L’Immaculée Conception, une innovation
1 décembre 2023

Nous sommes début décembre, dans quelques jours ce sera donc dans le monde romain la fête de l’Immaculée Conception de Marie. Ce dogme romain, qui veut que la Vierge n’ait pas seulement été sainte, n’ait pas seulement vécu sans péché, n’ait pas été régénérée ou sanctifiée très tôt, n’ait pas été simplement purifiée du péché originel mais qu’elle ait été conçue sans aucune tache du péché originel, qu’elle en ait été entièrement préservée, que jamais elle n’ait été touchée par le péché au point d’avoir besoin d’être purifiée, fut promulgué définitivement en 1854. Il est donc nécessaire de croire en l’Immaculée Conception pour être reconnu par Rome comme étant un chrétien catholique, c’est-à-dire non hérétique.

Si donc quelques-uns, ce qu’à Dieu ne plaise, avaient la présomption de penser dans leur cœur autrement qu’il n’a été défini par Nous, qu’ils apprennent et sachent que, condamnés par leur propre jugement, ils ont fait naufrage dans la foi et quitté l’unité de l’Église ; et de plus, que, si par la parole, par l’écriture et par toute autre voie extérieure, ils osaient exprimer ces sentiments de leur cœur, ils encourraient par le fait même les peines portées par le droit.

Pie IX, Ineffabilis Deus.

L’Église de Rome enseigne par ailleurs que l’Immaculée Conception est un dogme aussi fondamental que la Trinité ou l’Incarnation, récusant toute distinction d’importance entre les deux :

De plus, quant aux vérités à croire, il est absolument illicite d’user de la distinction qu’il leur plaît d’introduire dans les dogmes de foi, entre ceux qui seraient fondamentaux et ceux qui seraient non fondamentaux, comme si les premiers devaient être reçus par tous tandis que les seconds pourraient être laissés comme matières libres à l’assentiment des fidèles: la vertu surnaturelle de foi a en effet, pour objet formel l’autorité de Dieu révélant, autorité qui ne souffre aucune distinction de ce genre. C’est pourquoi tous les vrais disciples du Christ accordent au dogme de l’Immaculée Conception de la Mère de Dieu la même foi que, par exemple, au mystère de l’Auguste Trinité, et de même ils ne croient pas à l’Incarnation de Notre Seigneur autrement qu’au magistère infaillible du Pontife Romain dans le sens, bien entendu, qu’il a été défini par le Concile oecuménique du Vatican. Car, de la diversité et même du caractère récent des époques où, par un décret solennel, l’Eglise a sanctionné et défini ces vérités, il ne s’ensuit pas qu’elles n’ont pas la même certitude, qu’elles ne sont pas avec la même force imposées à notre foi: n’est-ce pas Dieu qui les a toutes révélées ?

Pie XI, Mortalium Animos.

Mais la constitution apostolique Ineffabilis Deus ne se contente pas d’affirmer que Marie a été conçue sans péché, elle ajoute que ce dogme a toujours été professé, en tant que dogme, dans l’Église. Et ainsi, le paragraphe « cette doctrine a toujours été professée dans l’Église » porte ce qui suit :

Et rien n’est plus véritable : de célèbres monuments de la vénérable antiquité, tant de l’Église orientale que de l’Église occidentale, prouvent en effet avec évidence que cette doctrine de l’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, qui a été, d’une manière si éclatante, expliquée, déclarée et confirmée chaque jour davantage, qui s’est propagée d’une façon si merveilleuse chez tous les peuples et parmi toutes les nations du monde catholique, avec le ferme assentiment de l’Église, par son enseignement, son zèle, sa science et sa sagesse, a toujours été professée dans l’Église comme reçue de main en main de nos pères et revêtue du caractère de doctrine révélée.

Pie IX, Ineffabilis Deus, Cette doctrine a toujours été professée dans l’Église.

Ce que cet article entreprend, c’est d’examiner l’affirmation historique qui est faite dans cette bulle : l’Immaculée Conception a-t-elle été professée depuis toujours dans l’Église comme reçue des apôtres et comme doctrine révélée ? Pour procéder à cet examen, j’examinerai ce que les pères de l’Église avaient à dire sur ce sujet, puis ce que les docteurs plus tardifs ont exprimé.

Introduction : Marie chez les Pères

Avant d’examiner les textes individuels des Pères, il faut d’abord poser le cadre qui permet de comprendre pourquoi il a semblé nécessaire à bon nombre de ces auteurs que Marie fût purifiée d’une façon spéciale. Les cultures antiques, en effet, et peut-être en particulier la culture juive découlant des prescriptions de l’Ancien Testament, ont une conception forte de la notion de « lieu saint ». Les lieux sacrés étaient purifiés rituellement pour convenir au culte. Puisque Marie est le vaisseau de choix par lequel notre Dieu entra dans notre monde, il est naturel qu’elle soit conçue comme un lieu saint, c’est-à-dire purifiée pour cet usage. Bien entendu, c’est avant tout la nature humaine du Christ qui est ce « tabernacle », mais Marie s’est retrouvée aussi couverte du Saint-Esprit. Or, dans l’Ancien Testament, les lieux qui sont les réceptacles de la présence divine sont bien souvent consacrés et purifiés pour l’être. Les Pères s’entendent donc, pour la plupart, pour voir en Marie un exemple de sainteté, de vertu, de foi, d’humilité. Toutes ces choses, nous les retrouvons abondamment chez les protestants, notamment dans leurs sermons1. En fait, l’Immaculée Conception et l’Assomption n’étant pas encore des dogmes proclamés par Rome à la Réforme, les historiens notent que Marie ne fut que très rarement un objet de controverse durant cette période2. Les Réformateurs avaient surtout soin de maintenir l’unicité de la médiation du Christ et sa primauté et s’opposaient aux pratiques superstitieuses. Ils n’objectaient pas à l’idée de considérer Marie comme une femme particulièrement bénie, sainte, humble et pieuse, mais la vantaient plutôt comme telle.

Ces considérations préalables étant faites, tournons-nous vers les écrits des Pères à ce sujet. Nous considérerons les grecs puis les latins dans ce qu’ils ont à dire spécifiquement sur la Vierge. Puis nous considérerons des remarques connexes dans leurs écrits qui confirmeront notre compréhension. Pour ce survol, je m’appuie principalement sur l’excellent ouvrage de référence du catholique romain Reynolds Brian K., Gateway to Heaven3 qui retrace sur plus de 400 pages la doctrine et la dévotion mariales dans l’Antiquité et le Moyen Âge. Je complète ponctuellement par l’avis d’autres spécialistes et mes propres lectures.

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Les pères grecs et Orientaux

Justin Martyr (100-165)

Ève, encore vierge et sans tache, écoute le démon : elle enfante le péché et la mort ; Marie, également vierge, écoute l’ange qui lui parle ; elle croit à sa parole, elle en ressent de la joie lorsqu’il lui annonce l’heureuse nouvelle.

Justin Martyr de Naplouse, Dialogue avec le Juif Tryphon4.

Le parallèle entre Ève et Marie est fréquemment invoqué par les apologètes romains comme un soutien à la doctrine de l’Immaculée Conception. Ève et Marie fonctionnent comme type et antitype, disent-ils ; puisque l’une a été conçue sans péché, l’autre doit l’être aussi. Cet argument ignore que les parallèles bibliques servent autant à dresser des similitudes que des contrastes d’une part (pensons à Isaac et Ismaël), que d’autre part, Marie n’est pas le seul antitype d’Ève (Marie-Madeleine, rencontrant le nouvel Adam dans un jardin, est un autre type néotestamentaire d’Ève, par exemple) mais surtout que Marie n’est pas l’antitype suprême d’Ève : l’Église, épouse du nouvel Adam, placée avec lui dans le jardin-temple et formée de son côté percé, après un profond sommeil, est l’accomplissement ultime des germes qui sont semés en Éden. Marie, en antitype d’Ève, sert en fait de type de l’Église et c’est dans cette dernière que la trajectoire biblique aboutit.

Quoi qu’il en soit, pour notre examen historique, notons que Justin Martyr savait reconnaître ce parallèle tout en le confinant dans certaines limites : si Ève est « vierge et sans tache », Marie est présentée comme simplement « vierge ». C’eut été pourtant l’occasion, si Justin croyait en l’Immaculée Conception, de la mentionner.

Origène (185-253)

Les Grecs attribuaient, comme les sermons protestants mentionnés plus haut, des titres fort élogieux à Marie. Toutefois, ces titres mariaux cohabitaient avec l’imputation de certaines fautes chez elle, et avec des propos parfois particulièrement sévères. Origène doit être mentionné le premier, parce qu’il eut une influence considérable sur l’exégèse des siècles suivants : encore à la fin du IXe siècle, Photius, évêque de Constantinople, mentionne son opinion sur divers textes à propos de Marie comme courante5. En commentant Luc, celui-ci déclare :

Siméon dit ensuite : Un glaive te transpercera l’âme à toi aussi. Quel est ce glaive qui a transpercé le cœur des autres et également celui de Marie ? L’Écriture dit clairement qu’au temps de la Passion, tous les Apôtres ont été scandalisés au sujet du Christ. Le Seigneur même l’a dit : Tous vous serez scandalisés cette nuit. […] Pourquoi penser que, si les Apôtres ont été scandalisés, la mère du Seigneur, elle, a été préservée du scandale ? Si, pendant la Passion du Seigneur, elle n’a pas été sujette au scandale, Jésus n’est pas mort pour ses péchés, mais si tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu, si tous sont justifiés et rachetés par sa grâce, Marie aussi fut à ce moment-là sujette au scandale.

Origène, Homélies sur S. Luc, XVII, 6-76.

Origène considère que Marie ne fait pas exception à l’affirmation paulinienne selon laquelle tous ont péché. Dans une autre homélie sur Luc, il s’étonne qu’il soit question de leur purification (Luc 2,22) : s’il n’était question que de la purification de Marie, dit-il, il n’y aurait pas lieu de s’étonner, mais le pluriel semble impliquer que Jésus soit concerné, et Origène y voit une difficulté à résoudre7. Ainsi, l’historien réformé Philip Schaff déclare : 

De même, Tertullien, Origène, Basile le Grand et même Chrysostome, avec toute l’estime qu’ils portent à la mère de notre Seigneur, lui attribuent en une ou deux occasions (Jean ii. 3 ; Matt. Xiii. 47) la vanité maternelle, ainsi que le doute et l’inquiétude, et en font le glaive (Luc ii. 35) qui, sous la croix, a traversé son âme.

Philip Schaff, History of the Christian Church8.

L’érudit catholique Brian Reynolds déclare :

Origène interprétait les mots de Siméon […] comme une prophétie de son incrédulité face à la crucifixion.

Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods9.

Notons que l’influence d’Origène peut difficilement être exagérée. Il fut le premier à commenter intégralement les épîtres de Paul et, par l’école qu’il fonda à Alexandrie, il engendra de nombreux disciples, dont Grégoire Thaumaturge. C’est au point que lors du concile d’Antioche en 264 contre Paul de Samosate, la majorité des personnes siégeant dans ce synode étaient des disciples d’Origène. Il ne s’agit donc pas d’un obscur auteur. Sa réputation ne fut flétrie que plus tard et, comme l’explique l’introduction de l’édition des Sources chrétiennes au De Principiis d’Origène, cela est dû à des hérétiques qui se réclamaient d’Origène et non à des opinions qu’Origène aurait lui-même réellement tenues, comme l’a défendu Rufin d’Aquilée10.

Basile de Césarée (329-379)

Basile, le grand père cappadocien, est listé par Reynolds parmi ceux qui suivirent Origène dans l’interprétation du « glaive » proposée plus haut :

Par glaive, il faut entendre la parole qui éprouve et juge nos pensées, qui pénètre jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles, et qui discerne nos pensées. Or, à l’heure de la Passion, chaque âme a été soumise, pour ainsi dire, à une sorte d’examen. Selon la parole du Seigneur, il est dit : Vous serez tous scandalisés à cause de moi (Matthieu 26, 3). Siméon prophétise donc sur Marie elle-même que, se tenant près de la croix, voyant ce qui se fait, et entendant les voix, après le témoignage de Gabriel, après sa connaissance secrète de la conception divine, après cette grande démonstration de miracles, elle sentira dans son âme une violente tempête. Le Seigneur devait goûter à la mort pour tout homme, faire la propitiation pour le monde et justifier tous les hommes par son propre sang. Toi-même, qui as été instruit d’en haut des choses concernant le Seigneur, tu seras atteint par quelque doute. Telle est l’épée. Afin que les pensées d’un grand nombre de cœurs soient dévoilées. Il indique qu’après l’offense à la Croix du Christ, une guérison rapide viendra du Seigneur aux disciples et à Marie elle-même, confirmant leur cœur dans la foi en Lui. De la même manière, nous avons vu Pierre, après avoir été humilié, s’accrocher plus fermement à sa foi en Christ. Ce qu’il y avait d’humain en lui s’est avéré fragile, afin que la puissance du Seigneur puisse être démontrée.

Basile de Césarée, Épître 260, IX.

Ce doute de Marie est évoqué concomitamment avec la « chute et le relèvement » des apôtres. Le mariologue catholique Luigi Gambero commente ainsi l’opinion de Basile :

[Basile] estime qu’il est justifié d’affirmer que la sainteté de la Vierge n’était pas totalement dépourvue d’ombre. Il évoque le doute dont elle a souffert au moment de la Passion de son Fils, annoncée par Siméon, en utilisant la métaphore de l’épée.

Luigi Gambero, Mary and the Fathers of the Church : The Blessed Virgin Mary in Patristic Thought11.

Amphiloque d’Iconium (339-403)

L’évêque d’Iconium commente dans le même sens cette épée :

Voyez comment Siméon appela ces pensées innombrables une épée, touchant jusqu’aux veines et à la moelle. C’est dans celles-ci qu’est tombée la Vierge Marie, parce qu’elle ne connaissait pas encore le pouvoir de la résurrection, et qu’elle ne savait pas que la résurrection approchait. Après cette résurrection, ce n’était plus une épée à deux tranchants, mais joie et félicité. Siméon appela le signe qu’est la croix un signe de contradiction, puisqu’à ce moment ces pensées transpercèrent la Vierge.

Amphiloque d’Iconium, Sermon sur la Nativité de Jésus-Christ12.

Cyrille d’Alexandrie (375-444)

Cyrille d’Alexandrie, à la même époque, suit encore Origène, selon Reynolds. Toutefois, sa remarque ne se trouve pas en commentaire de l’Évangile de Luc, mais lorsqu’il commente les évènements autour de la Passion selon Jean (19, 25 en particulier) :

Qu’est-ce qui a donc poussé le bienheureux évangéliste à entrer dans les détails au point de mentionner les femmes qui restaient près de la croix ? Son but était de nous apprendre que, comme on pouvait s’y attendre, le sort inattendu de notre Seigneur était une cause de scandale pour sa mère, et que sa mort excessivement amère sur la croix avait presque chassé de son cœur toute réflexion ; et, en outre, les insultes des Juifs et des soldats, qui restaient probablement près de la croix et se moquaient de celui qui y était suspendu, et qui ont eu l’audace, sous les yeux de sa mère, de partager ses vêtements entre eux, ont eu leur effet. Car, sans doute, une pensée comme celle-ci lui a traversé l’esprit : « J’ai conçu Celui dont on se moque sur la Croix. Il a bien dit qu’il était le vrai Fils du Dieu tout-puissant, mais il se peut qu’il ait été trompé, qu’il se soit trompé en disant : “Je suis la Vie.” Comment sa crucifixion a-t-elle eu lieu ? Et comment a-t-il été pris dans les filets de ses meurtriers ? Comment se fait-il qu’il n’ait pas triomphé de la conspiration de ses persécuteurs contre lui ? Et pourquoi ne descend-il pas de la croix, alors qu’il a rendu Lazare à la vie, et qu’il a frappé d’étonnement toute la Judée par ses miracles ? » Il est probable que cette femme, ne comprenant pas exactement le mystère, se perdit dans des pensées de ce genre ; car nous ferons bien de nous rappeler que le caractère de ces événements était de nature à effrayer et à subjuguer l’esprit le plus sobre. Il n’est pas étonnant qu’une femme soit tombée dans une telle erreur, alors que Pierre lui-même, l’élu des saints disciples, fut un jour offensé lorsque le Christ lui annonça en termes clairs qu’il serait livré aux mains des pécheurs, qu’il subirait la crucifixion et la mort, de sorte qu’il s’exclama avec impétuosité : Loin de toi, Seigneur ; cela ne t’arrivera jamais. Comment s’étonner alors que l’esprit fragile d’une femme soit lui aussi plongé dans des pensées qui trahissent la faiblesse ? Et lorsque nous parlons ainsi, nous ne spéculons pas, comme certains le supposent, mais nous sommes amenés à le soupçonner par ce qui est écrit au sujet de la mère de notre Seigneur. Nous nous souvenons en effet que le juste Siméon, lorsqu’il reçut le Seigneur alors enfant dans ses bras, après l’avoir béni et avoir dit : Laisse maintenant ton serviteur s’en aller en paix, Seigneur, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut, dit aussi à la sainte Vierge elle-même : Voici, cet enfant est destiné à en faire tomber et à en relever beaucoup en Israël, à être un signe de discorde ; une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées. Par l’épée, il entendait la vive douleur de la souffrance, qui devait diviser l’esprit de cette femme en pensées étranges ; car les tentations éprouvent les cœurs de ceux qui sont tentés, et les laissent à nu des pensées qui les remplissaient.

Cyrille d’Alexandrie, commentaire sur Jean 19, 2513.

Ici, il convient de remarquer que Cyrille et Origène usent d’un argument a fortiori : si l’apôtre Pierre lui-même a pu chuter, à plus forte raison la mère du Seigneur. Le dogmaticien catholique Ludwig Ott commente ainsi l’avis de divers pères grecs, dont Cyrille d’Alexandrie : 

Certains Pères grecs (Origène, Saint Basile, Saint Jean Chrysostome, Saint Cyrille d’Alexandrie) ont enseigné que Marie a souffert de fautes personnelles vénielles, telles que l’ambition et la vanité, le doute sur le message de l’Ange, et le manque de foi devant la Croix. 

Ott Ludwig, Fundamentals of Catholic Dogma14.

Astérios le Sophiste15 et Hésichyos de Jérusalem16 tiennent encore des propos similaires selon Reynolds. Dans la Vie de Marie, qu’on attribue à Maxime le Confesseur, il est encore question de son doute17. Romain le Mélode (493-555), quant à lui, lie aussi le glaive au doute de Marie :

Oui, quand tu verras cloué à la croix ton propre fils […], sur le moment tu douteras. L’hésitation où te plongera la douleur sera en toi comme une épée ; mais ensuite il enverra une prompte guérison à ton cœur.

Romain le Mélode, Hymne XIV sur la Nativité, la Présentation18.

Il affirme par ailleurs que Jésus a « sanctifié par [s]a naissance le sein d’une vierge »19. Ainsi Brian Reynolds déclare à propos de l’hymne cité précédemment :

La même considération négative de Marie se retrouve dans un hymne de Romain le Mélode.

Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods20.

Mais ce passage sur le glaive n’est pas le seul à recevoir une interprétation péjorative de la part des pères. C’est encore le cas du texte de l’Annonciation, notamment en raison du fait que Marie n’accepte pas immédiatement la parole de l’ange (elle le questionne d’abord) mais aussi de l’épisode des noces de Cana, où Jésus semble reprendre sa mère.

Irénée de Lyon (140-200)

Saint Irénée, par exemple, dit ceci de cet épisode :

C’est pourquoi, lorsque Marie avait hâte de voir le signe merveilleux du vin et voulait participer avant le temps à la coupe de la gloire, le Seigneur, repoussant sa hâte inopportune, lui dit : Femme, qu’y a-t-il entre moi et toi ? Mon heure n’est pas encore venue : il attendait l’heure connue d’avance par le Père. 

Irénée de Lyon, Contre toutes les hérésies, livre III, 16, 721.

L’historien réformée Philip Schaff commente ainsi cet extrait :

[Irénée] était encore très éloigné de la notion de l’absence de péché de Marie, et déclare expressément que la réponse du Christ en Jean ii. 4, est un reproche à sa hâte prématurée.

Philip Schaff, History of the Christian Church22.

Brian Reynolds ainsi que Mary Clayton23 évoquent par ailleurs que saint Irénée croyait à une purification de Marie à l’incarnation, idée que nous retrouverons chez de nombreux pères :

Irénée affirmait que Marie connut une purification au moment de l’incarnation.

Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods24.

