plus, j'avais dit avec un rictus moqueur. »

Isabel m'avait alors détaillé, et contre toute attente s'était jetée dans mes bras en me criant "grand frère" malgré les avertissements de son frère. En bref, je l'avais prise pour une folle.
Mais elle s'était révélée plutôt adorable en fait...

Je secouai la tête et dissimulai un sourire attendrit par cette scène qui m'était très précieuse. Farlan avait toujours aimé donner des conseils un peu foireux à sa sœur, et elle le croyait sur parole. J'en avais payé le prix un peu plus tard...

Du côté de mes parents, mon père, Clay Ackerman, était en plein dans les préparatifs pour Noël, et cherchait avidement un cadeau pour son épouse. Il savait qu'elle rêvait d'un nouveau livre de recette pour la pâtisserie, et il choisissait dans chaque librairie celui qui pourrait convenir le mieux. Mon père était peut-être un peu tatillon sur la cuisine, et voulait que les recettes soient plus que complètes et élaborées !
Enfin, ça, c'était lui qui voyait après tout.
Moi, j'avais offert à ma mère un billet d'avion pour Paris. Pourquoi ?
Elle retournait voir une amie d'enfance qui lui était très chère, et qu'elle n'avait pas vue depuis très très très longtemps !
Jeager, je crois.

Et toute cette année se passa aussi tranquillement que paisiblement.

My Lost StarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant