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"C'est très difficile à gérer": le patron de Ryanair en a assez des passagers ivres et demande de limiter la vente d'alcool dans les aéroports

Bagarres, insultes, comportements inappropriés sont légion dans les avions, notamment dans les vols des compagnies britanniques. Michael O’Leary estime qu'il faut maintenant durcir les règles.

Des vols qui se transforment en pugilats ne sont plus des exceptions. Dernier exemple en date dans un vol Ryanair du 3 juillet entre Agadir au Maroc et Londres au Royaume-Un.

Une demi-heure après le décollage, en plein vol, une dispute violente éclate entre des passagers à cause d'une histoire d'attribution de sièges, dispute qui avait d'ailleurs déjà commencé à l'embarquement. Le vol est dérouté vers Marrakech pour un atterrissage en urgence. La police marocaine expulse alors les neuf passagers impliqués dans la bagarre.

Selon les chiffres de l'IATA, l’Association internationale du transport aérien, on comptait en 2021 un incident (incivilités, indiscipline, insultes...) pour 835 vols, en 2022, ce chiffre est passé à un sur 568, soit une augmentation de 47%.

Des violences physiques en forte hausse

Surtout, si les violences physiques sont heureusement rares, elles augmentent de 61% par rapport à 2021, avec un incident tous les 17.200 vols.

Ce genre d'incidents s'observe beaucoup sur les vols en provenance de Grande-Bretagne, essentiellement vers des destinations dites festives comme Ibiza et Mykonos.

Pour Michael O’Leary, le patron de Ryanair, il est maintenant temps de sévir. Dans un entretien au Telegraph, il demande que les bars des aéroports limitent la vente d'alcool aux passagers à deux boissons.

Si les agressions contre le personnel de cabine sont les plus préoccupantes, les confrontations entre passagers sont devenues de plus en plus courantes, estime-t-il mettant en cause le cocktail d’alcool avec "de la poudre et des comprimés".

"On obtient un comportement beaucoup plus agressif qui devient très difficile à gérer. Et cela ne vise pas seulement l’équipage. Les bagarres entre passagers sont désormais une tendance croissante à bord des avions".

Et d'expliquer: "il n’est pas si facile pour les compagnies aériennes d’identifier les personnes ivres à la porte d’embarquement, en particulier si elles embarquent avec deux ou trois autres personnes. Tant qu’elles peuvent se lever et se déplacer, elles passent. Ensuite, lorsque l’avion décolle, nous voyons leur mauvaise conduite".

Les aéroports responsables selon O'Leary

"Nous n’autorisons pas les gens à conduire en état d’ivresse, et pourtant nous continuons à les mettre dans des avions à 33.000 pieds" poursuit-il.

Michael O’Leary pointe également les aéroports: "ils s’y opposent bien sûr et disent que leurs bars ne servent pas les passagers ivres. Mais ils servent les proches du passager ivre. Ce que nous demandons n’aura aucune incidence sur les bénéfices. Les bars peuvent toujours vendre leurs boissons et leur nourriture".

La situation est exacerbée lorsque les vols sont retardés et que les passagers boivent pendant plusieurs heures avant l’embarquement.

"La plupart de nos passagers se présentent une heure avant le départ. Cela suffit pour deux verres. Mais si votre vol est retardé de deux ou trois heures, vous ne pouvez pas boire cinq, six, huit, dix pintes de bière. Allez prendre un café ou une tasse de thé. Ce n’est pas une sortie pour alcooliques" lance-t-il.

Rappelons que la compagnie interdit désormais de consommer son propre alcool à bord.

"Nous ne leur permettions auparavant d’emporter que des bouteilles d’eau à bord, sans nous rendre compte qu’elles étaient pleines de vodka. Aujourd’hui, nous ne leur permettons même pas d’en prendre", explique Michael O’Leary.

Des sanctions sévères

Pourtant, les sanctions sont sévères. Selon la loi britannique, un passager reconnu coupable pourrait être condamné à une peine de prison de deux ans et à une amende de 5.000 livres (5.900 euros) pour avoir été ivre dans un avion.

Si la sécurité des passagers ou de l’avion est compromise, la peine de prison peut aller jusqu’à cinq ans de prison et, si l’avion est contraint de se dérouter, le passager perturbateur pourrait être tenu responsable des frais de la compagnie aérienne, qui peuvent atteindre 80.000 livres (95.000 euros).

En France, elles sont encore plus strictes: les passagers ivres risquent jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 75.000 euros.

Par ailleurs, le protocole de Montréal du 4 avril 2014 qui complète la Convention de Tokyo relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs permet de donner aux compagnies aériennes plus de moyens pour lutter plus efficacement contre les comportements perturbateurs des passagers.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business