Grégoire l’Illuminateur (257-331)

Grégoire l’Illuminateur est considéré comme le fondateur de l’Église d’Arménie ; ses descendants en eurent la direction après lui pendant un siècle. Dans un sermon sur l’Annonciation, il déclare :

Et lorsque cette parole, Je vous salue, vous à qui une grande faveur a été accordée, lui est parvenue, au moment même où elle l’a entendue, l’Esprit saint est entré dans le temple inviolé de la Vierge, et son esprit ainsi que ses membres ont été sanctifiés ensemble.

Grégoire l’Illuminateur, Homélie sur l’Annonciation, II, 325.

Comme nous le verrons plus tard, l’idée d’une purification de la Vierge à l’Annonciation est très courante chez les Pères grecs, qui nomment cela la prépurification de la Vierge, en vue de l’incarnation.

Athanase d’Alexandrie (296-373)

Il réprimandait sa mère en disant : Mon heure n’est pas encore venue.

Athanase d’Alexandrie, Traité contre les Ariens, III, 4126.

Le terme grec (ἐπέπληττε) est assez fort, signifiant littéralement « il repoussa ». Dans le contexte, saint Athanase donne des exemples de situations où la divinité du Christ se manifeste dans les évangiles, par une action qui n’est pas « conforme aux affections de la chair », c’est-à-dire aux affections humaines. La façon dont Jésus reprend sa mère à Cana, selon Athanase, manifeste sa divinité vis-à-vis d’elle. On retrouve ici un raisonnement proche de celui de Théodoret de Cyr que nous verrons par la suite.

Éphrem de Nisibe (306-373)

Éphrem de Nisibe, commentant le même passage, déclare :

L’empressement de Marie avait été excessif ; c’est pourquoi il lui fit la leçon. […] Marie avait pensé qu’un miracle de son Fils lui vaudrait gloire et honneur auprès des foules ; c’est pourquoi il dit : mon temps n’est pas survenu. Jésus n’a pas agi pour les raisons que Marie avait imaginées ; il a plutôt voulu contrarier ses pensées. […] Marie savait que Jésus ferait là un miracle ; Jésus pourtant blâma le doute de Marie. […] Qu’avait-elle dit de mal ? […] elle avait douté de sa parole, en disant : ils n’ont plus de vin. […] Marie s’empressa de remplacer les apôtres pour exécuter les ordres du Seigneur. Cependant, elle n’avait pas pour rôle de donner des conseils, de commander, ou de prévenir la parole de Jésus ; aussi la réprimanda-t-il, parce qu’elle avait agi avec précipitation.

Éphrem de Nisibe, commmentaire sur l’Évangile concordant ou Diatessaron, V, 1-527.

Reynods note à propos de ce passage :

Irénée aussi bien que Éphrem croyaient que Marie avait agi avec un empressement excessif à Cana.

Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods28.

À propos de la Nativité, il affirme que tout comme Marie donna naissance physique au Christ, le Christ lui donna la nouvelle naissance :

Le Fils du Très-Haut est venu et a habité en moi, et je suis devenue sa Mère ; et comme je l’ai engendré par une seconde naissance, il m’a engendrée par une seconde naissance — parce qu’il a revêtu les habits de sa Mère, et qu’elle a revêtu son corps de sa gloire.

Éphrem de Nisibe, Hymnes sur la Nativité, XI29.

Éphrem affirme encore que Christ est né d’une « nature sujette à l’impureté et nécessitant une purification par la visitation divine » et que le Christ « purifia la Vierge, l’ayant premièrement préparé par le Saint-Esprit » ; il compare Christ à une perle et le sein maternel avant purification aux animaux rituellement impurs30. Il affirme, toujours dans son commentaire du Diatessaron, que « l’Esprit sanctifia l’édifice qui était impur31».

Eustathe d’Antioche voit aussi dans ce passage sur les noces un reproche, puisque, dit-il, Christ connaissant toutes choses, il n’avait pas besoin que quelqu’un lui dît quoi faire32. Cornélius a Lapide (1567-1637), prêtre jésuite, liste encore dans son commentaire sur ce passage Euthyme (le Grand ? ou Zygabène ?) et Théophylacte (d’Antioche ? ou d’Ohrid ?) comme ayant soutenu que Marie avait péché.

Didyme l’Aveugle (313-398)

Théologien de l’école d’Alexandrie et auteur de nombreux livres, sa cécité apparue dans l’enfance lui a valu son surnom. Dans un ouvrage contre les manichéens, il expose le raisonnement qui suit :

Car [une chair] semblable à celle du péché est une chair qui diffère de toutes les autres en cela seul qu’elle advient sans l’homme. Car s’il avait pris corps par l’union charnelle, n’étant ainsi pas différent [des autres], il serait lui aussi sous la sentence de ce péché, sous lequel nous tous, qui sommes d’Adam, avons été successivement.

Didyme l’Aveugle, Contre les Manichéens, VIII33.

Si, pour Didyme, le Christ aurait été sujet au péché originel s’il était né d’une union charnelle, il est clair que selon Didyme la Vierge l’a été, puisqu’elle est née d’une telle union. Ce père, comme bien d’autres, établit un lien entre la conception virginale et la conception immaculée du Christ.

Jean Chrysostome (344-407)

Dans ses nombreuses homélies, Chrysostome revient à plusieurs reprises sur la Vierge et fait référence aux divers passages que nous évoquions. Voici, par exemple, comment il expose longuement l’épisode de Cana :

Et pour quelles raisons, objecterez-vous encore, n’a-t-elle rien dit auparavant ? Parce qu’il commença, comme j’ai dit, seulement alors à paraître en public, et qu’avant ce temps il vivait dans l’obscurité, comme un homme du commun ; c’est pourquoi sa mère n’aurait pas osé lui faire alors une pareille demande ; mais lorsqu’elle eut appris que c’était pour lui que Jean-Baptiste était venu et qu’il lui avait rendu un si grand témoignage, qu’enfin son fils avait des disciples, alors elle s’adressa à lui avec confiance, et voyant que le vin manquait, elle dit : Ils n’ont point de vin. Par là, elle voulait, d’une part, obliger ses hôtes ; de l’autre, être glorifiée grâce à son Fils ; peut-être aussi eut-elle quelques sentiments humains, comme ses frères qui lui disaient : Faites-vous connaître au monde (Jean 8,4), espérant profiter de la gloire qu’il s’acquerrait par ses miracles. Voilà pourquoi Jésus lui fit cette réponse assez vive : Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon heure n’est pas encore venue ; mais toutefois il avait une très grande considération pour sa mère. Saint Luc remarque qu’il était soumis à ses parents (Luc 2,5-1), et l’évangéliste saint Jean nous apprend le grand soin qu’il eut de Marie lorsqu’il était sur la croix. (Jean 19,26)

En effet, nous devons être soumis à nos parents, lorsqu’ils ne nous empêchent pas de remplir nos devoirs envers Dieu et qu’ils n’y apportent point d’obstacles ; il est très-dangereux de ne pas suivre cette règle ; mais quand ils demandent quelque chose d’inopportun, et nous gênent dans les choses spirituelles, il n’est alors ni bon, ni sage de leur obéir. C’est pour cela que Jésus, ici et ailleurs encore, répond : Qui est ma mère et qui sont mes parents ? (Marc 3,33) Car ils n’avaient pas encore de lui les sentiments qu’ils devaient avoir ; mais sa mère, pour l’avoir mis au monde, croyait, selon la coutume des autres mères, pouvoir lui ordonner tout ce qu’elle voudrait, elle qui aurait dû l’honorer et l’adorer comme son Seigneur. Voilà pourquoi il lui répondit alors de cette façon.

Considérez, je vous prie, mes frères, ce spectacle : d’une part, Jésus est environné d’un grand peuple, toute cette foule uniquement attentive à l’entendre et à écouler sa doctrine ; de l’autre, une femme accourt, perce la foule, vient l’appeler pour le faire sortir de l’assemblée et lui parler en particulier. Elle vient, non pour entrer dans la maison, mais pour l’en faire sortir et le prendre à part. C’est pourquoi il dit : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Non pour faire une injure à sa mère, Dieu nous garde d’une telle pensée, mais pour lui rendre le plus grand service en lui apprenant à concevoir une idée plus juste de sa dignité. S’il avait soin des autres, et s’il n’omettait rien pour leur inspirer la juste opinion qu’ils devaient avoir de lui, à plus forte raison le faisait-il pour sa mère. Et comme il y a de l’apparence qu’ayant entendu ce qu’avait dit son Fils, elle ne voulut pourtant pas lui obéir, mais avoir le dessus, comme étant sa mère, c’est aussi pour cette raison qu’il lui fit cette réponse. En effet, Jésus ne l’aurait pas tirée de la basse opinion qu’elle avait de lui, ni élevée aux grands et sublimes sentiments qu’elle en devait avoir, si elle s’était toujours attendue à être honorée de son Fils comme sa mère, au lieu de le regarder comme son Seigneur et son Maître. C’est donc pour cette raison qu’il lui répondit alors : Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? […]

Et ce fut là pour elle un avertissement de ne pas recommencer. Car s’il tenait à honorer sa mère, il avait encore bien plus à cœur son salut, et le bien qu’il devait faire au monde, s’étant pour cette fin revêtu de notre chair : ce n’était point là parler avec hauteur à une mère, mais veiller sagement sur ses paroles, et pourvoir à ce que les miracles s’opérassent avec la dignité convenable. Au reste, qu’il honorât beaucoup sa mère, il n’en faut point d’autre preuve, pour négliger toutes les autres que la réprimande qu’il lui adressa ; cette sévérité montre même un grand respect. Comment ? La suite vous le fera voir.

Pensez donc à ces choses : Rappelez-les-vous, lorsque vous entendrez une femme dire : Heureuses sont les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles qui vous ont nourri, et Jésus répondre : Mais plutôt heureux sont ceux qui font la volonté de mon Père (Luc, 11,27-28) ; et soyez persuadés que c’est dans la même intention et dans le même esprit qu’il répond de la sorte à sa mère. Jésus ne fait pas à sa mère cette réponse pour la rebuter, mais pour lui déclarer qu’il ne lui serait nullement avantageux de l’avoir enfanté, si elle n’était très vertueuse et très fidèle. Or, s’il n’eût été d’aucune utilité à Marie d’avoir enfanté Jésus-Christ, à supposer que son âme n’eût pas été intérieurement ornée de vertu, à plus forte raison nous sera-t-il inutile à nous, qui n’avons rien de bon, d’avoir eu un père, un frère, un enfant, bons et vertueux, si nous sommes nous-mêmes éloignés de la vertu.

Jean Chrysostome, Homélie 21 sur Jean34.

Dans un autre sermon sur Matthieu, il revient sur l’épisode de Cana en ces termes :

En ce jour-là, Jésus sortit de la maison, et s’assit auprès de la mer. Admirez comment, après avoir repris ses proches, il ne laisse pas de faire aussitôt ce qu’ils lui demandent. Il se conduisit de même à l’égard de sa mère aux noces de Cana. Car après lui avoir dit que son temps n’était pas encore venu, il ne laissa pas de lui obéir pour faire voir, d’un côté, que tous ses moments étaient réglés, et pour témoigner de l’autre la grande tendresse qu’il avait pour elle. Il fait la même chose en cette rencontre. Il la guérit d’abord de sa vanité, et il sort néanmoins aussitôt de la maison pour rendre à sa mère tout l’honneur que la bienséance exigeait de lui, et cela bien que la demande fût à contre-temps.

Jean Chrysostome, Homélie 44 sur Matthieu35.

Dans un sermon sur Matthieu faisant référence à l’Annonciation, il va jusqu’à dire que l’ange a annoncé à Marie le destin de son Fils pour qu’elle ne soit pas portée à se suicider de crainte d’être prise pour une adultère :

Pourquoi Dieu, dites-vous, ne garde-t-il pas la même conduite à l’égard de la Vierge, en ne lui annonçant ce mystère qu’après la conception? Pour lui épargner une grave inquiétude et un grand trouble. Si le mystère de la conception divine se fût opéré en elle sans qu’elle eût été prévenue, songez à quelle extrémité elle aurait pu se porter pour échapper à l’infamie.

Jean Chrysostome, Homélie 4 sur Matthieu36.

Le traducteur Jean-Baptiste Jeannin, catholique romain et professeur dans un collège consacré à l’Immaculée Conception, amoindrit considérablement le texte grec qui dit, comme le montre cette traduction anglaise, que l’ange a annoncé d’avance à Marie le destin glorieux de son fils, de crainte qu’elle aille jusqu’à « se poignarder ou se pendre » plutôt que d’endurer la disgrâce. Ce texte me permet de faire remarquer en passant combien les traductions des pères par les catholiques du XIXe siècle sont peu fiables dès que l’on aborde un point de contestation avec les protestants ou les orthodoxes. Ainsi, l’abbé Genoude ajoute une mention de la double procession de l’Esprit dans sa traduction de l’Apologie des chrétiens d’Athénagore d’Athènes en traduisant « le Saint-Esprit n’est qu’un écoulement de l’un et de l’autre » tandis que le grec ne dit rien de tel37. De même, l’abbé Raulx, traducteur de saint Augustin, dans sa traduction de la Réfutation de l’épître manichéenne appelée Fondamentale, présente au chapitre IV saint Augustin parlant de « cette imposante succession du sacerdoce, couronnée par l’épiscopat qui découle directement du pontificat lui-même », traduction qui se retrouve citée sur des sites et dans des livres faisant l’apologie du catholicisme romain. Le problème est que le texte latin ne parle tout simplement pas du pontificat et s’arrête à la mention de l’épiscopat, qu’il ne présente d’ailleurs pas comme le couronnement du sacerdoce mais simplement comme une succession dans le sacerdoce 38. Il ne s’agit là que d’exemples que j’ai pu constater personnellement lors de mes lectures, alors que mes compétences en latin et grec sont limitées ; j’imagine donc que le nombre de cas similaires est important. J’en tire le principe qu’il ne faut pas se fier aux traducteurs catholiques romains avant une période relativement récente lorsqu’il est question de sujets de contestation ; à une échelle profane, il est opportun de comparer les traductions.

Quoiqu’il en soit, cet avis de Chrysostome est bien connu du monde académique. Richard McBrien, prêtre et professeur de théologie à l’université Notre Dame, commente ainsi la doctrine du prédicateur : 

[Chrysostome] admettait le ton négatif de la perception de Marie par Marc et, dans ses Homélies sur l’Évangile de saint Jean, il déclarait qu' »elle ne cessait d’avoir une piètre opinion de [Jésus] […], tout en se considérant elle-même comme digne de la première place, parce qu’elle était sa mère ». À Cana, Marie a dit à Jésus qu’il n’y avait plus de vin uniquement parce qu’elle voulait « accorder une faveur aux autres et se rendre plus illustre par son Fils ». Même à l’Annonciation, elle s’est montrée fautive. L’ange a dû la rassurer pour qu’elle ne se tue pas de désespoir en apprenant qu’elle allait avoir un fils.

Richard P. McBrien, Catholicism : Completely Revised and Updated39.

Le mariologue catholique Luigi Gambero constate de même : 

[Chrysostome] n’hésite pas à attribuer à Marie des défauts et des imperfections. Il interprète certains passages de l’Évangile de telle sorte qu’il attribue à la Vierge Marie des défauts tels que l’incrédulité ou la vanité.

Luigi Gambero, Mary and the Fathers of the Church : The Blessed Virgin Mary in Patristic Thought40.

Chrysostome n’est pas le seul à avoir des mots rudes à l’occasion de la réprimande à Cana. Reynolds liste encore Sévérien de Gabala41, Théodore de Mopsueste42 et Sévère d’Antioche43.

Théodore de Mopsueste (350-428)

Théodore de Mopsueste, parmi les trois mentionnés précédemment, dit par exemple :

Quand le vin vint à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont pas de vin. Sa mère, comme c’est l’habitude des mères, le pressa de faire un miracle, voulant montrer immédiatement la grandeur de son fils et pensant que le manque de vin était une bonne occasion de faire un miracle. Mais le Seigneur lui dit : Femme, qu’est-ce que tu as à faire avec moi ? Mon heure n’est pas encore venue […] Autrement dit : […] je possède le pouvoir d’agir toujours, quand et comme je le veux ; même sans être pressé par le besoin de récipiendaires, je suis capable de déployer mon pouvoir. C’est pourquoi l’excuse que vous alléguez d’un manque de vin est une insulte à mon égard.

Théodore de Mopsueste, Commentaire de Jean42.

Proclus de Constantinople (390-446)

Le patriarche de Constantinople, dans un discours, place ces mots dans la bouche du Christ :

À moins que je ne prenne place dans tes bras maternels, tu ne prendras pas place à la droite de mon Père. À moins que je ne sois placé dans un corps pécheur, reposant pour ainsi dire comme un corps dans une tombe nouvelle, le testament ne pourra être confirmé, et vous ne pourrez être proclamé héritiers du royaume des cieux.

Proclus de Constantinople, Orat. VI, in Laud. S. Dei Genetric..

Théodoret de Cyr (393-458)

Théodoret de Cyr évoque ces épisodes des Évangiles en disant :

De même, le Christ, notre Seigneur, nous enseigne lui-même qu’il se nomme tantôt Fils de Dieu, tantôt Fils de l’homme, tantôt qu’il rend hommage à sa mère comme à celle qui l’a mis au monde et tantôt qu’il la réprimande comme son Seigneur44.

Théodoret de Cyr, Dialogues, II.

Pseudo-Justin (?)

La citation qui suit provient d’un ouvrage longtemps considéré comme étant de Justin Martyr et qui a donc joui d’une certaine autorité. Nous savons aujourd’hui que cette attribution est erronée. Les recherches récentes suggèrent une attribution à Théodoret de Cyr45.

Car, lors des noces, en disant à sa mère : qu’y a-t-il entre toi et moi, femme ? il la réprimanda. Et quand sa mère voulait le voir, il appela ceux qui font la volonté de Dieu sa mère et ses frères. Et de plus, quand le sein qui l’a porté ainsi que les mamelles qui l’ont allaité ont été appelées bienheureux, il a appelé bienheureux ceux qui font la volonté de Dieu.

Pseudo-Justin, Réponses à un orthodoxe46.

Antipater de Bostra (410-?)

Commentant l’Annonciation et paraphrasant l’ange, cet évêque dit :

Je te salue, toi qui, la première et seule, portes un enfant libre de la malédiction.

Antipater de Bostra, Sermon sur l’Annonciation47.

Chrysippe de Jérusalem (410-479)

Chrysippe était prêtre à Jérusalem et disciple de saint Euthyme. Dans un de ses sermons, il compare Marie à l’arche d’alliance. Mais plutôt que d’en tirer un argument pour l’Immaculée Conception comme le font les apologètes romains, il poursuit en affirmant :

« Toi et l’arche de ta force » Car quand tu lèveras et scelleras l’arche de ta sanctification, alors cette arche aussi se relèvera de sa chute, dans laquelle la parenté d’Ève l’a placée aussi.

Chrysippe de Jérusalem, Sermo de laud. V. Mariae47.

Sévère d’Antioche (465-538)

Brian Reynolds mentionne une homélie où le patriache d’Antioche évoque l’épisode des noces de Cana en ces termes :

Sa mère, qui entretenait des sentiments tout humains, et qui l’avait incité à agir par amour pour l’ostentation, reçut une correction par les mots avec lesquels il lui répondit, lui enseignant qu’il devait mettre en œuvre de tels miracles non par amour de l’ostentation mais au moment et au lieu appropriés.

Sévère d’Antioche, Homélie cathédrale 5648.

Ammonios d’Alexandrie (vers 500)

Ammonios poursuit cette tradition exégétique autour de Cana ainsi :

Il [Jésus] reproche à sa mère d’avoir importunément fait un rappel à Dieu, qui n’a pas besoin qu’on lui rappelle quoi que ce soit. C’est comme s’il avait dit : « Ne me considérez pas seulement comme un homme, mais aussi comme Dieu. Le temps de ma manifestation n’est pas encore venu. Mon identité n’est pas encore connue49. »

Ammonios d’Alexandrie, Commentaire de Jean50.

