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Economie

Incertitude politique : ce dramatique temps perdu pour notre économie

ANALYSE. La France attend toujours son nouveau gouvernement, plus d’un mois après le second tour des législatives. Une situation d’incertitude et de blocage qui retarde le traitement de nos graves difficultés économiques, alerte Olivier Babeau*.

Olivier Babeau, président de l’Institut Sapiens , Mis à jour le
Olivier Babeau est président de l’Institut Sapiens.
Olivier Babeau est président de l’Institut Sapiens. IP3 / © Vincent Isore

Le temps politique suspend son vol à la faveur de la trêve olympique décrétée par le président Macron. Dans la torpeur estivale, on pourrait avoir l’impression d’une sorte d’apaisement. Après la séquence politique difficile des élections, ce moment serait après tout une respiration bienvenue propre à refroidir les esprits. On se trompe. La France est plus que jamais une cocotte-minute où les urgences s’accumulent. En matière économique en particulier, la période actuelle est préoccupante.

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Alors que les inquiétudes légitimes sur le poids de notre endettement public se multiplient, nous devons nous souvenir que la dette n’est soutenable qu’à condition que la France soit capable de dégager durablement de la croissance. Des plus ou moins bonnes recettes de l’État et de notre système de protection sociale dépend la limitation de déficits que nous ne pouvons plus laisser s’aggraver. Or, ces recettes dépendent de la vitalité de notre tissu économique, c’est-à-dire de nos entreprises. C’est là que le bât blesse : habitués que nous sommes à tout juger du point de vue du secteur public (comme si l’État, c’était la France), nous ne voyons pas combien la période actuelle est dramatique pour les entreprises.

L’attente d’un nouveau gouvernement est une épée de Damoclès suspendue sur la tête de tous les acteurs économiques

Dans un contexte déjà difficile de ralentissement tendanciel de la croissance mondiale, l’attente d’un nouveau gouvernement est une épée de Damoclès suspendue sur la tête de tous les acteurs économiques. Le bloc de gauche réclame depuis le mois de juillet le pouvoir pour y appliquer « tout son programme, rien que son programme ». Les mesures annoncées constitueraient un choc fiscal et de dépenses sans précédent aux effets économiques cataclysmiques. Tirée par sa frange extrême, la gauche s’est présentée avec un programme hémiplégique ne parlant que d’augmentation de la redistribution, d’interventionnisme à outrance et de punition fiscale. Rien sur la compétitivité des entreprises, les mécanismes propres à favoriser l’activité, l’encouragement des entrepreneurs désignés entre les lignes comme des riches à abattre. Aucune prise en compte réaliste des enjeux concurrentiels mondiaux. Disons-le : la seule chose qui fasse tenir les entreprises aujourd’hui est l’espoir que ce programme ne sera pas appliqué.

Mais l’incertitude demeure, et elle est pour un entrepreneur pire qu’une mauvaise nouvelle, car s’il est possible de prendre des mesures pour surmonter la seconde, la première laisse démuni. Les espoirs de coalitions constructives sont eux-mêmes faibles, tant les points d’accords partagés (sur la fiscalité, le nucléaire, la politique de l’offre, etc.) sont inexistants, même si l’on excepte les extrêmes. La configuration politique, plus divisée que jamais, laisse augurer d’une impossibilité durable de gouverner.

Le monde avance sans nous

La France paraît bloquée jusqu’à la prochaine dissolution, au plus tôt en juin 2025. Et c’est une catastrophe. Nous avons besoin d’un gouvernement qui redonne un cap clair et pragmatique à notre pays. Chaque journée perdue rend la situation plus difficile. On sait qu’il est urgent de prendre de vigoureuses mesures de réformes de notre système de protection sociale et de moderniser l’État pour le rendre plus efficace. On ne peut plus tout miser sur l’idée que « les riches paieront » et qu’un peu plus de prélèvements et de redistribution arrangeront tout. Mais plus encore, on doit mieux prendre en compte les besoins des entreprises dont les finances publiques dépendent.

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Car pendant ce temps, le monde avance sans nous. Les positions concurrentielles se gagnent, les technologies maîtresses de demain se créent. Nos entreprises ont besoin de stabilité fiscale, de contraintes équivalentes à celles de leurs concurrents, d’infrastructures rénovées, d’énergie bon marché, de financements accessibles, de main-d’œuvre formée, et plus généralement de confiance en l’avenir. Tout cela prend du temps et demanderait à être mis en œuvre au plus tôt.


* Olivier Babeau est président de l’Institut Sapiens. Dernier ouvrage : « La Tyrannie du divertissement » (Buchet-Chastel).

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