Un motif, enfin, revient chez plusieurs pères grecs, celui de la purification de la Vierge lors de la venue de l’Esprit à l’Annonciation. Ainsi, Méthode d’Olympe (250-312), dit que l’Esprit « la sanctifia » lors de sa venue51 et compare la purification que Jésus apporte à Marie à celle que le sel apporte à l’eau mortifère en 2 Rois 2,2152 ; Cyrille de Jérusalem (313-386) s’exclame en commentant la réponse étonnée de Marie à l’annonce de l’ange : « là où le Saint-Esprit souffle, toute pollution est ôtée53» ; Grégoire de Nazianze (329-390), à propos de l’incarnation, dit que « la Vierge fut purifiée dans le corps et dans l’âme par le Saint-Esprit54», le mariologue catholique Luigi Gambero estime que pour Grégoire de Nazianze cette purification a lieu « avant la conception du Christ55 » Brian Reynolds affirme la même chose24 ; Chrysostome aussi affirme que Marie fut purifiée à l’incarnation56; Éphrem, que nous avons étudié plus haut, mentionne aussi une purification à l’Annonciation57. Jacob (ou Jacques) de Saroug (451-521), père syriaque noté pour ses épithètes élogieux à l’égard de Marie, affirme que Marie fût « purifiée » et « sanctifiée » comme Élisée et Jean-Baptiste à la venue de l’Esprit et que ce dernier « ôta l’ancienne sentence d’Adam et Ève » à ce moment58. Sophrone, patriarche de Jérusalem, mentionne encore la purification de la Vierge pour l’Incarnation, disant que le Christ n’en a « fait son habitation » qu’« après qu’elle a été prépurifiée dans le corps et dans l’âme » et « sanctifiée dans le corps et dans l’âme » et situe cette purification aux instants qui précèdent l’Incarnation59, dans une lettre qui fut lue lors du concile de Constantinople III, le sixième concile œcuménique60. Ce concile œcuménique déclare cette lettre orthodoxe, conforme à la doctrine des Pères et digne d’être insérée dans les bibliothèques ecclésiales :

Nous avons également examiné la lettre synodale de Sophrone, de sainte mémoire, autrefois patriarche de la ville sainte du Christ notre Dieu, Jérusalem, et nous l’avons trouvée conforme à la vraie foi et aux enseignements apostoliques, ainsi qu’à ceux des saints et approuvés Pères. C’est pourquoi nous l’avons reçue comme orthodoxe et salutaire pour la sainte Église catholique et apostolique, et avons décrété qu’il était juste que son nom fût inséré dans les diptyques des saintes Églises.

Canons du concile de Constantinople III, Session XIII61.

Un concile œcuménique n’a donc rien trouvé à redire et a approuvé l’orthodoxie d’un texte traitant de la purification de Marie. Il faut relever que Sophrone enseigne en un autre lieu que Marie obtint une purification et, encore ailleurs que Marie a douté à la croix62. Comme nous le verrons par la suite, un autre concile œcuménique l’avait déjà fait et plus clairement encore. Le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de 1922 résume bien ces données sur la purification de la Vierge en disant :

De leur côté, les Pères grecs, interprétant les paroles de l’ange : Spiritus sanctus superveniet in te, Luc 1,35, enseignent qu’à ce moment-là, Marie fut purifiée dans son âme et dans son corps ; c’est donc qu’auparavant elle était soumise à la loi du péché, au moins par sa naissance. Dans cette hypothèse, Marie n’aurait été délivrée du vice héréditaire qu’au jour de l’Annonciation.

D’Alès Adhémar, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Tome III63.

En guise de transition avec les latins, il faut noter que Zénon de Vérone64 (300-371), Jean Cassien65 (350-432), Ambrosiaster66, saint Ambroise67, saint Augustin68 et Grégoire le Grand69 mentionnent aussi une telle purification.

Carlo Maratti, La Dispute de l’Immaculée Conception, étude. Sont représentés Jean l’évangéliste, Jean Chrysostome, Augustin et Grégoire le Grand — aucun d’entre eux n’a soutenu l’Immaculée Conception.

Les pères latins

Tertullien (160-220)

Les premières remarques chez les Pères latins à propos des textes des Évangiles que nous avons considérés plus tôt nous viennent de Tertullien :

De même, sa mère ne semble pas avoir adhéré à sa personne, bien que Marthe et d’autres Marie sont mentionnées en sa compagnie. À ce point leur incrédulité est manifeste[…]. Alors que des étrangers étaient auprès de lui, ses proches étaient absents[…] mais ils préféraient l’interrompre dans sa tâche solennelle[…]. En reniant ainsi ses proches par indignation, ce n’est pas leur existence qu’il niait mais leurs fautes qu’il reprenait[…]. La mère reniée est une image de la synagogue, et les frères incrédules sont une image des Juifs […] tandis que les disciples qui restent proches de Christ, en écoutant avec foi, représentent l’Église, bien plus dignes d’être appelés mère et frères.

Tertullien, Sur la chair de Christ, VII70.

Il revient dans un autre ouvrage sur le même épisode :

C’est avec justice qu’il fut indigné, car des personnes pourtant proches de lui le délaissaient tandis que des étrangers écoutaient ses paroles, mais surtout parce que ceux-là voulaient l’éloigner de sa tâche solennelle. C’est ainsi qu’il les désavoua. Et à la question, Qui est ma mère, et qui sont mes frères, il n’ajouta aucune réponse si ce n’est que ce titre était pour ceux qui écoutent sa parole et la mettent en pratique. Il a ainsi transféré les relations du sang à ceux qu’il jugeait plus proches de lui en raison de leur foi.

Tertullien, Contre Marcion, Livre IV, XIX71.

Comme le montre l’index de références établi par Roger Pearse, Tertullien était un auteur très influent dans le monde latin et cité abondamment par les pères72. Quand saint Augustin entreprend une recension des écrits de Tertullien afin d’exprimer les désaccords qu’il a avec ses écrits, il ne mentionne pas ces paroles sur la Vierge parmi les désaccords73. Le spécialiste anglican de la patristique commente ainsi l’avis des pères apostoliques, dont Tertullien : 

Aucun de ces théologiens n’avait le moindre scrupule à lui attribuer des fautes. Irénée et Tertullien ont rappelé les occasions où, en lisant les récits évangéliques, elle avait mérité les reproches de son Fils, et Origène a insisté sur le fait que, comme tous les êtres humains, elle avait besoin d’être rachetée de ses péchés ; en particulier, il a interprété la prophétie de Siméon (Luc 2, 35) selon laquelle une épée transpercerait son âme comme confirmant qu’elle avait été envahie par le doute lorsqu’elle avait vu son Fils crucifié.

Kelly J.N.D., Early Christian Doctrines74.

Brian Reynolds résume l’avis des pères apostoliques en déclarant :

Les premiers pères ne considère même pas la possibilité d’une conception Immaculée.

Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods75.

Ambroise (339-397)

La tradition latine n’eut pas grand chose à dire sur ce sujet avant Ambroise. Reynolds affirme que saint Ambroise de Milan est la cause d’un changement dans la trajectoire patristique latine, puisqu’il adopte une exégèse méliorative des divers passages que nous avons considérés chez les Grecs. Certains ont soutenu que saint Ambroise adhérait à l’Immaculée Conception puisqu’il parle de Marie comme d’une « vierge innocente, libre par grâce de toute trace de péché76». Toutefois, cette citation s’explique parce qu’il croyait que Marie avait été purifiée du péché pour accueillir le Christ et certains soutiennent qu’il croyait qu’elle n’avait pas commis de péchés actuels.

Ambroise ne peut donc pas être proposé comme un exemple patristique de croyance en l’Immaculée Conception. En effet, plusieurs de ses écrits affirment que seul Jésus a été conçu sans corruption :

Le seul, en effet, des enfants de la femme qui soit parfaitement saint, c’est le Seigneur Jésus, à qui toute atteinte de la corruption terrestre a été épargnée par la nouveauté de son enfantement sans tache, écartée par sa majesté céleste.

Ambroise, Commentaire de l’Évangile selon Luc, II, 56.

Plus clairement encore, il affirme que ceux qui sont nés de parents déchus sont conçus dans le péché :

Aucune conception n’a lieu sans iniquité, puisqu’il n’existe pas de parents qui ne soient déchus77

Ambroise, Prophetae David ad Theodosium Augustum78

En lui seul se trouvent une conception et une naissance virginales, sans aucune impureté originelle et mortelle79.

Ambroise, Apol. David. II, 57.

Certains des écrits d’Ambroise sont perdus, mais saint Augustin, au cours de la querelle pélagienne, en cita plusieurs qui, naturellement, sont liés à notre sujet puisqu’il y est question du péché originel.

Dans son commentaire sur Isaïe, saint Ambroise, parlant de Jésus-Christ, formule ainsi sa pensée : « Comme homme il a été éprouvé de toute manière et il a subi toutes les douleurs dans sa ressemblance avec les hommes ; mais le péché ne vint jamais souiller sa nature, parce qu’il était né de l’Esprit. En effet, tout homme est menteur, et personne n’est sans péché si ce n’est Dieu. Dès lors, ce n’est pas sans raison que l’on a dit que quiconque est né du commerce de l’homme et de la femme a connu le péché dès sa naissance. Celui-ci seul est né sans péché qui est né en dehors de ce genre de conception ». Dans son commentaire sur l’évangile de saint Luc, saint Ambroise dit également : « Quand il s’agit de la naissance du Sauveur, éloignez toute idée purement humaine, toute profanation de la sainte virginité, c’est l’Esprit saint lui-même qui, dans un sein inviolable, a déposé une semence immaculée. Seul entre tous ceux qui sont nés de la femme, Jésus-Christ n’a point goûté la corruption d’une origine souillée, seul il en a repoussé la honte par la nouveauté de son enfantement immaculé et par la majesté de sa nature divine ».

Augustin, De la grâce du Christ et du péché originel, II, 4780.

Le propos d’Ambroise qu’Augustin rapporte avec approbation contre Pélage est clair : toute personne née de l’union d’un homme et d’une femme a connu le péché dès sa naissance. Le seul qui a échappé au péché a aussi échappé au mode ordinaire de génération et l’a fait par sa majesté divine. Marie ne peut pas prétendre à ces choses. Augustin rapporte encore ces affirmations d’Ambroise :

Il ajoute que, parmi les enfants, Jésus-Christ seul, par son enfantement immaculé, n’a pas goûté les tristes fruits de la contagion originelle. Il affirme que nous mourons tous en Adam, parce que le péché est entré dans le monde par un seul homme, et que la faute de cet homme devient pour tous un principe de mort. Il ajoute que le genre humain tout entier aurait péri de cette blessure, si le bon Samaritain n’était pas descendu vers lui pour cicatriser ses plaies. Il enseigne qu’Adam nous représentait tous moralement, et que, quand il tomba, nous étions tous tombés en lui ; qu’avant de naître, nous sommes tous souillés de cette contagion originelle, que personne n’est exempt de cette souillure, parce que nous sommes conçus dans le péché de nos pères, et nous naissons dans leur iniquité ; l’enfantement lui-même a sa contagion propre, d’où il suit que l’on peut envisager cette contagion à plusieurs points de vue différents. Il dit du démon qu’il est le coupable usurier, sous l’influence duquel Ève commit le péché, et engagea toute sa race dans ce malheureux contrat d’une succession coupable. Il dit du démon que, après avoir séduit Ève, il lui inspira de supplanter son mari, afin d’enrager l’hérédité tout entière. Il dit qu’Adam a été tellement blessé par la morsure du serpent, que nous boitons tous des suites de cette blessure. Il dit que, sous l’influence de l’union des deux sexes, personne ne peut être exempt de péché ; et que, si Jésus-Christ en est exempt, c’est que sa conception a été miraculeuse et divine. 

Augustin, Contre Julien I, livre I, 3281.

Une fois de plus, la raison pour laquelle Jésus est exempt du péché originel tient au fait qu’il n’a pas été conçu « sous l’influence de l’union des deux sexes ». Cette raison ne tient pas pour Marie.

J’en trouve un premier exemple ; il vient de saint Ambroise dans son livre sur l’arche de Noé. Voici ses paroles : « On nous annonce que le salut ne viendra aux nations que par Jésus-Christ Notre-Seigneur, car lui seul, en face de toutes les générations pécheresses, n’a pu avoir besoin de justification, puisque sa naissance dans le sein d’une vierge lui conférait le privilège d’une génération sans tache et sans souillure. J’ai été conçu dans l’iniquité, et ma mère m’a enfanté dans le péché, disait celui qui alors était regardé comme le plus juste des hommes. À qui donc appliquerai-je le nom de juste, si ce n’est à Celui qui n’a jamais connu les chaînes sous le joug desquelles a toujours gémi la nature humaine ? Tous sont esclaves du péché ; depuis Adam, la mort régnait sur tous les hommes. Qu’il vienne donc, celui qui seul est réellement juste aux yeux de Dieu, celui dont on doit dire, non seulement qu’il n’a pas péché par ses lèvres ; mais, qu’il n’a jamais connu le péché. »  — Maintenant, si vous l’osez, dites à saint Ambroise que le démon est le créateur de tous les hommes qui naissent de l’union des deux sexes, puisque, si Jésus-Christ seul, parmi tous les coupables enfants d’Adam, n’a point connu la souillure originelle, c’est parce qu’il est né d’une vierge, et qu’alors le démon n’a pu semer pour lui le péché comme il le sème pour les autres. Accusez le saint docteur de condamner le mariage, puisqu’il enseigne qu’il n’y a eu que le Fils de la Vierge pour naître sans péché. Reprochez-lui de rendre impossible la perfection de la vertu, puisqu’il affirme que les vices naissent avec l’homme au moment même de la conception.

Augustin, Contre Julien I, Livre II, 482.

Cette raison que donne Ambroise, et qu’Augustin reprend avec approbation, restera un argument couramment cité tout au long du Moyen Âge par ceux qui s’opposent à l’Immaculée Conception. Le prêtre dominicain Boniface Ramsey, professeur au Séminaire de l’Immaculée Conception de l’université Seton Hall et biographe de saint Ambroise, conclut ainsi son examen de la mariologie d’Ambroise : 

Nous ne trouvons pas encore les doctrines de l’Immaculée Conception de Marie et de son Assomption chez Ambroise.

Boniface Ramsey, Ambrose83.

Augustin (354-430)

Malgré les clairs extraits qui précèdent et qui affirment de manière répétée que tous ceux qui sont conçus de l’homme et de la femme naissent avec le péché originel, un texte a été invoqué par plusieurs apologètes catholiques et est censé prouver qu’Augustin adhérait à l’Immaculée Conception. En fait, Ineffabilis Deus fait référence à ce texte en soutien à sa doctrine. Comme nous l’avions vu dans notre article à propos de la peine de mort, ce n’est toutefois pas la seule fois qu’un pape invoque Augustin à tort.

Notre auteur énumère ensuite ceux qui nous sont présentés, non seulement « comme n’ayant pas péché, mais comme ayant vécu dans la justice, Abel, Enoch, Melchisédech, Abraham, Isaac, Jacob, Josué, Phinées, Samuel, Nathan, Elie, Joseph, Elisée, Michée, Daniel, Ananie, Azarias, Misaël, Ezéchiel, Mardochée, Siméon, Joseph, époux de la vierge Marie, Jean ». Il y ajoute aussi certaines femmes: « Debbora, Anne, mère de Samuel, Judith, Esther, une autre Anne, fille de Phanuel, Elisabeth et la Mère de notre Sauveur, de laquelle, dit-il, il est nécessaire d’avouer qu’elle a été sans péché ». Ainsi donc, à l’exception de la sainte Vierge Marie, dont il ne saurait être question quand je traite du péché et dont je ne saurais mettre en doute la parfaite innocence, sans porter atteinte à l’honneur de Dieu ; car celle qui a mérité de concevoir et d’enfanter l’innocence même, le Verbe incarné, pouvait-elle ne pas recevoir toutes les grâces par lesquelles elle serait victorieuse de tout péché quel qu’il fût ? Je dis donc qu’en mettant hors de cause la Vierge Marie, si nous pouvions rassembler tous les saints et toutes les saintes pendant qu’ils vivaient sur la terre, et leur demander s’ils étaient ici-bas sans péché, quelle, pensons-nous, serait la réponse ? Serait-ce celle de notre auteur, ou celle de l’apôtre saint Jean ?

Augustin, De la nature et de la grâce, XXXVI, 4284.

Augustin répond dans cet extrait à Pélage, qui affirme que plusieurs personnes ont vécu sans péché dans les saintes Écritures et il en entreprend la liste, qui comporte Marie. Pour cette dernière, ajoute Pélage, on ne peut douter qu’elle n’ait pas péché.

Le premier élément qui invite à ne pas y voir une doctrine de l’Immaculée Conception, en dehors des claires affirmations que nous avons considéré plus tôt, c’est qu’il est question ici de vivre sans péché actuel. Le contexte, donc, ne concerne pas le péché originel. Augustin pourrait donc simplement affirmer que Marie a vécu sans péché, opinion que plusieurs attribuent déjà à Ambroise comme nous l’avons dit. C’est bien ainsi que Bonaventure, par exemple, comprenait ce texte, affirmant : « Il faut dire que [saint] Augustin entendait cela du péché actuel et non de l’originel, comme le montre clairement le contexte85. »

En réalité, ce texte est plus complexe qu’il n’y paraît. Il convient de signaler à ce stade que la traduction donnée plus haut est tendancieuse. En effet, le traducteur français étend le sens bien au-delà des mots en traduisant : « Ainsi donc, à l’exception de la sainte Vierge Marie, dont il ne saurait être question quand je traite du péché et dont je ne saurais mettre en doute la parfaite innocence, sans porter atteinte à l’honneur de Dieu » là où le latin ne porte que : « Laissons donc la sainte Vierge Marie de côté. À cause de l’honneur que nous devons au Seigneur, je ne veux pas soulever ici des questions à son sujet, quand nous parlons des péchés86. »

Par ailleurs, la phrase traduite comme si Augustin affirmait que Marie a dû recevoir toutes les grâces pour vaincre le péché repose sur une leçon latine qui n’est aujourd’hui plus considérée comme authentique et ne se trouve donc pas dans la Bibliothèque augustinienne ou dans le Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum87. Elle se trouvait encore dans l’excellente Patrologia Latina de Migne. Cette leçon provient vraisemblablement de la façon dont la Summa Sententiarum cite cette œuvre, citation que reprend Pierre Lombard dans ses Sentences, repris à son tour par les scolastiques ultérieurs88. Même si elle n’est pas authentique, cette version a donc circulé largement après le XIe siècle, donnant à ce texte une force que l’auteur lui-même n’avait pas l’intention de transmettre.

Ainsi, Daniel E. Doyle, dans une encyclopédie de près de 1000 pages consacrée à la théologie de saint Augustin, commente ce passage en affirmant : « Augustin n’a jamais concédé que Marie n’avait aucun péché, mais il préféra passer au-dessus de la question89. » Selon cette interprétation, lorsque Augustin exempte Marie de la liste, il ne concède pas qu’elle n’avait aucun péché, mais plutôt il évite le sujet. La raison qu’il avance est « par honneur pour le Seigneur » : par considération pour le Christ, il préfère ne pas parler de la Vierge lorsqu’il est question des péchés. Cette interprétation est soutenue par de grands augustiniens, dont Robert Eno90, le médiéviste jésuite Roland Teske, traducteur récent de toutes les œuvres anti-pélagiennes d’Augustin91, Gerald Bonner, l’un des plus célèbres biographes de saint Augustin92, William J. Collinge, professeur catholique de théologie et éditeur d’une traduction d’une collection d’écrits antipélagiens d’Augustin93 ou encore Romel Quintero pour le site Agustinismo Protestante, partenaire de notre site94. Mais, à notre sens, c’est un auteur bien moins connu, le jeune théologien réformé polonais Damian Dziedzic, qui a le mieux défendu cette lecture95. Toutefois, comme notre article entend simplement discuter de l’Immaculée Conception et que, dans ce débat, les deux côtés s’accordent à dire que saint Augustin n’y adhère pas, nous reportons à un autre article cette question.

Il apparaît donc qu’Augustin ne concevait pas qu’un autre que le Christ ait été conçu sans péché. Francisco Moriones, augustinien catholique, note que la théologie d’Augustin implique que les péchés actuels et le péché originel vont ensemble96. C’est la raison pour laquelle l’interprétation de l’augustinien Daniel E. Doyle est cohérente avec l’ensemble de théologie d’Augustin et qu’il est plus prudent de lire ce texte qui trouble les augustiniens à la lumière des autres textes forts clairs et qui ne font pas débat. Si toutefois Doyle avait tort, cela impliquerait simplement que saint Augustin croyait que Marie avait pu vivre sans péché actuel, quoique conçue comme nous tous dans le péché. Cela ne ferait donc pas du docteur d’Hippone un soutien pour l’Immaculée Conception, ce qui est clair lorsque, aux citations précédentes, on ajoute encore celles qui suivent :

Ne t’avise pas de penser qu’il y ait une seule âme, à l’exception de celle du Médiateur, qui n’hérite pas d’Adam le péché originel, acquis par génération, dont il faut se débarrasser par la régénération97.

Augustin, Lettre à Optat, 202a.

Ainsi, le spécialiste catholique en mariologie Peter Stravinskas reconnait : 

Augustin croyait qu’elle se trouvait sous la domination du péché originel.

Peter M. Stravinskas, The Catholic Answer Book of Mary98.

Ces points établis, il nous faut admettre que depuis l’heure où le péché par un seul homme est entré dans ce monde, et par le péché la mort aussi, laquelle a passé dans tous les hommes, depuis lors jusqu’à la fin de cette génération charnelle et de ce siècle corruptible dont les enfants engendrent et sont engendrés, il n’existe aucun homme dont on puisse dire avec vérité, tant qu’il est dans cette vie présente, qu’il soit absolument exempt de tout péché. Seul il fait exception, celui qui est notre unique Médiateur, et qui nous réconcilie avec notre Créateur, grâce à la rémission des péchés.

Augustin, Des mérites, de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, livre II, ch. XXIX, 4799.

Retenons donc, immuable et inflexible, la confession de la foi. Seul il est exempt de péché, celui qui est né sans péché, bien que dans la ressemblance d’une chair de péché, celui qui a vécu sans péché parmi les péchés d’autrui, celui qui est mort sans péché pour nos péchés. « Ne nous écartons ni à droite ni à gauche ». On s’écarte à droite quand, se trompant soi-même, on ose se dire exempt de péché ; on s’écarte à gauche quand, obéissant à je ne sais quelle sécurité coupable et misérable, on s’abandonne au péché comme si on était sûr de l’impunité. « Les voies de droite sont connues du Seigneur », qui seul est sans péché et seul peut effacer nos péchés.

Augustin, Des mérites, de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, livre II, ch. XXXV, 5799.

C’est pourquoi, nul homme vivant ne sera justifié devant Dieu, et cependant le juste vit par la foi ; et les saints sont revêtus de justice, l’un plus, l’autre moins ; et personne ici-bas ne vit sans péché, les uns plus, les autres moins : le meilleur est celui qui pèche le moins.

Augustin, Épître 167 à Jérôme, 3100.

La conclusion la plus évidente à tirer, c’est que, à l’exception de la chair de Jésus-Christ, toute chair de l’homme est une chair de péché. Il suit de là que le moyen de transmission du mal dans le genre humain, c’est bien cette concupiscence dans laquelle le Christ n’a pas voulu être conçu. Oui, sans doute, le corps de Marie avait été formé par la voie ordinaire, cependant il n’a pu transmettre au corps de Jésus-Christ un mal dans lequel il n’avait pas conçu ce même corps du Sauveur.

Augustin, Contre Julien I, V, 52.

Et quoi de plus vierge que le sein de la Vierge, dont la chair, même si elle provenait de la propagation du péché, ne concevait pas pour autant de la propagation du péché ? […] Le corps du Christ a donc bien été assumé à partir de la chair d’une femme qui avait été conçue à partir de cette propagation de la chair du péché ; mais parce qu’il n’y a pas été conçu lui-même de la même manière que cette chair avait été conçue, sa chair, loin d’être corrompue par le péché, n’en a pris que la ressemblance101.

Augustin, De la Genèse au sens littéral, X, XVIII, 32.

Edmund Hill, récent traducteur en anglais de cet ouvrage d’Augustin, commente à propos de la citation qui précède : « La doctrine de l’Immaculée Conception de Marie n’avait même pas commencé à être formulée à l’époque d’Augustin102. »

Si nous ne livrons pas Marie au diable, ce n’est pas à cause de la condition de sa naissance, mais nous ne le faisons pas précisément parce que cette condition est supprimée par la grâce de la renaissance103.

Augustin, Deuxième livre contre Julien inachevé, IV, 122104.

Dans le texte qui précède, Augustin argumente en faveur de l’existence du péché originel contre Julien, et il prend pour exemple la Vierge Marie, en disant que lorsqu’on ne la considère pas comme appartenant au démon, ce n’est pas en raison de sa naissance (et donc ce n’est pas parce qu’elle échapperait au péché originel) mais en raison de sa renaissance, sa régénération. Reynolds, auteur catholique romain, dit qu’après avoir offert dans cet écrit un argument sophistiqué contre l’idée que Marie ait pu être sans péché originel, Augustin conclut que « Marie était, comme tous les humains, sous la domination du démon avant l’action de la grâce de Dieu105». Le père Athanase Sage, prêtre catholique, traducteur et biographe de saint Augustin, dit à propos de cette citation : « Dans l’Opus imperfectum, saint Augustin précisera que la Vierge, comme tous les autres fidèles, doit à sa renaissance dans le Christ d’avoir été délivrée de sa condition adamique106. » L’érudit catholique Peter Fehler affirme, à propos du même passage : « La réponse [d’Augustin] à ce point spécifique ne dit pas que Marie est sans tache dès la conception […] Il écrit : « Nous ne livrons pas Marie au diable par la condition de sa naissance ; pour cette raison, que sa condition même trouve une solution dans la grâce de la renaissance. »107 »

Marie, descendante d’Adam, est morte à cause du péché. Adam est mort à cause du péché, et la chair du Seigneur, issue de Marie, est morte pour abolir les péchés108.

Augustin, Exposition des Psaumes, XXXIV, II, 3109.

Quel contraste avec l’attitude du pape Pie V qui condamna la proposition « seul le Christ était exempt du péché originel et, par conséquent, la Sainte Vierge est morte à cause du péché contracté en Adam110» !

Et, pour conserver une des plus claires pour la fin, Augustin affirme que Jésus est né d’une chair maternelle pécheresse, qu’il a dû purifier :

C’est pourquoi lui seul, devenu homme tout en restant Dieu, n’a jamais commis de péché et n’a pas non plus assumé une chair de péché, bien qu’il soit né d’une chair maternelle de péché. Car ce qu’il a pris de notre chair en ce sein de Marie, il l’a certainement purifié pour l’y prendre, ou l’a purifié en l’y prenant111.

Augustin, Des mérites, de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, livre II, ch. XXIV, 38.

Qu’entendait-il par « chair de péché » ? Ses autres écrits le disent clairement : « Dans la chair de péché il y a la mort et le péché ; dans la ressemblance de la chair de péché il y eut la mort, non le péché112. » ; « Quelles sont les propriétés de la chair de péché ? La mort et le péché. Quelle fut la propriété de la ressemblance de la chair de péché ? La mort sans le péché113. »

Cette purification du péché dans l’incarnation se retrouve encore dans l’énigmatique Summa Sententiarum (1138) et chez son vraisemblable auteur, Hugues de Saint-Victor (1096-1141)114 sous l’influence de saint Augustin88. Pour Augustin, une telle purification ne peut avoir lieu qu’après la naissance : pour renaître, dit-il, il faut déjà être né et seul le Christ n’a pas besoin de renaître, en raison de la façon dont il est né115.

Augustin et Ambroise semblent d’une seule pensée : aucune âme, excepté Christ, n’est indemne du péché originel. La raison donnée pour l’impeccabilité du Christ (son immaculée conception !), à savoir la conception virginale, ne peut pas s’appliquer à Marie qui n’est pas née d’une vierge. Celle-ci, contrairement au Christ, est issue de la propagation du péché, elle est morte à cause du péché. Ainsi, que l’on conclue ou non au fait qu’ils concevaient que Marie ait vécu sans péché, ce qui est débattu parmi les augustiniens, on ne peut pas penser qu’ils conçoivent qu’une autre âme que celle de celui qui est né d’une vierge soit sans péché originel. C’est pourquoi, comme le rapporte Reynolds, une majorité d’érudits considère que saint Augustin n’exempte pas Marie du péché originel116. Ainsi, le père Athanase Sage que nous citions plus tôt affirme : « Saint Augustin n’a pas envisagé le dogme de l’immaculée Conception de la Vierge117. » C’est au point qu’Edmund Hill pense que l’Immaculée Conception a été formulée en opposition à la doctrine augustinienne sur la transmission du péché originel118, ce qui n’est pas invraisemblable quand on considère que Duns Scot, le premier théologien à défendre l’Immaculée Conception comme nous le verrons, consacre une section de son propos à réfuter la théorie augustinienne de la propagation du péché originel119. Trois autres pères affiliés à Augustin vont nous permettre de confirmer cette compréhension.

Ambrosiaster (360 environ)

Ambrosiaster est un auteur inconnu longtemps confondu avec Ambroise et, pour cette raison, ayant joui d’une autorité considérable. Premier commentateur latin de l’ensemble des épîtres de Paul, il influença considérablement Augustin notamment sur la question du péché originel, comme le note Dongsun Cho dans un article sur la justification par la foi seule chez Ambrosiaster120. En commentant Romains 8.3, il affirme comme Augustin que le Saint-Esprit a dû purifier la chair que le Seigneur a assumé pour s’incarner :

La chair du Seigneur a, en effet, été purifiée par l’Esprit saint.

Ambrosiaster, Commentaires sur les épîtres de Paul121.

Nous reviendrons sur cette notion de purification lorsque nous traiterons de Pierre Lombard, dont les éditeurs citent Ambrosiaster comme exemple de rejet patristique de l’Immaculée Conception.

Dans une œuvre, qui a été attribuée à Augustin cette fois-ci et que Thomas d’Aquin cite comme étant d’Augustin, Ambrosiaster reprend l’exégèse grecque du glaive dans la prophétie de Siméon :

Quant à ce que Siméon ajoute : Et l’épée te transpercera l’âme, afin que se révèlent les pensées cachées au fond des cœurs d’un grand nombre (Luc 2, 35), cela indique que Marie, dans le sein de laquelle s’est opéré le mystère de l’incarnation, a eu quelques doutes à la mort de Notre-Seigneur, mais des doutes que l’éclat de la résurrection et la puissance du Sauveur ont bientôt transformés en une foi ferme et inébranlable. À la mort du Sauveur, tous, sous l’impression d’effroi, ont laissé le doute pénétrer dans leur âme. Mais ils n’ont pas persévéré dans le doute. Le glaive ne traverse l’âme que si le doute ne demeure pas dans la pensée ; mais il en sort par la force de l’âme, qui reprend ses droits. Qui n’aurait pu douter, en voyant humilié jusqu’à la mort celui qui se disait le Fils de Dieu ? Mais, comme je l’ai dit, la résurrection du Sauveur devait dissiper tout doute ; c’est pourquoi il est dit que l’épée traversera et non qu’elle frappera le cœur.

Ambrosiaster, Questions sur l’Ancien et le Nouveau Testament, Question 73122.

Hilaire de Poitiers (315-367)

En tant que commentateur latin des épîtres de Paul précédent Augustin, Hilaire de Poitiers tient une place de choix comme influence sur le docteur d’Hippone. Dans un article publié à Cambridge et s’intitulant « La justification par la foi : une doctrine patristique123», D. H. Williams, traducteur du commentaire de Hillaire sur Matthieu, note en particulier que Hilaire a précédé Augustin dans la formulation de la doctrine du péché originel, parlant de la « faute de nos origines124». En commentant les Psaumes à propos de la sévérité du jugement divin et faisant référence au cantique de Siméon, il s’exclame :

Si cette vierge, rendue capable de concevoir Dieu, connaîtra la sévérité de ce jugement, qui osera s’en échapper125?

Hilaire de Poitiers, commentaire sur le Psaume 118126.

Pour Hilaire, comme pour Ambroise et Augustin, Jésus-Christ a échappé au péché originel parce qu’il est né d’une Vierge :

En effet, le Christ avait bien un corps, mais unique, comme le veut son origine. Il n’est pas né des passions propres à la conception humaine : Il a pris la forme de notre corps par un acte de sa propre puissance. Il a porté notre humanité collective sous la forme d’un serviteur, mais il était exempt des péchés et des imperfections du corps humain : afin que nous soyons en lui, parce qu’il est né de la Vierge, et que nos fautes ne soient pas en lui, parce qu’il est la source de sa propre humanité, né en tant qu’homme, mais non pas né sous les défauts de la conception humaine.

Hilaire de Poitiers, De Trinitate, Livre X, 25127.

Ce corps était réellement et effectivement un corps, puisqu’il était né de la Vierge ; mais il était au-dessus de la faiblesse de notre corps, parce qu’il avait son origine dans une conception spirituelle.

Hilaire de Poitiers, De Trinitate, Livre X, 35128.

Ainsi, un récent article académique sur Hilaire de Poitiers conclut :

L’idée que nous en héritons par la conception ou la naissance correspond à sa doctrine selon laquelle l’absence de péché du Christ est due à la naissance virginale.

Isabella Image, Original Sin.129.

Fulgence de Ruspe (462-527)

Fulgence est un autre père important à considérer, non pas parce qu’il aurait influencé saint Augustin, mais parce qu’il est influencé par lui et chronologiquement proche de lui. Or, voici comment il s’exprime sur le sujet qui nous intéresse :

C’est par cette grâce que Dieu (qui est venu enlever les péchés parce qu’il n’y a pas de péché en lui) a été conçu à partir d’une chair pécheresse et est né en tant qu’homme à la ressemblance d’une chair pécheresse. Certes, la chair de Marie avait été conçue dans l’iniquité, selon la pratique humaine, et donc sa chair (qui a donné naissance au Fils de Dieu à la ressemblance d’une chair pécheresse) était effectivement pécheresse. […] Lorsqu’on dit qu’en vérité la ressemblance de la chair pécheresse est dans le Fils de Dieu, ou plutôt que le Fils de Dieu est dans la ressemblance de la chair pécheresse, il faut croire que le Dieu unique n’a pas pris la souillure du péché dans la chair mortelle de la Vierge, mais qu’il a reçu la pleine réalité de sa nature pour que surgisse de la terre la source de la vérité, celle que le bienheureux David annonce dans une parole prophétique, en disant : La vérité a jailli de la terre. C’est donc en toute vérité que Marie a conçu Dieu le Verbe, qu’elle a porté dans une chair de péché que Dieu a accueillie130.

Fulgence de Ruspe, Épître XVII, 13131.

Pseudo-Augustin

L’Hypomnesticon, un traité antipélagien qui a été, jusqu’à la Réforme, attribué à saint Augustin mais qui provient vraisemblablement d’un autre auteur africain plus tardif, réitère l’affirmation selon laquelle la chair du Christ est à notre ressemblance mais sans péché « parce qu’elle est n’est pas né de la passion comme nous, mais par le souffle mystique du sein d’une vierge132». Cela constitue un autre témoin patristique, s’il en fallait, pour le lien entre conception sans péché et conception virginale.

Jérôme de Stridon (347-420)

Après ce détour chronologique se concentrant sur Augustin et les auteurs qui lui sont associés, reprenons notre fil.

Traducteur de la Vulgate qu’il n’est plus nécessaire de présenter, Jérôme ne traite pas aussi directement de notre sujet dans ses écrits que les autres auteurs que nous avons considérés. Toutefois, il fait plusieurs remarques qui entrent en conflit avec l’Immaculée Conception. Dans une lettre de 415 à propos de l’hérésie de Pélage, Jérôme répond à l’idée pélagienne qu’un être humain autre que le Christ peut être sans péché. Ce faisant, l’argument qu’il utilise aurait peu de sens s’il considérait que la Vierge Marie était aussi sans péché, puisqu’il dit que cela appartient au Christ en propre (proprium) :

L’absence de péché est la caractéristique du Christ, qui n’a pas commis de péché et dont la bouche n’a pas été entachée d’impureté. Mais si je suis sans péché aussi bien que lui, comment l’absence de péché peut-elle encore être sa marque distinctive ?

Jérôme, Lettre 133133.

La question rhétorique se retourne contre l’Immaculée Conception : si elle est sans péché aussi bien que lui, comment l’absence de péché peut-elle encore être sa marque distinctive ?

Dans une autre lettre, il affirme que Jésus est le seul homme sans péché134 et dans son traité contre les pélagiens que les hommes ne peuvent pas être sans péché car Dieu seul l’est, une raison qui ne convient pas à Marie135. Commentant ce dernier passage, l’historien Philip Schaff relève :

Jérôme enseignait l’universalité du péché sans aucune exception, Adv. Pelag. ii, 4.

Philip Schaff, History of the Christian Church136.

Jean Cassien (360-435)

Reynolds mentionne encore Jean Cassien (360-435) comme père suivant Augustin sur ce point. En effet, il affirme qu’« être sans péché est quelque chose qui lui est propre » ; qu’il est « séparé d’une grande distance de tous ceux qui sont conçus par l’union des deux sexes en ce qu'[ils] port[ent] non seulement la ressemblance du péché mais la réalité du péché dans la chair137» que « c’est une chose d’être saint, une autre d’être sans péché, ce qui n’appartient qu’à la majesté de notre unique Seigneur Jésus-Christ duquel l’apôtre affirme, comme quelque chose qui lui est propre : lui qui n’a pas péché138».

Eusèbe de Gaule, évêque français (450 environ)

Eusèbe, évêque français dont nous savons fort peu de choses, et dont l’attribution est douteuse, offre cette remarque dans une homélie :

Car la mère même de notre Rédempteur n’est pas d’elle-même exempte de l’obligation du péché antique139.

Eusèbe, Deuxième homélie sur la Nativité.

Arnobe le Jeune (450 environ)

Dans un commentaire dédié à Rustique de Narbonne et Léonce d’Arles, Arnobe le Jeune compare Jésus à tout autre homme. Ce faisant, il note que Jésus a purifié le tabernacle qu’est Marie en y entrant :

Toute personne impure entre dans le tabernacle du Seigneur et est ainsi rendu immaculée. Mais Jésus, qui est seul immaculé, étant entré dans le court virginal, libéra ce tabernacle lui-même de ses impuretés charnelles et donna plutôt que reçut, la sanctification140.

Arnobe le Jeune, Commentaire du Psaume 14 ; PL 53.

Pierre Chrysologue (380-450)

Pierre de Ravenne, célèbre prédicateur, explique lui aussi la conception immaculée du Christ par sa conception virginale :

Le Christ est venu habiter la chair mais dans le sein d’une vierge afin qu’il ne contractât rien de la souillure du corps humain.

Pierre Chrysologue, Sermon XV.

Maxime de Turin (380-465)

Saint Maxime, premier évêque de Turin et auteur prolifique, s’exprime ainsi dans ses sermons :

C’est la première fois depuis que le monde existe qu’il m’arrive de voir naître un homme qui n’ait rien du vice de l’homme.

Maxime de Turin, Homélie XXXVII.

Le Fils de Dieu délivre seul les pécheurs parce que seul il est libre du péché.

Maxime de Turin, Homélie XL.

Le jésuite Denis Pétau, pourtant favorable à l’Immaculée Conception, affirme que Maxime de Turin attribue par ailleurs des fautes actuelles à Marie141.

Une homélie de Maxime de Turin est couramment invoquée en faveur de l’Immaculée Conception dans laquelle Maxime parle d’une « grâce originelle »142. Ineffabilis Deus y fait allusion. Il faut dire premièrement que le contexte traite de la virginité de Marie et non de son rapport au péché et encore moins de sa conception. Mais surtout, cette variante présente dans la Patrologia Latina de 1862 ne se trouve plus dans les éditions critiques les plus récentes de l’homélie comme le Corpus Christianorum Series Latina de 1962143. Le texte original mentionnait en effet une « grâce virginale » et non une « grâce originelle », les mots latins étant aisément confondus l’un par l’autre (originali/virginali). Il est donc traduit ainsi dans les publications les plus récentes144. Ce texte n’étant pas authentique, il ne doit donc plus être invoqué par les défenseurs de l’Immaculée Conception. Par ailleurs, ce texte est classé comme dubius, extravagantes c’est-à-dire que l’attribution à Maxime de Turin est douteuse145.

Ferrand de Carthage (?-547)

Ferrand de Carthage était un diacre et théologien reconnu, il joua un certain rôle dans l’affaire des Trois Chapitres, une controverse autour du concile de Chalcédoine. Questionné à ce propos par deux diacres romains, il leur écrivit une épître dans laquelle se trouve l’extrait qui suit :

Ainsi la chair du Christ est elle à la fois semblable et dissemblable à la chair de Marie. Semblable, parce qu’elle prit son origine en elle ; dissemblable, parce qu’elle ne contracta pas d’elle l’infection d’une origine viciée. Sembable, parce qu’elle souffrit de vraies infirmités toutefois, quoi que volontairement ; dissemblable, parce qu’elle ne commit aucune iniquité, ni volontairement, ni par ignorance. Semblable, parce qu’elle était passible et mortelle ; dissemblable, parce elle était immaculée et vivifiante, rendant même la vie aux morts. Semblable en nature, dissemblable en mérite. Semblable en apparence, dissemblable en perfection. Semblable car à la ressemblance de la chair pécheresse146.

Ferrand de Carthage, Épître III à Anatole, 4.

Isidore de Séville (560-636)

Le grand docteur hispanique considère aussi que c’est en raison de la conception virginale que le Christ est exempt du péché originel, raison qui ne tient pas pour Marie :

[Le péché originel] ne fut pas créé avec l’homme, mais est venu à lui comme salaire de sa première transgression ; mais désormais cela fait partie de la nature car, tout comme la mort, cela est transmis en raison de l’origine, du premier homme et tous les autres. Christ, sous la forme d’un serviteur, en raison de l’excellence de sa conception, est le Seigneur de tous ; parce que, bien qu’il prît chair, il ne la prit pas de la contagion passionnée de la chair.

Isidore de Séville, De ecclesiasticis officiis, I, 26147.

Bède le Vénérable (672-735)

Bède le Vénérable, quant à lui, dit que l’Esprit eu deux actions miraculeuses à l’Annonciation : il purifia Marie de toute « folie du vice148 et il forma Jésus en son sein. Bède affirme, par ailleurs, que Jésus a pris chair « d’une chair de péché » (de carne peccatrice), que naître saint lui est propre (singulariter) parce qu’il est conçu d’une vierge149.

Paul Diacre (720-799)

Notre survol de la littérature patristique nous amène à mettre un pied dans la période médiévale avec Paul Diacre, moine bénédictin qui dans un sermon portant justement sur la purification de la Vierge, déclare :

Car le reste de l’humanité, donc, est né dans le péché originel. Mais le Seigneur Jésus-Christ, parce qu’il fut conçu sans la semence d’un homme, et sans volupté charnelle, dans le sein d’une vierge, par la coopération de l’Esprit saint, est né sans péché.

Paul Diacre, Homélie 57, Sur la purification de la Vierge Marie150.

Comme souvent chez les Pères, la conception sans péché du Christ est expliquée par la conception virginale.

Autres pères latins

Reynolds affirme qu’Ildephonse de Tolède parle d’elle comme immaculée, mais que cela ne permet pas de conclure qu’il adhérait à l’Immaculée Conception puisqu’il mentionne par ailleurs une purification de la Vierge lors de l’Annonciation. « Immaculée », en effet, peut faire référence à la simple virginité de Marie, à sa sainteté relativement aux autres ou à sa sainteté dans un sens absolu ; nous reviendrons sur ce point. Même dans ce dernier sens, toutefois, les pères qui parlent de Marie comme immaculée le font en considération du fait qu’elle a été purifiée pour l’être, comme le note Reynolds. Des pères peuvent d’ailleurs tout à la fois qualifier Marie d’Immaculée et lui attribuer des fautes actuelles, la référence étant alors probablement à sa virginité immaculée. Le mariologue catholique Paul Haffner commente ainsi l’avis des pères latins : 

En Occident, de nombreux Pères et docteurs croyaient à la sainteté parfaite de Marie et à l’absence de tout péché personnel en elle, en raison de sa dignité de Mère du Seigneur. Néanmoins, ils ne pouvaient pas comprendre comment l’affirmation d’une conception immaculée pouvait être conciliée avec la doctrine de l’universalité du péché originel et la nécessité de la rédemption pour tous les descendants d’Adam.

Paul Haffner, The Mystery of Mary151.

Les papes

Parmi les évêques de Rome durant l’Antiquité, que les catholiques romains considèrent à tort comme des papes, plusieurs traitent de ce sujet. L’évêque de Rome n’était pas alors considéré comme ayant juridiction immédiate sur les paroisses du monde entier et, l’un d’eux, Grégoire de Rome, déclare même : « Or, j’affirme que quiconque se nomme ou désire être appelé évêque universel est, dans son exaltation, le précurseur de l’Antéchrist, parce qu’il se place orgueilleusement au-dessus de tous les autres152. » Considérons donc ce que ces « papes » ont à dire sur ce sujet.

Léon le Grand (390-461)

Notre Seigneur et destructeur du péché n’en a trouvé aucun qui fût sans dette, et il est donc venu tous nous libérer. […] Ce que nous lisons à propos de toutes les autres nativités est véritablement étranger à celle-ci : Personne n’est exempt de tache, pas même le nourrisson qui n’a vécu qu’un seul jour sur la terre [Job 14,4-5, selon la Septante]. Il n’y a donc rien de la convoitise de la chair qui soit passé dans cette nativité sans pareille, rien de la loi du péché qui y soit entré.

Léon le Grand, Premier sermon sur la Nativité (ou sermon XXI), I153.

Et pour qu’il en soit ainsi, sans semence masculine, le Christ a été conçu d’une Vierge, qui a été fécondée non par des rapports humains, mais par l’Esprit saint. Et tandis que chez toutes les mères la conception ne se fait pas sans tache de péché, celle-ci a reçu la purification de la source de sa conception154.

Léon le Grand, Deuxième sermon sur la Nativité (ou sermon XXII), III.

En effet, la terre de chair humaine, maudite par le premier transgresseur, n’a produit qu’en ce rejeton de la sainte Vierge, une semence bénie et exempte de la faute originelle.

Léon le Grand, Sermon XXIV, 3153.

Alors que, par la condition dans laquelle nous naissons, il y a une seule cause de perdition pour tous. Ainsi, parmi les fils des hommes, le Seigneur Jésus seul est né innocent, car lui seul a été conçu sans la pollution de la concupiscence charnelle155.

Léon le Grand, Cinquième sermon sur la Nativité (ou sermon XXV), V.

C’est pourquoi, dans la ruine générale de toute la race humaine, il n’y avait qu’un seul remède, dans le secret du plan divin, pour venir en aide à ceux qui étaient tombés, et c’était que l’un des fils d’Adam naquît libre et innocent de la transgression originelle, pour prévaloir pour les autres à la fois par son exemple et par ses mérites. Par ailleurs, la génération naturelle ne le permettait pas, et il ne pouvait y avoir de descendance sans semence à partir de notre souche défectueuse, à propos de laquelle l’Écriture dit : « Qui peut faire concevoir une chose pure à partir d’une semence impure ? N’est-ce pas toi seul ? »

Léon le Grand, Sermon XXVIII, 3153.

Léon, à la suite de bien d’autres pères, établit un lien entre la naissance virginale et la naissance sans péché du Christ et il exclut tous les autres de l’un comme de l’autre car la génération naturelle ne permet pas d’engendrer sans péché. Il affirme par ailleurs lui aussi qu’elle a été purifiée à l’incarnation156.

Dans son Tome à Flavien, qui n’est pas un enseignement privé mais un traité doctrinal écrit pour réfuter la doctrine d’Eutychès, il s’exprime comme suit :

Celui qui ne pouvait être enfermé dans l’espace, voulut l’être ; continuant d’être avant les temps, il commença d’exister dans le temps ; le Seigneur de l’univers se laissa couvrir de sa majesté infinie, et prit sur lui la forme d’un serviteur ; le Dieu impassible ne dédaigna pas d’être l’Homme passible, et l’immortel d’être soumis aux lois de la mort. Il est né d’une manière nouvelle, car la virginité inviolée, ignorant la concupiscence, a fourni la matière de sa chair : de la mère du Seigneur est assumée la nature, mais non la faute (assumpta est igitur de matre Domini natura, non culpa) ; et le caractère merveilleux de la nativité de notre Seigneur Jésus-Christ, né du sein d’une Vierge, n’implique pas que sa nature soit différente de la nôtre.

Léon le Grand, Tome à Flavien, 4.

Cette lettre est particulièrement importante, au-delà du fait que son texte est clair, car elle a été lue lors du concile œcuménique de Chalcédoine et été approuvée formellement comme conforme à la vérité :

Après la lecture de l’épître précédente, les très révérends évêques se sont écriés : Telle est la foi des pères, telle est la foi des apôtres. C’est ce que nous croyons tous, c’est ce que croient les orthodoxes. Anathème à celui qui ne croit pas ainsi.

Canons du concile de Chalcédoine, Session II.

En plus de concile de Constantinople III qui a « canonisé » l’épître synodale de l’évêque de Jérusalem, affirmant une purification de la Vierge, le concile de Chalcédoine a fait de même avec une épître de Léon parlant d’une faute en Marie n’ayant pas été transmise grâce à la conception virginale. Notons donc qu’il s’agit de l’enseignement d’un évêque de Rome, dans un document doctrinal, approuvé par un concile œcuménique.

Gélase (?-496)

Il n’appartient qu’à l’Agneau immaculé de n’avoir point de péché du tout157.

Gélase, Liber contra Pelagium158.

Grégoire le Grand (540-604)

En effet, bien que nous soyons saints, nous ne sommes pas nés saints, parce que nous sommes liés par la simple constitution d’une nature corruptible, au point de dire avec le prophète : Voici, j’ai été formé dans la méchanceté, et c’est dans le péché que ma mère m’a conçu [Psaume 51,5]. Mais seul est vraiment né saint celui qui, pour mieux tirer parti de cette même constitution d’une nature corruptible, n’a pas été conçu par le concours d’une conjonction charnelle159.

Grégoire le Grand, Exposition du livre de Job, XVIII160.

Il peut être dit à propos de ce texte que le bienheureux Job, contemplant l’incarnation du Rédempteur, vit que cet homme seul dans tout le monde ne fut pas conçu d’une semence impure, lui qui advint dans le monde par une vierge de telle sorte qu’il n’ait rien à faire avec une conception impure. Car il ne procède pas de l’homme et de la femme, mais du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. Lui seul, donc, était vraiment pur dans sa chair.

Grégoire le Grand, Exposition du livre de Job, XI161.

Grégoire, comme Léon, voit un lien entre la conception immaculée du Christ et la conception virginale. Il mentionne lui aussi une purification à l’Annonciation69.

Jean IV, le Dalmate (580-642)

Jean le Dalmate était évêque de Rome lui aussi. Bède le Vénérable, dans son Histoire ecclésiastique, nous rapporte les paroles qui suivent :

En premier lieu, c’est une folie blasphématoire de dire que l’homme est sans péché, ce que nul ne peut être, si ce n’est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, qui a été conçu et est né sans péché ; car tous les autres hommes, nés dans le péché originel, sont connus pour porter la marque de la transgression d’Adam, et ce lors même qu’ils sont sans péché réel, selon la parole du prophète : Car voici, j’ai été conçu dans l’iniquité, et c’est dans le péché que ma mère m’a enfanté162.

Jean IV le Dalmate, cité par Bède le Vénérable dans son Histoire ecclésiastique, II, 19163.

Christ seul est sans péché

Plusieurs autres textes des Pères n’ont pas été cités, parce qu’ils ne traitent pas directement de Marie, mais demeurent intéressants quoique non conclusifs pris isolément. Une vérité proclamée tout au long de l’ère patristique, c’est en effet que Jésus-Christ seul fut sans péché. Voici quelques pères l’affirmant, outre les citations déjà parcourues :

Vous avez mis en croix le seul juste, le seul innocent, celui dont les blessures guérissent l’homme qui veut, par lui, aller à Dieu son père.

Justin Martyr, Dialogue avec le juif Tryphon, XVII164.

Et qui d’autre est parfaitement juste en dehors du Fils de Dieu, qui rend parfaitement justes ceux qui croient en sa mort ?

Irénée de Lyon, Démonstration de la prédication apostolique, 72165.

Ainsi le mal de l’âme, outre celui qui est semé après coup par l’arrivée de l’esprit malfaisant, a sa source antérieure dans une corruption originelle, en quelque façon inhérente à la nature. […] parce que Dieu seul est sans péché, et que le Christ est le seul homme sans péché, attendu que le Christ est Dieu. 

Tertullien, De l’âme, 41166.

Car ce Verbe duquel nous parlons est le seul à être sans péché. Car le péché est naturel et commun à tous.

Clément d’Alexandrie, Le pédagogue, III, 12167.

Lui seul est sans péché, ce Jésus qui nous purifie de nos péchés.

Cyrille de Jérusalem, Catéchèses baptismales, II, 10.

Être sans péché convient de manière singulière à la majesté de notre Seigneur Jésus-Christ seul, duquel l’apôtre dit comme d’une qualité qui lui est propre et spécifique : « lui qui n’a pas péché168».

Théonas d’Alexandrie, Ap. Cassian. Collat. I, 22, IX.

C’est ceci, la chair semblable ; car bien que la chair de Christ soit la même que la nôtre, elle ne fut toutefois pas produite dans le sein maternel et née comme la nôtre. Car elle fut sanctifiée dans le sein maternel et fut née sans péché, il ne pécha pas non plus en elle. Et c’est à cette fin qu’un sein vierge fut choisi pour donner naissance à notre Seigneur, afin que la chair de notre Seigneur différât de la nôtre par sa sainteté169.

Saint Hilaire le Diacre, Commentaire sur Romains 8, 3.

En vérité est il appelé « éminent », car il est le seul que les liens du péché n’aient pas atteint. Tous en effet étaient dans ces liens, nous y sommes encore, car personne n’est sans péché, si ce n’est Jésus seul170.

Ambroise, Sermon VI à propos du Psaume 118, 21.

Car le Seigneur seul est pur.

Épiphane de Constance, Haer 59, VI171.

C’est lui seul qui n’a pas péché, lui qui ôta les péchés du monde.

Rufin d’Aquilée, Commentaire du Symbole des apôtres, XXV172.

Lui qui était le seul sans péché, mourut pour les pécheurs.

Nilus moine de Constantinople, Épître 329153.

Cette affirmation est si courante que Edward Bouverie Pusey liste plus de cent docteurs qui affirment des choses similaires173. On pourrait encore compiler les Pères qui affirment que ceux nés de l’union sexuelle sont tous corrompus ou tous ceux qui établissent un lien entre la conception sans péché et la conception virginale, mais l’article n’aurait pas de fin.

Conclusion sur les pères

Pour revenir brièvement sur les pères grecs, Reynolds note qu’à la fin de l’ère patristique, trois auteurs grecs exaltent Marie en termes très élogieux. Germain de Constantinople (?-730), en se fondant sur l’apocryphe qu’est le Protévangile de Jacques, dit que Joachim, le prétendu père de Marie, a émis une semence pure sans que le sens puisse être précisé174. Cette formulation se retrouve chez Damascène qui croit pourtant à une purification lors de l’Annonciation. André de Crète (660-740) parle de la conception de la Vierge comme miraculeuse, mais il peut s’agir, puisqu’il fait référence au même apocryphe, au fait que sa mère Anne aurait conçu alors qu’elle était stérile. Il dit encore que Marie fut la première à être libérée du péché originel, ce qui n’est pas la même chose qu’en être préservée175. Il dit qu’à la venue de l’Esprit sur Marie la malédiction de la première Ève prit fin176 et compare la purification de Marie à celle du prophète Ésaïe par les braises des séraphins177. Le grand mariologue catholique Luigi Gambero, dans ce qui est l’étude la plus complète de la mariologie patristique par un catholique, note qu’André de Crète croyait à une purification de la Vierge à l’Annonciation178. Jean Damascène (676-749) dit qu’Anne était stérile afin qu’il fût manifeste que la naissance de la Vierge était le fait de la grâce et non de la nature. Toutefois, il affirme par ailleurs qu’elle fut purifiée peu avant l’Incarnation et « après son assentiment179». Il est d’ailleurs cité par Duns Scot et par Thomas d’Aquin comme s’opposant à l’Immaculée Conception, comme nous le verrons180. Un historien catholique affirme ainsi : « Saint Jean Damascène ne parle non plus que d’une sanctification postérieure à la conception181. » Ces trois pères, qui sont à la jonction avec les médiévaux, ne croient toujours pas à l’Immaculée Conception. Ainsi, Reynolds invite à la prudence face à leurs épithètes élogieux envers Marie : nous avons des raisons de penser qu’ils avaient en vue une purification prenant place après la conception, comme la majorité des médiévaux. Par ailleurs, les orthodoxes orientaux qui ne croient pas à l’Immaculée Conception peuvent employer un langage similaire, et ces pères étaient des orientaux. Il est intéressant aussi de mettre en parallèle leur langage avec les liturgiques grecques mentionnant très explicitement une purification de la Vierge à l’Annonciation182. Voici en quels termes une revue grecque orthodoxe réagit à la promulgation du nouveau dogme :

Rome, toujours jeune et fringante, engendre et élève des dogmes nouveaux qui étaient non seulement cachés aux générations anciennes, mais que les Apôtres et les Pères ignoraient entièrement. Il revenait donc au XIXe siècle d’assister à la naissance de ce dogme nouveau, longtemps porté dans le sein du Vatican, véritable rejeton d’une tête infaillible. Les orthodoxes, restés dans la stérilité, et n’ayant que des dogmes antiques à faire valoir, ne sont toutefois pas envieux de cette gloire. […] Car ce dogme est clairement contraire aux écrits apostoliques et à l’enseignement concordant de tous les Pères. Jusqu’où ira cependant cette étrange révision de notre tradition ancestrale ?

Anonyme, Ἱστορία τοῦ παρὰ Λατίνοις νέου δόγματος τῆς ἀσπίλου συλλήψεως τῆς ἁγίας Ἄννης »183.

En bref, nous trouvons chez les pères les positions qui suivent :

  1. Une sainte qui a commis des péchés ;
  2. Une femme qui n’a pas commis de péchés actuels ;
  3. Une femme qui a de plus été purifiée pour pouvoir accueillir le Christ (que cette purification ait eu lieu à l’Annonciation ou avant – qu’elle comporte une purification du péché originel ou non)184.

Ces trois compréhensions, on le voit, ont pour point commun d’être « maculistes », c’est-à-dire de considérer que la Vierge a été touchée par le péché et a potentiellement nécessité une purification. Ces positions ne sont pas strictement incompatibles entre elles : comme on l’a remarqué, Chrysostome croit à la fois à une purification à l’Annonciation et à la présence de fautes actuelles chez Marie. La position qui est à proprement parler absente des premiers siècles, c’est l’Immaculée Conception. L’historien catholique du dogme Henri Klée conclut ainsi son examen : « Les Pères enseignent unanimement l’universalité du péché originel. Il n’y a que Jésus-Christ qui soit né sans péché, parce qu’il n’y a que lui qui soit né d’une Vierge. Quant à la sainte Vierge, ils n’enseignent pas qu’elle ait été conçue sans péché, mais seulement qu’elle a été sanctifiée après sa Conception185. » Guillaume Herzog, autre historien catholique, conclut son examen des Pères grecs en affirmant qu’aucun d’entre eux n’a soutenu l’Immaculée Conception186. Ainsi, un récent colloque du Centre de recherches historiques du CNRS, dédié à l’Immaculée Conception, concluait : « C’est à l’époque médiévale que la croyance selon laquelle la Vierge a échappé au péché originel apparaît. […] Aucun Père de l’Église ne s’est exprimé auparavant en ce sens187. » Ces trois compréhensions patristiques ont en fait plus en commun qu’il ne pourrait le paraître : elles ne font pas échapper Marie à la réalité que les hommes nés d’un père et d’une mère ont tous hérité du péché d’Adam. On remarquera aussi que ces trois positions ne se côtoient pas depuis les débuts de l’Église mais que certaines sont des formulations plus tardives. Enfin, on notera que ces trois positions se retrouvent dans les écrits des Réformateurs.

D’autres pères opposés à cette doctrine n’ont pas été inclus, il suffit de les lister avec la référence du texte en question : Vincent de Gaule (vers 480)188, Olympiodore d’Alexandrie (vers 501)188, Julianus Pomerius (vers 498)189, Pierre le Diacre (vers 521)190, une lettre de Fulgence et 14 autres évêques (vers 521)191, Boèce (vers 510) qui explique comment Jésus a pu prendre chair de Marie sans prendre une nature pécheresse d’elle192, Cassiodore (vers 514)193, Primasius (550)194.

Anonyme de l’entourage du peintre Carlo Maratti, La Vierge de l’Immaculée Conception, représentant notamment Augustin et Grégoire le Grand, qui étaient opposés à l’Immaculée Conception.

Les Docteurs médiévaux

Si notre compréhension des pères est la bonne, la position maculiste devrait bien être présente au Moyen Âge. Examinons donc ce que les docteurs médiévaux ont à nous apprendre à ce sujet.

Paschase Radbert, moine de Corbie (790-865)

Théologien influent, notamment dans les controverses eucharistiques de son siècle, il traita du sujet qui nous intéresse dans son De Partu Virginis :

Marie la bénie elle-même naquit et fut conçue dans une chair de péché195.

Paschase Radbert, De Partu Virginalis, I, 1.

Dans la suite du texte, il explique que le Christ a pu prendre une chair sans péché de la chair de péché de Marie parce que « celui qui prit chair d’une chair de péché, le Verbe qui fut fait chair, la couvrit et sur elle le Saint-Esprit vint.196» Il réitère donc l’enseignement que nous avions déjà identifié chez certains pères, à savoir que Marie fut purifiée à l’Annonciation.

Jean Scot Érigène (800-877)

Célèbre pour sa synthèse philosophique, Jean Scot Érigène n’envisageait pas la philosophie comme indépendante de la théologie. En commentant l’Évangile de Jean, il affirme :

Ainsi, ce péché général est appelé originel, et non pas improprement, car il est le péché notre origine commune à tous, duquel la mort et la corruption de tous découle et duquel tous, sauf le Rédempteur, sont débiteurs ; car notre Rédempteur seulement, de toute la masse de la race humaine, est exempt de péché, afin d’être un remède pour la blessure197.

Jean Scot Érigène, Commentaire de l’Évangile selon Jean, I, i.

Ælfric l’Homéliste (950-1010)

Dans un sermon portant précisément sur l’Annonciation, Ælfric l’Homéliste (longtemps confondu avec Ælfric l’archevêque d’York) affirme :

Tous les hommes sont, comme l’a dit le prophète, conçus et nés dans le péché, mais seul notre Sauveur est conçu et né sans péché.

Ælfric l’Homéliste, Serm. in Annunc. S. Mariae198.

Gérard de Csanád (980-1046)

Evêque et martyr hongrois, moine puis abbé bénédictin, il évangélisa les païens et chamanistes des terres de Hongrie. Dans un sermon, il s’exprime ainsi :

Ô jeune fille bénie qui, conçue dans le péché, fus purifiée de tout péché et engendras un Fils sans péché.

Gérard de Csanád, Sermon sur la Nativité de la bienheureuse Vierge, cité par le cardinal Cajetan, Opusc T. II, Traité 1, de concep. B. M199.

Pierre Damien (1007-1072)

Saint Pierre Damien, docteur de l’Église romaine, archevêque d’Ostie et cardinal, figure selon l’Encyclopédie Catholique parmi les opposants à l’Immaculée Conception. En effet, il s’exprime très clairement à ce sujet :

Considérons que le médiateur lui-même entre Dieu et l’homme tire son origine des pécheurs, et reçut le pain sans levain de la sincérité d’une masse levée, sans aucune infection de l’homme ancien. En effet, pour parler plus clairement, la chair sans péché, qui détruisit les péchés de la chair, procéda de la chair même de la Vierge qui fut conçue dans le péché200.

Pierre Damien, Opuscule VI, 19.

Dans la même œuvre, il affirme qu’un ecclésiastique qui a obtenu son « poste » par simonie peut administrer des sacrements valides et le prouve en disant que la Vierge, pourtant touchée par le péché, a pu engendrer le Fils immaculé201. Or, dans ce genre de démonstration, on utilise ce qui est admis pour prouver ce qui doit l’être. C’est donc que la position maculiste était admise pour Pierre Damien.

Anselme de Cantorbéry (1033-1109)

Le saint évêque de Cantorbéry, Anselme, écrivait ce qui suit en rapport à notre sujet :

Car, bien qu’en elle-même la conception de cet homme (le Christ) soit pure et exempte du péché qui s’attache au plaisir de la chair, la Vierge dont il a été assumé, a cependant été conçue elle-même « dans l’injustice », sa « mère l’a conçue dans le péché », et elle est née avec le péché originel, puisqu’elle aussi a péché en Adam « en qui tous ont péché ».

Anselme, Cur Deus Homo, livre II, ch. XVI202.

Anselme est ici on ne peut plus clair. Anselme dira encore par la suite que Marie fait partie des saints qui ont dû être lavés de leur péché par le Christ avant la venue du Christ. Il précise au chapitre XVII que c’est par la foi qu’elle fut purifiée.

On pourrait répliquer à cet exemple que ce docteur était soumis au pape de Rome et que, par conséquent, son témoignage contre une doctrine romaine est nul. Mais c’est se méprendre sur la nature de l’examen que propose cet article. Il ne s’agit pas de dire : « Anselme niait l’Immaculée Conception, il était donc protestant. » Il s’agit simplement de vérifier l’affirmation selon laquelle cette doctrine a toujours été professée dans l’Église comme dogme révélé.

Euthyme Zigabène (1050-1120)

Euthyme Zigabène, moine, commenta les évangiles, Roger Pearse note qu’il fait un usage abondant de sources patristiques203.

Ayant pris courage, elle chercha à lui faire accomplir un miracle en raison du vin qui manquait. Elle désirait tout à la fois rendre la pareille à ceux qui les avaient invité, et faire étalage de sa propre gloire par le pouvoir de son Fils. Il la réprimanda donc, sans la déshonorer, mais corrigeant sa demande hors de propos. Il dit « femme ? Qu’y a-t-il pour que vous nous exhortiez ainsi ? Pourquoi nous presse-t-elle ainsi ? » Nous pouvons encore comprendre les choses ainsi : Qu’y a-t-il entre toi et moi ? Car, en effet, étant Dieu, il connaissait le temps approprié pour accomplir ses miracles ; mais toi, qui est humaine, tu ne les connais pas.

Euthyme Zigabène, Commentaire sur Jean chapitre 2204.

Euthyme écrivait en grec et avait accès à la tradition grecque plutôt que latine. Il est intéressant de constater qu’alors que l’exégèse méliorative latine identifiée chez Ambroise se poursuit chez les médiévaux latins, la tradition exégétique grecque qui débute avec Origène se poursuit elle aussi chez les médiévaux de langue grecque. Aucune de ces exégèses, néanmoins, ne soutient l’Immaculée Conception.

Bruno de Segni (1045-1123)

Évêque et conseiller de quatre papes consécutifs, saint Bruno affirme en commentant l’Évangile de Luc :

Il s’agit du péché originel duquel, avant l’incarnation du Christ, nul ne fut capable d’être purifié205.

Bruno de Segni, Exposition de l’Évangile de Luc, XXI.

Théophylacte d’Ohrid ( ?-1126)

Théologien bulgare, archevêque d’Ohrid réputé pour ses commentaires bibliques, notamment des évangiles, s’exprime ainsi dans ceux-ci :

La mère voulait montrer quelque chose de tout humain, à savoir qu’elle avait autorité sur son fils : car elle n’avait pas encore des pensées élevées à son propos. C’est pourquoi, alors qu’il parlait encore, elle l’appela, remplie de vaine gloire à l’idée que son Fils lui était soumis. Que fit alors le Christ ? Quand il connut son intention, écoutez ce qu’il dit : qui est ma mère et qui sont mes frères ? Il ne dit pas cela pour insulter sa mère, mais pour corriger son amour de la gloire et sa pensée toute humaine.

Théophylacte d’Ohrid, Commentaire sur Matthieu 12.46206.

Et l’épée transpercera ta propre âme, c’est-à-dire celle de la Vierge. Peut-être s’agit-il de l’affliction qu’elle expérimenta lors de la Passion ; et peut-être désigne-t-il par l’épée l’offense par laquelle elle fut scandalisée quand elle vit le Seigneur crucifié. Car, peut-être, résonna-t-elle ainsi : Comment celui qui est né sans semence, qui accomplit des miracles, qui ressuscita les morts a-t-il pu être crucifié, subir les crachats, et mourir ?

Théophylacte d’Ohrid, Commentaire sur Luc 2207.

Il s’agit d’un autre exemple médiéval, chez un auteur écrivant en grec, au temps du Grand Schisme, de prolongation de la tradition exégétique grecque.

Eadmer de Cantorbéry (1060-1129)

Moine bénédictin et biographe d’Anselme de Cantorbéry, Eadmer est le premier auteur ecclésiastique à envisager une Immaculée Conception de Marie. Il est nommé évêque de Saint Andrews, en Écosse, mais les Écossais ne reconnaissant pas l’autorité du siège de Cantorbéry, il n’y est jamais consacré et abandonne finalement la prétention au siège épiscopal. Fervent militant en faveur d’une nouvelle fête liturgique, la fête de la Conception de la Vierge, il donne comme raison de la célébrer la sainteté de cette conception. Son raisonnement est le suivant : Dieu est capable de faire cela, il ne peut que vouloir donner à Marie la plus grande grâce, donc il l’a fait (Potuit plane et voluit, si igitur voluit, fecit). Il s’exprime encore en ces termes :

S’il y eut quelque chose du péché originel et du vice commun dans la génération de Marie, ce fut le fait des géniteurs et non de l’engendrée […] Si Dieu permet à la châtaigne d’être conçue et formée au milieu des épines sans subir leur piqûre, ni y participer, comment n’aurait-il pas accordé le même privilège au temple humain qu’il se préparait pour l’habiter ?

Eadmer, Tractatus de Conceptione208

Eadmer est rejoint par Nicolas de Saint-Albans, qui défend néanmoins une position n’équivalant pas tout à fait à l’Immaculée Conception, puisqu’il distingue la conception charnelle, formée par l’union des corps, et la conception de l’âme à l’infusion, selon une théorie pseudo-scientifique courante à l’ère médiévale209. Nous n’avons pas encore assez d’éléments pour savoir si Eadmer opérait une telle distinction et d’autres propos de cet auteur manifestent qu’il ne considérait pas cela comme « une vérité révélée », puisqu’il parle de la purification de la Vierge à l’Annonciation comme d’une possibilité en ces termes :

Nous soutenons que, par la foi, son cœur a été tellement purifié de tout péché, si tant est que le péché originel ou actuel ait subsisté, que le Saint-Esprit a reposé entièrement sur elle.

Eadmer, De Excellentia Virginis Mariae210.

Ce « si tant est » est, en réalité, l’hypothèse soit d’une Immaculée Conception, soit d’une purification antérieure. Quoi qu’il en soit, Eadmer est le meilleur candidat pour les premières traces de cette idée et le spécialiste de la mariologie Louis Gambero le mentionne comme ayant eu « l’intuition de l’Immaculée Conception211».

Osbert de Clare (?-1158) rejoint encore le parti des « conceptionnistes » (les défenseurs de la fête de la Conception de Marie) qui ne sont pas tous des immaculistes (les défenseurs de l’Immaculée Conception), comme on le voit. Osbert, en effet, parle encore d’une purification de la Vierge « consumée par le feu [de l’Esprit], blanchie par l’éclat des vertus et même purifiée corporellement de toute tache212».

Quoi qu’il en soit, on voit qu’en Grande-Bretagne se développent à ce siècle chez plusieurs auteurs les premières réflexions ayant une très nette affinité avec l’Immaculée Conception213. Il faut remarquer que cette fête ne se fonde pas sur une croyance admise en l’Immaculée Conception : l’Immaculée Conception est l’une des justifications avancées a posteriori à cette célébration. Ainsi, Jean-Louis Benoit, de l’Université de Bretagne-Sud, affirme : « On doit noter que les justifications théologiques viennent après l’initiative liturgique d’instaurer la fête et de la défendre214. »

Hugues de Saint-Victor (1096-1141)

Hugues, l’abbé de Saint-Victor, mentionne à plusieurs reprises une purification de la Vierge après sa conception215, notamment dans la Summa Sententiarum qui lui est maintenant attribuée :

Concernant la chair à laquelle le Verbe s’unit, on peut se demander si en Marie cette chair était auparavant sous le pouvoir du péché. Qu’il en fut ainsi, Augustin l’affirme […] Car il purifia complètement Marie du péché, mais non pas de la tendance au péché ; qu’il affaiblit néanmoins tellement, qu’elle est réputée pour n’avoir plus jamais péché ensuite216.

Hugues de Saint-Victor, Summa Sententiarum, XVI.

Cette citation est intéressante en ce que Hugues de Saint-Victor confirme la lecture que nous proposions des écrits de saint Augustin.

Pierre Abélard (1079-1142)

Le fameux théologien français fait cette remarque en passant lorsqu’il commente l’épître aux Romains :

Si donc son Seigneur voulut lui remettre son péché, comme cela fut fait à la Vierge Marie, et comme Christ le fit à beaucoup même avant sa passion, etc217.

Pierre Abélard, Sur Romains L, 2.

Dans un autre écrit, il invoque Augustin en soutien (mais il s’agit d’un texte maintenant attribué à Ambrosiaster) :

Peut-être aussi que « dans le cœur de la terre » ne désigne pas tant le sépulcre de notre Seigneur que les cœurs des hommes qui ont tant désespéré du Christ à ce moment que les disciples aussi, et même sa mère, ont grandement vacillé dans la foi. C’est pourquoi Augustin, dans ses Questions sur la loi ancienne et nouvelle, affirme : « Même Marie, par laquelle s’accomplit le mystère de l’incarnation du Sauveur, douta de la mort du Seigneur. »

Pierre Abélard, solut. Prob. iv218.

Rupert de Deutz (1070-1129)

Connu pour ses écrits sur la Trinité, l’abbé de Deutz produisit aussi un commentaire du Cantique des cantiques dans lequel, s’adressant rhétoriquement à Marie, il déclare :

Et tu fus en effet capable de dire avec vérité : « J’ai été conçue dans l’iniquité, et dans le péché ma mère m’a conçue. » Car dans la mesure où tu fus issue de la masse corrompue en Adam, tu n’étais pas libre de la tache héréditaire du péché originel ; mais devant sa face d’amour, ni celui-ci ni aucun autre péché ne pourrait tenir : devant cette face de flamme tout chaume fut détruit, afin que toute l’habitation soit rendue sainte, dans laquelle Dieu allait demeurer neuf mois complets ; tout le matériau à partir duquel la sainte Sagesse de Dieu se bâtirai une maison fut entièrement purifié.

Rupert de Deutz, Commentaire du Cantique, L, 1219.

Rupert réitère, encore une fois, l’idée que Marie fut purifiée au moment de l’Incarnation pour accueillir Dieu.

Bernard de Clairvaux (1090-1153)

Le grand Bernard de Clairvaux s’est opposé fermement à l’Immaculée Conception. Les auteurs précédents tenaient des propos contraires à l’Immaculée Conception, mais ne semblaient pas s’opposer à une position existante à leur époque et dans leur région. L’Immaculée Conception leur était tout simplement inconnue. Bernard, quant à lui, s’oppose à une chose qui existe de son temps : la célébration de la conception de Marie qui, comme nous l’avons dit plus haut, se répandait en Angleterre. Or, il ne trouve pas que cette conception soit digne d’être célébrée précisément parce que Marie a été conçue dans le péché. Ainsi, Bernard est le premier grand docteur à envisager que l’on pense que Marie soit conçue sans péché, et il trouve cela scandaleux. Dans une lettre en particulier, il explique qu’il s’y oppose parce qu’il s’agit d’une innovation :

De toutes les Églises de France on ne peut nier que celle de Lyon soit la première par l’importance de son siège, par son zèle pour le bien et par ses règlements, qu’on ne saurait trop louer. Où vit-on jamais discipline plus florissante, mœurs plus graves, sagesse plus consommée, autorité plus insigne, antiquité plus imposante ? C’est principalement pour les offices de l’Église qu’elle s’est montrée fermée à toute tentative d’innovations. Jamais cette Église pleine de bon sens ne s’est laissée aller à un zèle juvénile qui aurait pu lui imprimer au front la tache de la légèreté. Aussi ne puis-je assez m’étonner qu’il se soit rencontré parmi vous, de nos jours, des chanoines qui veuillent flétrir l’antique éclat de votre Église, en introduisant une fête nouvelle dont l’Église n’a pas encore entendu parler, que d’ailleurs la raison désapprouve, et qui ne s’appuie sur aucune tradition dans l’antiquité. Avons-nous la prétention d’être plus pieux et plus savants que les Pères de l’Église ? C’est une présomption dangereuse d’établir, en pareille matière, ce dont ils ont eu la prudence de ne pas parler. […] On prétend qu’il y a lieu de rendre à la conception de Marie les mêmes honneurs qu’à sa naissance, attendu que l’une ne va pas sans l’autre. […] Or, suffit-il que l’une soit avant l’autre pour être sainte ? Avec un pareil raisonnement, pourquoi s’arrêter à Marie et ne pas instituer un jour de fête en l’honneur de son père et de sa mère, puis de ses aïeux, et ainsi de suite pour tous ses ascendants à l’infini ? Nous aurions ainsi des fêtes sans nombre. […] (Cette fête est une) nouveauté présomptueuse, mère de la témérité, sœur de la superstition et fille de la légèreté.

Bernard de Clairvaux, Lettre CLXXIV, aux chanoines de la Primatiale Saint-Jean.

Saint Bernard ne voyait pas, chez les pères de l’Église, l’idée d’une Immaculée Conception et ne trouvait donc pas justifié de célébrer une fête à propos de la conception de la vierge. À son époque, la naissance de la vierge était fêtée. Mais, dit-il, que la conception précède la naissance ne prouve pas qu’elle était sainte220. Il faut rappeler au lecteur que Bernard est l’homme ecclésiastique le plus influent de son siècle. Il correspondait avec des évêques de toute la chrétienté, les papes prenaient conseil auprès de lui et son influence sur les foules était inégalée. C’est le dernier auteur que l’on qualifia de « père de l’Église ».

Amédée de Lausanne (1110-1159)

Au XIIe siècle, l’abbé cistercien Amadée de Clermont, évêque de Lausanne, écrit huit sermons sur la Vierge Marie. Au cours de ceux-ci, il touche en passant à notre sujet et exprime lui aussi l’idée que la Vierge a été purifiée. Sa deuxième homélie a d’ailleurs pour thème la « justification » de la Vierge. Selon lui, Marie a lutté contre la concupiscence.

Demeurant dans la chair, elle s’éleva hors de la chair et, par la force de l’Esprit, immola les passions de la chair.

Amédée de Lausanne, Huit homélies mariales221.

L’éditeur note : « Pour Amédée, Marie a lutté contre la concupiscence. Nous avons déjà remarqué qu’il n’enseigne pas la doctrine de l’Immaculée Conception222. »

Saint Amédée, commentant le Cantique, dit à propos de Marie :

Comme l’aurore qui s’élève des ténèbres à la lumière, de l’erreur à la foi, du monde à Dieu ; qui, aux premières heures de son lever, est colorée du rouge de la pudeur mêlé à l’aimable pâleur de l’humilité. (p. 75)

Amédée de Lausanne, Huit homélies mariales223.

Ainsi, le Chanoine G. Bavaud conclut : « Si on lui avait posé la question [de l’Immaculée Conception] d’une manière précise, il aurait répondu négativement224. »

Pierre Lombard (1100-1160)

L’auteur des Sentences est peut-être le théologien médiéval le plus influent sur les autres médiévaux. On peut difficilement, en tout cas, surestimer son poids dans l’histoire. En effet, depuis les années 1220 et jusqu’à la fin du Moyen Âge, il servit de manuel de base pour la formation des théologiens. Le IVe concile de Latran, en effet, ordonne que ce manuel soit utilisé pour la formation, ainsi que le rappelle Isabel Iribarren :

En effet, depuis la célèbre sanction du IVe concile de Latran en 1215, le recueil des Sentences du Lombard a acquis une importance sans égale ; pour la première fois un auteur non patristique se voit investi d’une véritable autorité doctrinale.

Isabel Iribarren, « Pierre Lombard, Les Quatre Livres des Sentences. Premier Livre » (recension)225.

Ainsi, un grand nombre des médiévaux ultérieurs ont dû commenter les Sentences de Lombard. Dans celles-ci, il s’oppose à l’Immaculée Conception en ces termes :

Au sujet de la chair du Verbe, on demande encore : avant d’être conçue, était-elle liée au péché ? Et a-t-elle été assumée telle par le Verbe ? — Il peut sensément être dit, et il doit être cru, selon le témoignage concordant des Saints, « qu’elle a d’abord été elle-même soumise au péché », en tant que chair héritée de la Vierge, mais qu’elle a été purifiée par l’opération de l’Esprit saint, de manière à être unie au Verbe exempte de la contagion de tout péché ; la peine seulement demeurant, non par nécessité, mais par la volonté de celui qui l’assumait.

Pierre Lombard, Sentences, livre III, distinction III, chapitre I, 1226.

Ici, il est bon de marquer une pause pour donner quelques explications. Plus tôt dans l’article, j’expliquais que les Pères étaient poussés à postuler une purification de la Vierge en raison d’un raisonnement sur la nature des lieux saints. Il apparaît qu’une autre raison, déjà présente chez les pères et manifestement présente dans ce texte, a guidé la réflexion. En effet, le péché originel est compris comme une dépravation totale, au sens extensif du terme : le corps lui aussi est souillé par le péché. Or, puisque le Christ est sans péché de manière absolue mais qu’il reçoit bien sa chair d’une fille d’Adam, comment a-t-il pu recevoir une chair pure ? Augustin, comme nous l’avons vu, mentionne que le Christ a pu purifier la chair pour la prendre ou plutôt la purifier en la prenant. Bède mentionne une double action de l’Esprit dans l’incarnation, dont l’une qui est cette purification. Pour la plupart des médiévaux, il est admis que la purification de la chair s’est opérée non pas seulement en Christ lorsqu’il s’est incarné mais aussi dans la Vierge afin qu’il puisse s’incarner. L’idée d’une purification de la Vierge n’est donc pas une pure spéculation pieuse mais avant tout une réponse théologique possible au problème d’une conception immaculée du Christ dans une fille maculée d’Adam. Notons, dès lors, que ce problème des médiévaux, et cette solution d’une purification de la Vierge, ne se pose que si l’on tient tout à la fois que le Christ est pur de tout péché et que sa mère ne l’est pas. Les docteurs catholiques romains ne parlent pas (plus !) de purification de la Vierge mais uniquement de sa préservation, repoussant le problème par un saut d’une génération et déconnectant la conception immaculée de la conception virginale (alors que les Pères expliquent toujours l’une par l’autre). Ce problème d’un Christ sans péché tiré d’une chair touchée par le péché car fille d’Adam est déjà ce qui préoccupe Boèce (480-524) dans un traité de christologie227.

Au-delà du témoignage d’un texte d’une influence énorme contre l’Immaculée Conception, il faut encore relever que le maître des Sentences, comme on l’appelle, affirme que l’idée que la chair de la Vierge a d’abord été soumise au péché est conforme au « témoignage concordant des Saints » et qu’elle doit être crue. Nous constatons avec satisfaction que les éditeurs de la traduction récente en français renvoient en note de bas de page aux textes de saint Augustin et de Ambrosiaster auxquels nous faisions allusion228.

Jean Beleth (1135-1182)

Théologien parisien vivant au même siècle que Bernard de Clairvaux, il entendit aussi qu’une fête de la Conception commençait à être célébrée. Il objecte, sur le même fondement, à cette innovation liturgique :

Certains ont occasionnellement célébré la fête de la Conception, et peut-être la célèbrent ils encore, mais elle n’est pas authentique ni approuvée : bien au contraire, elle semble être prohibée. Car elle fut conçue dans le péché229.

Jean Beleth, Rationale divinorum officiorum, 146.

Pothon de Prüm (1105-1170)

On remarque que ce siècle est celui qui connut le premier la diffusion de cette fête dans l’Église latine car elle fait son apparition dans les écrits de plusieurs ecclésiastiques. Ainsi, non seulement Bernard et Jean Beleth en parlent, mais un autre auteur du même siècle, Pothon de Prüm ou Potho Prumiensis, abbé bénédictin, du diocèse de Trèves, la mentionne. Après avoir traité des nouvelles fêtes apparues en son temps, dont celle de la Trinité, il mentionne celle de la conception en ces termes :

Nous nous étonnons donc d’apprendre qu’il sembla bon à certains monastères, en notre temps, d’abandonner une réputation des plus excellentes en introduisant certaines nouvelles célébrations. Certains ajoutent encore à celles-ci, ce qui semble très absurde, la fête de la Conception de sainte Marie230.

Potho de Prome, De statu domus Dei, Livre 3.

Pierre de Celle (?-1183)

Listé par l’Encyclopédie Catholique, comme opposant à l’Immaculée Conception, cet évêque de Chartres s’opposa en particulier à la célébration de la fête de la Conception de la Vierge comme étant une nouveauté :

Un proverbe dit : « Les antiques sentiers ne doivent pas être abandonnés pour de nouveaux. » Or, lequel des saints, lequel des anciens n’a-t-il pas marché dans nos sentiers ? Je crois et confesse que, s’ils avaient erré sur ce sujet, Dieu le leur aurait fait connaître aussi à eux.

Pierre de Celle, Épîtres VI, 23231.

Pierre de Poitiers (1130-1215)

Alors qu’il discute des diverses théories quant à la propagation du péché originel, Pierre de Poitiers, théologien et homme de lettre, premier traducteur du Coran en latin sous le titre de Lex Mahumet pseudoprophete (Loi de Mahomet le faux prophète), fait remarquer que si le péché originel se propage du fait que le corps soit corrompu, alors le corps de Marie a dû être purifié, autrement elle aurait légué au Christ le péché originel, puisqu’elle était touchée par celui-ci :

Certains disent que le péché originel provient en partie du vice de la concupiscence, et en partie de la chair corrompue. Et c’est ainsi qu’afin que le Christ soit exempt du péché originel, il fut nécessaire que la chair qu’il assuma soit purifiée. Car si elle ne l’avait pas été, même s’il était conçu sans concupiscence, le Christ aurait hérité du péché originel.[…] Et ainsi le Christ aurait hérité du péché originel ; puisque sa chair était issue de la chair de la Vierge, qui était corrompue en raison du péché originel232.

Pierre de Poitiers, Livre des Sentences, I, 2, XIX.

Innocent III (1160-1216)

C’est encore un évêque de Rome qui s’exprima ainsi contre l’Immaculée Conception de Marie :

Ève, conçue sans péché, engendra dans le péché ; Marie, conçue dans le péché, engendra sans péché233.

Innocent III, De festo Assumptionis Mariae, sermon II.

On remarque que le parallèle entre Ève et Marie, comme chez Justin Martyr, ne s’accompagne pas nécessairement d’une croyance en l’Immaculée Conception, et que le simple fait qu’un auteur mentionne ce parallèle ne constitue donc pas un argument en faveur de ce dogme romain.

En effet, Jean a été conçu dans la faute, mais le Christ seul a été conçu sans faute. Mais tous deux sont nés dans la grâce, et c’est pourquoi on célèbre la Nativité de chacun, mais la Conception du Christ seulement.

Innocent III, Sermon XVI sur les jours de fête234.

Et le Saint-Esprit vint immédiatement sur elle ; il était, il est vrai, déjà venu sur elle, quand il purifia son âme du péché originel dans le sein de sa mère ; mais alors il vint à nouveau sur elle, afin que sa chair aussi soit purifiée du foyer du péché et afin qu’elle soit sans imperfection ni rides235.

Innocent III, Sermon XII sur la fête de la purification de la Vierge Marie.

Innocent, comme plusieurs auteurs de son temps et des époques ultérieures, pense que la purification de la Vierge eut lieu alors qu’elle était dans le sein de sa mère. Mais il n’abandonne pas totalement la tradition exégétique patristique qui voit une purification lors de l’Incarnation, puisqu’il conçoit une purification en deux étapes dont la deuxième a lieu lors de cette Incarnation.

Honoré III (1150-1227)

Peu de temps après, un autre évêque de Rome s’exprima ainsi dans un de ses sermons236:

Ce « tabernacle » qu’est la bienheureuse vierge, le Très-Haut le sanctifia, car dans le sein de sa mère il la purifia du péché originel. Car la bienheureuse Vierge eut ce privilège d’être non seulement purifiée du péché mais aussi après cela, dans la conception de son Fils, d’être libérée du foyer du péché afin qu’elle ne puisse plus pécher.

Honoré III, Sur la Purification de la Vierge, « Sanctificavit tabernaculum suum » (Ps 45,5, Vulgate)237.

Antoine de Padoue (1195-1231)

Saint Antoine de Padoue est l’un des premiers franciscains. Canonisé moins d’un an après sa mort et proclamé docteur de l’Église romaine en 1946, il jouit d’une grande popularité au Moyen Âge. Il produisit des sermons sur diverses fêtes liturgiques. Il évoque la purification de la Vierge, à la suite des Pères, dans un sermon sur l’Annonciation : 

Lorsque l’Esprit saint est venu sur la Vierge, il purifia son esprit des taches du péché, afin qu’elle fût digne de la naissance céleste, et créa dans son sein, par son opération, un corps pour le Rédempteur à partir de la chair de la Vierge.

Antoine de Padoue, Sermons sur l’Annonciation, VIII238.

Alexandre de Hales (1175-1245)

Premier auteur à commenter les Sentences, ce docteur franciscain produisit aussi une Summa universæ theologiæ à la demande du pape Innocent IV qui reçut son approbation. Jean Gerson (1363-1429) rapporte ce qui suit : « Quelqu’un demanda un jour à saint Thomas quelle était la meilleure manière d’étudier la théologie ; il répondit que c’était de s’attacher à un maître. Et à quel docteur ? lui demanda-t-on encore. À Alexandre de Hales, répondit le Docteur angélique239. »

Dans cette Summa approuvée par le pape, Alexandre de Hales ou Alexandre Halensis traite au livre III de la sanctification de la Vierge en quatre articles. Dans le premier article, il se demande si la Vierge a pu être purifiée avant d’exister, c’est-à-dire par une purification de ses parents. Il objecte que lorsqu’un parent est purifié, il l’est selon la personne et non selon la nature et ainsi il transmet tout de même une nature pécheresse240. Dans le deuxième article, il se demande si Marie a pu être purifiée dans sa conception même, il y oppose six raisons et conclut « ainsi la Bienheureuse Vierge n’a pas pu être sanctifiée dans sa conception241 » : il rejette une immaculée conception. Il se demande dans un troisième article si la Vierge a pu être sanctifiée après la conception, mais avant l’animation (selon la chronologie du développement humain courante à cette époque) et rejette là aussi cette idée. Enfin, il se demande si la Vierge a pu l’être avant de naître, et il conclut que ce fut bien le cas.

Notons que parmi les divers textes et autorité qu’il invoque, se trouve principalement Bernard de Clairvaux mais aussi le pape Léon et Augustin, il invoque aussi « nous sommes par nature enfants de colère » (Éphésiens 2,3), qu’il applique à Marie.

Fait intéressant pour nos lecteurs protestants, la septième objection qu’il envisage contre une purification in utero est la suivante : « Saint Jérôme dit : « ne me croyez que si je vous apporte ce que je vous dis du Nouveau ou de l’Ancien Testament. » Mais de la sanctification de la Vierge dans le sein maternel, on ne trouve rien ni dans le Nouveau ni dans l’Ancien Testament ; il ne faut donc pas croire qu’elle a été sanctifiée dans le sein maternel. » ; quand il répond plus bas à cette objection, il ne conteste pas le fait que toute vérité théologique doit venir de la Bible, mais cherche à démontrer que la Bible enseigne une purification in utero de la Vierge par le raisonnement suivant :

  1. L’Écriture rapporte que Jean-Baptiste et Jérémie ont été sanctifié dans le sein maternel (Augustin conteste la possibilité d’une renaissance avant la naissance et Alexandre mentionne ce fait), Jean l’a été le sixième mois ;
  2. Or, l’Écriture nous présente aussi Marie comme supérieure en importance et sainteté à ces personnes ;
  3. Donc, Marie a été sanctifiée in utero avant le sixième mois.

L’argument comporte plusieurs faiblesses, notamment dans la première prémisse et par un non sequitur, mais remarquons que Alexandre de Hales entend s’en tenir à un argument scripturaire déductif.

Dans le chapitre qui suit, il se demande si la Vierge a été purifiée dans le sein maternel de la faute originelle (la culpabilité) ou aussi du foyer du péché (la concupiscence). Puisque plusieurs auteurs que nous allons rencontrer vont aborder en détail la notion de foyer du péché, il convient d’offrir ici une brève explication à ce propos. Le « foyer du péché » (fomes peccati), dans ce contexte, est un appétit des sens pour des actions contraires à la droite raison. Quand un scolastique dit que ce foyer est lié (ligatus), il veut dire par là que Dieu a retiré à Marie, par un effet de la Providence, les occasions de pécher. Quand un scolastique dit que ce foyer est aboli (extinctus), il affirme pas là que l’appétit des sens lui-même est rendu parfait de telle sorte qu’il est entièrement soumis à la raison. Cette distinction ne relève donc pas directement du débat autour de la chronologie de la sanctification de la Vierge, mais est une tentative d’expliquer comment il est possible pour la Vierge de ne pas avoir péché : soit Dieu a agi pour retirer les occasions de pécher, soit il l’a sanctifiée de telle sorte que ses sens ne la poussent pas à désirer des choses pécheresses. Quoi qu’il en soit, les auteurs du XIIIe siècle s’accordent tous à dire que cette sanctification ou cette « ligature » du foyer du péché n’a eu lieu qu’après la conception, et la majorité considère que l’abolition de ce foyer a eu lieu à l’Annonciation.

Halensis opère ainsi plusieurs distinctions :

  1. Entre une sanctification in utero partielle et une autre, plus complète, à l’incarnation ;
  2. Entre une purification selon la nature et selon la personne ;
  3. Entre deux effets de la concupiscence selon la personne : la propension au mal d’un côté et la difficulté à faire le bien de l’autre.

Halensis considère la première distinction comme admise et conçoit deux purifications qu’il prend à peine le temps d’expliquer. Pour la deuxième distinction, il dit que la première purification a consisté en une purification selon la personne, mais non pas selon la nature et que la deuxième purification a consisté en une purification selon la nature, afin que le Christ puisse assumer la chair de la Vierge sans en être contaminé, elle n’était donc pas pure jusqu’à la seconde sanctification. Enfin, il mentionne la troisième distinction en disant que certains pensent que la propension au mal a été ôtée chez la Vierge, mais pas la difficulté à faire le bien. Il conclut pour sa part qu’elle fut purifiée des deux in utero.

Le chapitre suivant est consacré à la seconde purification de la Vierge qu’il explique plus longuement. Il en énonce la nécessité dans un premier article : il fallait qu’elle soit purifiée selon la nature pour que le Fils puisse assumer une chair pure. Puis il explique dans un deuxième article qu’après cette seconde purification, il n’était plus possible pour elle de pécher. Enfin, son dernier et troisième article explique qu’avant la Passion du Christ, elle n’a pas pu jouir de la vision béatifique et qu’il manquait donc ceci à sa béatitude. Un dernier chapitre traitant de cette question affirme simplement par quel pouvoir Dieu a accompli cette purification.

Ainsi, l’Encyclopédie Catholique le classe parmi les opposants à l’Immaculée Conception. Une récente étude sur la Summa Halensis commente ainsi en étendant le propos aux premiers franciscains dans leur ensemble :

Ainsi, bien qu’ils fassent un usage original des sources traditionnelles, les premiers franciscains ne résolvent pas la question de la conception immaculée de Marie. Au contraire, ils la nient.

Beth Ingham Mary, « The Sanctification of Mary »242.

Hugues de Saint-Cher (1190-1263)

Hugues de Saint-Cher, créé cardinal par Innocent IV, est le premier à avoir établi une concordance verbale biblique. Sa théologie est réputée conservatrice, notamment face aux innovations philosophiques dans les écoles de théologie. Commentant Ecclésiaste 7,28, un verset qui dit qu’un homme entre mille a été trouvé, mais aucune femme parmi elles toutes, il affirme :

Mystiquement, cela concerne le Christ qui, seul du sein de cette universalité, de laquelle il est dit en Romains 3 : tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu et en Jacques 3 : nous bronchons tous de plusieurs manières. De laquelle les Psaumes 13 [14] et 52 [53] disent : il n’y en a aucun qui fasse le bien, si ce n’est un seul, c’est-à-dire le Christ qui ne pécha jamais et n’eut aucun péché.

La Vierge bénie elle-même eut le péché originel ; c’est pourquoi sa conception n’est pas célébrée. Toutefois, ceux qui la célèbrent doivent avoir en considération sa sanctification, par laquelle elle fut sanctifiée dans le sein de sa mère243.

Hugues de Saint-Cher, Commentaire de l’Ecclésiaste 7,27-28.

Sans revenir sur l’affirmation universelle de la présence du péché originel chez Marie, Hugues de Saint-Cher nuance sa condamnation de la fête de la Conception par la suggestion que cette fête est célébrée par certains qui ont en vue de célébrer par cela la purification de la Vierge dans le sein de sa mère.

Cette interprétation de ce verset du Qohelet sera reprise par Thomas d’Aquin ; ou du moins, s’il ne la tire pas de Hugues de Saint-Cher, il offre la même.

Guillaume de Metz (?-1269)

Guillaume de Traînel, évêque de Metz, commente la célébration de la fête de la Conception en ces termes :

La fête de la Conception ne doit point être célébrée car la sainte Vierge fut conçue dans le péché originel. Quelques-uns cependant avancent que cette fête se rapporte plutôt à la sanctification qu’à la conception charnelle.

Guillaume de Metz, Appar. sup. Summ. Raim244.

Albert le Grand (1200-1280)

Albert le Grand fut le professeur du tout aussi grand Thomas d’Aquin. En commentant les Sentences de Pierre Lombard, il traite dans son troisième article sur la chair du Christ de la purification de la Vierge. Il affirme dans cet article qu’elle n’a pas pu être purifiée dans les « reins » de ses parents pour des raisons sensiblement similaires à celle de Alexandre de Hales. À l’article quatre, il explique que la Vierge a été purifiée après l’animation et conclut en ces termes :

Nous disons que la Sainte Vierge n’a pas été sanctifiée avant l’animation, et l’affirmation contraire est l’hérésie condamnée par saint Bernard dans son épître aux chanoines de Lyon et par tous les docteurs de Paris245.

Albert le Grand, Commentaire sur les Sentences III, Distinction 3, article 3246.

Saint Albert comprenait donc saint Bernard de la même façon que nous et emploie le langage particulièrement sévère d’hérésie à l’égard de l’opinion condamnée par Bernard. Il ajoute que tous les docteurs parisiens condamnaient cette hérésie.

À l’article suivant, il explique qu’elle a été purifiée dans le sein maternelle, après sa conception et son animation, mais que personne ne peut savoir quand. À l’article six, il poursuit en se demandant jusqu’où allait cette purification in utero. Il affirme que chez Jean-Baptiste et Jérémie, cette purification a laissé demeurer une inclinaison au péché véniel, mais pas mortel tandis que dans la Vierge la purification a été telle qu’elle n’était plus inclinée au péché. Il se demande alors ce qu’a ajouté la deuxième purification que la Vierge a connu à l’Annonciation. Il y répond en convoquant une distinction faite à l’article précédent, où il distinguait entre la disposition au péché et l’habitus au péché. Elle était déjà purifiée du second et a été purifiée du premier à l’Annonciation. Enfin, dans un article continuant cette question, Albert le Grand relève une citation de saint Augustin et la commente ainsi :

Il faut dire que vivre dans la chair sans contracter le péché originel est le fait du seul Fils de Dieu, car la Vierge a contracté le péché premièrement et a été purifiée dans la suite247.

Albert le Grand, Commentaire sur les Sentences III, Distinction 3, article 8248.

On le voit, en plus de rejeter l’Immaculée Conception, il était admis chez bon nombre de médiévaux qu’une deuxième purification avait eu lieu, reliquat de la tradition patristique, même si la façon d’en rendre compte divergeait selon les auteurs. Ainsi, l’Encyclopédie Catholique le classe aussi parmi les opposants à l’Immaculée Conception.

Bonaventure (1221-1274)

Cardinal, grand théologien franciscain, un ordre qui a produit à une époque plus tardive des champions de l’Immaculée Conception, saint Bonaventure conclut ainsi la section de son commentaire des Sentences consacrée à la purification de Marie :

C’est pourquoi, pour l’honneur de Jésus-Christ, qui ne nuit en rien à l’honneur de la Mère de Dieu, nous croyons, comme on le pense généralement, que la Vierge n’a été sanctifiée qu’après avoir contracté le péché originel249.

Bonaventure, Commentaire des Sentences, III, Distinction 3, QI, a1.

Au cours de son développement, il en vient aussi à toucher la question de la fête de la conception :

L’Église ne célèbre la fête d’aucune conception, si ce n’est celle du Fils de Dieu seul, dans l’Annonciation de la bienheureuse Vierge Marie. […] Le bienheureux Bernard lui-même, admirateur particulier de la Vierge, et zélé pour son honneur, réprimande ceux qui célèbrent la conception de la Vierge. […] Il est encore possible que cette fête se réfère plutôt au jour de sa sanctification, plutôt qu’à celui de sa conception250.

Bonaventure, Commentaire des Sentences, III, Distinction 3, QI, a1.

Comme Hugues de Saint-Cher, Bonaventure ne condamne pas absolument la célébration de la Conception de la Vierge, sans l’approuver pour autant, à la condition qu’on la comprenne comme se référant à la sanctification de la Vierge et non à sa conception.

Contrairement à Thomas d’Aquin qui, comme nous le verrons, soutenait non seulement que la Vierge n’était pas conçue immaculée mais qu’il était impossible qu’elle le soit, Bonaventure quant à lui ne pense pas qu’il s’agirait d’une contradiction dans les termes mais plutôt que cela ne convient pas pour diverses raisons. Ainsi, dans une récente étude sur la notion de dette dans la doctrine du péché originel chez Thomas, Bonaventure et Scot, le professeur de théologie catholique Peter Coelho-Kostolny remarque :

Alors que Thomas d’Aquin s’oppose à la possibilité d’une telle chose, Bonaventure admet cette possibilité tout en s’opposant à sa convenance.

Coelho-Kostolny Peter, « Sine Labe Originali Concepta: The Debitum Peccati in Scotus, Aquinas, and Bonaventure post Ineffabilis Deus »251.

Dans sa manière d’aborder le sujet, le Docteur séraphique peut être compté parmi ceux qui acceptent la possibilité mais nient le fait.

Cecchin Stefano, L’Immacolata Concezione. Breve storia del dogma252.

Après avoir énoncé divers arguments pour l’Immaculée Conception (notamment la typologie de Marie comme arche qu’il récuse comme prouvant cette opinion), il explique en conclusion que l’idée que la Vierge a contracté le péché originel est plus commune (communior). Il affirme encore qu’elle est plus raisonnable (rationabilior) et énonce diverses raisons que nous avons déjà rencontrées pour la plupart et auxquelles il ajoute que Marie a souffert durant sa vie et est morte, or la mort est le salaire du péché. Il faudrait donc soit que Marie soit morte pour les autres, ce qui serait une insulte à la suffisance du Christ comme rédempteur, soit que Marie soit morte innocente, ce qui serait une insulte à la justice divine :

Soit une injustice lui a été commise quand elle est morte, soit elle est morte dispensationnellement pour le salut de la race humaine. Mais la première option est une insulte à Dieu parce que, si elle est vraie, Dieu n’est pas un juste rétributeur ; la seconde est une insulte au Christ, parce que si elle est vraie, Christ ne suffit pas comme rédempteur. Les deux sont donc fausses et impossibles. Il demeure donc qu’elle avait le péché originel253.

Bonaventure, Commentaire des Sentences, Liber 3, Distinctio 3, Pars 1, Articulus 1, III, D. 3, P. 1, A. 1, Q. 2.

Enfin Bonaventure ajoute que l’opinion qu’il défend est plus sûre (securior) car conforme à l’avis de tous les Pères :

Les saints d’une seule voix, quand ils traitent de ce sujet, font exception uniquement du Christ quand il est question de cette masse de laquelle il est dit : Tous ont péché en Adam. Mais jamais aucun de ceux que nous avons entendu de nos oreilles n’a affirmé que la Vierge Marie était exempte du péché originel. Et cela parce que cet honneur d’être exempt de tout péché, originel comme actuel, n’appartient qu’au seul fils de Dieu, car lui seul fut conçu du Saint-Esprit et né d’une Vierge ; ainsi, cela ne doit pas être attribué à la Vierge254.

Bonaventure, Commentaire des Sentences, III, Distinction 3, QI, a1.

Une remarque digne d’intérêt non seulement parce qu’elle provient d’un franciscain, mais aussi parce qu’il montre qu’au XIIIe siècle l’Immaculée Conception était encore une opinion largement inconnue. Bonaventure confirme lui aussi la lecture que nous avons faite des Pères.

Dans l’étude la plus complète à ce jour sur la doctrine de Bonaventure relativement à la purification de la Vierge, José María Salvador-Gonzalez conclut :

Après avoir exposé les arguments pour et contre la thèse mentionnée, le Docteur séraphique argumente sa position personnelle sur la question, à savoir affirmer, conformément à l’opinion commune à cette époque, que la sanctification de la Vierge s’est produite après avoir contracté le péché originel.

Salvador-Gonzalez José María, « Saint Bonaventure’s Doctrine on the Virgin Mary’s Immaculate Conception »255.

Cet avis fait consensus parmi les spécialistes de Bonaventure :

Saint Bonaventure, qui exprime l’opinion commune à son époque concernant l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, nie sans aucun doute possible celle-ci.

Hugolinus Storff, The Immaculate Conception : The Teaching of St. Thomas, St. Bonaventure and Bl. J. Duns Scotus on the Immaculate Conception of the Blessed Virgin Mary256.

Le docteur séraphique soutient donc aussi la doctrine commune aux grands théologiens de son temps, Alexandre de Hales, Albert le Grand et Thomas, pour qui l’idée de l’Immaculée Conception s’oppose à la rédemption universelle opérée par le Christ, qui ne serait plus universelle si la condition du péché n’était pas commune à tous les enfants d’Adam. Or, si Marie avait été conçue sans le péché originel, elle aurait échappé à la rédemption universelle du Christ.

Raffaele Ponziani, « La Vergine Maria nei sermoni mariani di san Bonaventura »257.

On ne s’étonnera donc pas que les derniers éditeurs des œuvres de saint Bonavenlure aient reconnu, loc. cit., son opposition à la pieuse croyance, et que, dans la préface des Quæstiones disputatæ de immaculata conceptione beatæ Mariæ Virginis, imprimées aussi à Quaracchi, on lise cet aveu, p. xi : « Les disciples de saint Bonaventure ont répété sa doctrine, et jusqu’ici nous n’avons pas rencontré un seul de nos théologiens de Paris au XIIIe siècle, qui ait accepté ou défendu la doctrine de l’immaculée conception. »

Vacant A., Dictionnaire de théologie catholique258.

Thomas d’Aquin (1225-1275)

Il est bien connu que saint Thomas d’Aquin, à la suite de son professeur et contre Duns Scot, rejeta l’Immaculée Conception de Marie. Cette question fut l’objet d’intenses querelles entre franciscains et dominicains au Moyen Âge. Voici les raisons que Thomas avançait dans sa Somme pour rejeter l’Immaculée Conception :

La sanctification de la Bienheureuse Vierge n’a pu s’accomplir avant son animation pour deux raisons :
1° La sanctification dont nous parlons désigne la purification du péché originel ; en effet, d’après Denys, la sainteté est « la pureté parfaite ». Or la faute ne peut être purifiée que par la grâce, et celle-ci ne peut exister que dans une créature rationnelle. C’est pourquoi la bienheureuse Vierge n’a pas été sanctifiée avant que l’âme rationnelle lui ait été donnée.
2° Seule la créature rationnelle est susceptible de faute. Le fruit de la conception n’est donc sujet à la faute que lorsqu’il a reçu l’âme rationnelle. Si la bienheureuse Vierge avait été sanctifiée, de quelque manière que ce fût, avant son animation, elle n’aurait jamais encouru la tache de la faute originelle. Ainsi elle n’aurait pas eu besoin de la rédemption et du salut apportés par le Christ, dont il est dit en saint Matthieu (1,21) : Il sauvera son peuple de ses péchés. Or il est inadmissible que le Christ ne soit pas le sauveur de tous les hommes (1 Tm 4,10). Il reste donc que la sanctification de la bienheureuse Vierge Marie s’est accomplie après son animation.

Thomas d’Aquin, Somme Théologique III, q. 27, a. 2.

Les deux raisons peuvent être résumées ainsi :

  1. On ne peut être purifié que par la grâce, et seul un être rationnel (et donc possédant une âme) peut être ainsi purifié. On ne peut donc pas, et Marie n’a pas pu, être purifiée avant d’avoir une âme ;
  2. Si Marie avait été purifiée dès sa conception, avant son animation, elle n’aurait jamais été touchée par la faute originelle (ce que, justement, le dogme de l’Immaculée Conception entend proclamer comme vérité révélée). Si c’était le cas, elle n’aurait pas eu besoin d’un rédempteur. Or, l’Écriture déclare que le Christ est le sauveur de tous les hommes, Marie ne faisant pas exception.

La première objection repose sur une compréhension particulière du développement de l’homme in utero, la seconde repose sur l’affirmation que le Christ est le Sauveur de tous les hommes, ce que Thomas juge irréconciliable avec l’idée que Marie n’aurait pas été touchée par la faute originelle. Elle n’a donc pu être purifiée que plus tard. Les éditions du Cerf notent à propos de cette question de la Somme :

C’est dans cet article que, d’une manière indiscutable S. Thomas affirme que Marie a contracté le péché originel.

Somme Théologique, tome 4259.

Ici, il est à propos de signaler au lecteur quelques faits remarquables que j’ai découvert en préparant cet article. En effet, on peut lire chez Garrigou-Lagrange, chez l’apologète Taylor Marshall, sur le site américain de l’ordre des Prêcheurs (dominicains) ou encore sur le site d’apologétique romaine Philosophie du christianisme, la citation de Thomas d’Aquin qui suit :

Marie a toujours été très pure de toute sorte de coulpe, parce que ni le péché originel, ni le mortel, ni le véniel, n’ont jamais eu aucune part en elle.

Thomas d’Aquin, Sur la salutation angélique.

Le souci, c’est que Thomas, dans l’original latin selon la majorité des éditions depuis l’édition de Milan en 1488, dit « ni le mortel ni le véniel » uniquement (et ne dit pas « ni le péché originel », ni « toute sorte de coulpe »). Il ne s’agit toutefois pas d’une erreur de traduction : en effet, il s’agit d’une variante dans le texte latin de Thomas. Richard Gibbings a référencé cela comme une falsification il y a déjà deux siècles260. Cette variante est absente de la majorité des éditions contemporaines261, même si elle continue d’être discutée. Il est particulièrement absurde d’en tirer un argument pour l’Immaculée Conception quand, dans la même œuvre, Thomas dit : « Mais le Christ surpasse la Vierge bénie en ce qu’il a été conçu et est né sans péché originel, tandis que cette Vierge bénie fut conçue dans le péché originel, mais n’est pas née avec lui262. » Par ailleurs, le latin, dans aucune édition ne dit que le péché n’a « jamais eu aucune part » en Marie. Le verbe incurrere ne fait référence ni à la préservation du péché ni à sa purification mais au fait que Marie n’a pas encouru les conséquences du péché263.

De même, le site apologétique que je mentionnais produit une ancienne édition catholique de Thomas qui porte :

Que tous les enfants d’Adam sont conçus en péché, excepté la très pure et très digne Vierge Marie, qui a été entièrement préservée de tout péché originel et véniel.

Thomas d’Aquin, Commentaire de Galates 3, sixième leçon.

Sauf qu’il s’agit encore d’une fausse version, que les éditions modernes ont rétablie comme suit :

Entre mille hommes, j’en ai trouvé un seul, à savoir Jésus-Christ, qui fût sans péché, mais de toutes les femmes, je n’en ai pas trouvé une seule, qui fût entièrement exempte de péché, au moins originel, ou véniel264.

Thomas d’Aquin, Commentaire de Galates 3, sixième leçon265.

Thomas d’Aquin, donc, affirme l’exact inverse dans l’original que ce que lui faisait dire la fausse version. Et cela est particulièrement clair puisqu’il commente spécifiquement un texte de l’Ecclésiaste (7,28) qui dit qu’un homme entre mille a été trouvé (sans péché, selon Thomas) tandis que pas une seule femme n’a été trouvée (sans péché, selon Thomas).

En bref, dans son article consacré à Thomas d’Aquin sur l’Immaculée Conception, ce site d’apologétique catholique ne produit presque que des fausses citations de Thomas. En effet, deux citations sont falsifiées ou douteuses, comme nous venons de le dire (dont celle sur Galates qui est citée trois fois sous des formes différentes dans le même article !) ; deux autres citations sont faussement attribuées à Thomas d’Aquin (elles sont de saint Augustin et nous les avons déjà explicitées plus haut) et les deux dernières sont bien de Thomas. Parmi ces deux dernières, l’une affirme simplement que Marie a été purifiée avant sa naissance. La citation en en-tête de l’article est bien exacte, mais elle est fallacieusement présentée comme soutenant l’Immaculée Conception. En effet, Thomas y dit que Marie est « exempte du péché originel » dans son commentaire des Sentences, une œuvre de jeunesse. Mais cette citation est soustraite à son contexte, dans lequel Thomas affirme clairement :

Aussi la bienheureuse Vierge a-t-elle été conçue avec le péché originel, raison pour laquelle le bienheureux Bernard écrit aux Lyonnais que la conception de celle-ni ne doit pas être célébrée, bien qu’elle ait été célébrée dans certaines Églises par dévotion, en ne prenant pas en compte la conception, mais plutôt la sanctification, dont il est incertain à quel moment précis elle a été réalisée266.

Thomas d’Aquin, Commentaire des Sentences, III, distinction 3, question 1, article 1, réponse à la sous-question 1267.

Et encore :

En effet, le Christ seul dans le genre humain est tel qu’il n’a pas besoin de rédemption, car il est notre tête, mais il convient à tous d’êtres rachetés par lui. Or, cela ne pourrait être le cas si une autre âme se trouvait n’avoir jamais été infectée par la tache originelle. Aussi cela n’a-t-il été accordé ni à la bienheureuse Vierge, ni à quelqu’un d’autre, en dehors du Christ268.

Thomas d’Aquin, Commentaire des Sentences, III, distinction 3, question 1, article 1, réponse à la sous-question 2267.

Il emploie encore cette formulation, citée par cet apologète virtuel, à l’identique en latin269 dans son Compendium, sa dernière œuvre, inachevée :

Non seulement elle fut exempte de tout péché actuel mais aussi originel.

Thomas d’Aquin, Compendium, chapitre 224270.

J’ai volontairement coupé la citation pour la séparer de son contexte comme le fait le site d’apologétique en question. Toutefois, si nous la produisons dans son entièreté afin de donner l’ensemble, on voit clairement comment Thomas n’entend pas par cette phrase soutenir l’Immaculée Conception :

Non seulement elle fut exempte de tout péché actuel mais aussi originel, purifiée par un privilège spécial. À la vérité il fallait qu’elle soit conçue avec le péché originel, puisque sa conception s’est faite par l’union des deux sexes. En effet ce privilège que vierge elle conçoive le Fils de Dieu lui était réservé et à elle seulement. Mais l’union des deux sexes qui ne va pas sans la concupiscence depuis le péché du premier père transmet à la lignée le péché originel. De même si elle avait été exempte du péché originel dans sa conception elle n’aurait pas eu besoin de la rédemption par le Christ et ainsi le Christ ne serait pas le rédempteur universel des hommes ; ce qui porte atteinte à la dignité du Christ. Il faut donc tenir qu’elle fut conçue avec le péché originel mais purifiée par lui d’une façon particulière. Il y en a en effet qui sont purifiés du péché originel après la naissance comme ceux qui sont sanctifiés par le baptème. Il y en a qui par un privilège de la grâce furent sanctifiés dans le sein maternel comme il est dit de Jérémie : Avant que je te forme dans le sein je t’ai connu, avant que tu sortes du giron je t’ai sanctifié (Jr 1, 5) et de Jean-Baptiste l’ange dit : Il sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère (Lc 1, 15). Ce qui fut accordé au précurseur du Christ et au prophète on ne doit pas croire que ce fut refusé à sa mère. Aussi croit-on qu’elle fut sanctifiée dans le sein maternel, c’est-à-dire avant sa naissance271.

Thomas d’Aquin, Compendium, chapitre 224270.

Thomas reprend donc l’argument commun et patristique du fait qu’une conception immaculée ne peut se produire que par une conception virginale d’une part et de l’autre il reprend le deuxième argument de sa Somme théologique, à savoir que l’Immaculée Conception reviendrait à soustraire Marie du besoin d’un rédempteur. Cet enseignement fut donc le sien de sa jeunesse à sa dernière œuvre théologique.

En réalité, même si nous n’avions pas le contexte de cette citation, être attentif au vocabulaire de Thomas suffirait pour écarter ce texte comme une preuve de l’Immaculée Conception. En effet, dans son Commentaire des Sentences, Thomas se demande si un chrétien, exempt du péché originel, transmet tout de même à son enfant ce péché et explique que, bien que le chrétien soit purifié quant à la personne (c’est-à-dire personnellement), il ne l’est pas quant à la nature et transmet donc bien le péché originel : « c’est pourquoi il faut que, par l’acte même de la nature, le poison du péché originel soit transmis à l’enfant, quoique le père soit, dans sa personne exempt (immunis) du péché originel.272» Ainsi, dire que, dans cet exemple, le père est exempt (immunis) ou, dans l’autre texte, que la Vierge est exempte (immunis) n’implique ni dans un cas ni dans l’autre une conception immaculée.

J’espère qu’après lecture de notre article, une modification conséquente sera faite sur l’article catholique en question. En réalité, j’avais déjà repéré sur ce site bien d’autres fausses citations des pères (notamment une prière à Marie faussement attribuée à saint Augustin273), non que ce site produise de telles falsifications, mais il reprend des éditions et traductions catholiques des siècles précédents qui, comme on le voit, n’hésitaient pas à modifier jusqu’au texte latin pour conformer les docteurs antiques et médiévaux à la doctrine romaine. Ces modifications constituent un aveu du malaise des auteurs romains face à la tradition chrétienne.

Pour préciser encore la pensée de Thomas sur ce sujet, il faut ajouter que, selon lui, la Vierge n’a pas été purifiée totalement dans le sein de sa mère. En effet, à l’article 3 de la question de la Somme que nous mentionnions précédemment, il se demande si cette sanctification de la Vierge a été telle que le foyer du péché a été totalement supprimé chez la Vierge. Il définit ce foyer comme « une convoitise désordonnée de l’appétit sensible ». Il mentionne diverses options proposées par ses contemporains :

Sur cette question on observe une grande diversité d’opinions.
– Certains ont dit que le foyer de péché aurait été totalement supprimé chez la bienheureuse Vierge par la sanctification qu’elle a reçue dans le sein de sa mère.
– D’autres soutenaient que le foyer de péché lui serait resté, mais seulement pour autant qu’il rend difficile de faire le bien ; il lui aurait été enlevé en ce qui concerne le penchant au mal.
– Selon d’autres, la bienheureuse Vierge n’aurait plus eu le foyer de péché en tant qu’il est une corruption de la personne, qui pousse au mal et entrave le bien ; il lui serait demeuré en tant qu’il est une corruption de la nature d’où provient la transmission du péché originel à la descendance.
– D’après certains enfin, le foyer pris en lui-même aurait subsisté chez la bienheureuse Vierge lors de sa première sanctification, mais lié ; et au moment même de la conception du fils de Dieu, il aurait été totalement supprimé.

Thomas d’Aquin, Somme théologique III, q. 27, a. 3.

Le lecteur remarquera que l’Immaculée Conception ne fait pas partie des diverses options que Thomas connait, ce qui est significatif lorsque l’on considère son exhaustivité coutumière. Il exclut les deux options du milieu comme contradictoires dans les termes puis énonce qu’il est possible soit qu’elle ait été purifiée totalement dans le sein maternel de la puissance du péché, soit que ce foyer ait subsisté et qu’elle en ait été purifiée plus tard. Il écarte la première option ainsi :

Et bien que cette position semble contribuer à la dignité de la Vierge Mère, elle porte atteinte sur un point à la dignité du Christ en ce que, hors de sa vertu, personne n’est délivré de la première condamnation. […] Car si quelqu’un devait être libéré, selon la chair, de cette condamnation, il semble que cette immunité devait apparaître en lui d’abord. C’est pourquoi personne n’a pu bénéficier de l’immortalité corporelle avant que le Christ ait ressuscité dans son immortalité corporelle. Et de même il semble inadmissible de dire qu’avant la chair du Christ, qui fut sans péché, la chair de la Vierge sa mère ou de n’importe qui, aurait été exempte de ce foyer appelé « loi de la chair », ou « des membres ».

Thomas d’Aquin, Somme théologique III, q. 27, a. 3.

Thomas d’Aquin ne récuse pas simplement l’Immaculée Conception par égard pour la dignité du Christ, mais aussi une sanctification complète chez la Vierge. Le raisonnement est chronologique : certes, un jour les saints ressusciteront victorieux sur la mort, mais il ne convenait pas que quelqu’un ressuscite en un corps immortel avant le Christ. De même, il ne convient pas qu’avant le Christ quelqu’un connaisse une sanctification parfaite. Il conclut donc :

C’est pourquoi il vaut mieux dire, semble-t-il, que la sanctification dans le sein de sa mère n’a pas délivré la bienheureuse Vierge du foyer, dans ce qu’il y a d’essentiel ; il est demeuré, mais lié. Ce ne fut pas par un acte de sa raison, comme chez les saints, car dans le sein de sa mère elle n’avait pas l’usage de son libre arbitre. Cela est le privilège spécial du Christ. […] Mais ensuite, lorsqu’elle conçut la chair du Christ, dans laquelle devait resplendir en premier l’exemption de tout péché, on doit croire que celle-ci rejaillit de l’enfant sur la mère, et que le foyer fut totalement supprimé.

Thomas d’Aquin, Somme théologique III, q. 27, a. 3.

Thomas envisage donc une sanctification en deux temps. Premièrement, une sanctification dans le sein de sainte Anne où le foyer du péché a été lié tout en demeurant présent (privilège que Thomas attribue aussi à Jean-Baptiste et Jérémie à l’article 6 de la même question) puis, une deuxième sanctification lors de l’Incarnation où ce foyer fut aboli. Cette compréhension, nous l’avons déjà rencontré chez les papes Honoré III et Innocent III. Ainsi, une récente étude sur la conception thomiste de la transmission du péché originel relève :

Thomas d’Aquin soutient que Marie a été purifiée du péché originel dans le ventre de sa mère, mais qu’elle n’a pas été complètement purifiée du foyer du péché (le foyer étant l’étincelle d’une attirance désordonnée pour un bien quelconque) qui était présent dans son corps. Il admet que le foyer a dû être atténué d’une manière ou d’une autre, de sorte qu’elle n’a jamais commis un seul péché, et il affirme que la purification finale et complète de Marie a été accomplie lors de l’adombrement de l’Esprit Saint par la puissance du Très-Haut, au moment de la conception du Christ. Thomas d’Aquin considère que l’alternative selon laquelle Marie a été complètement purifiée dans le ventre de sa mère est « quelque peu désobligeante pour la dignité du Christ », car elle semble dévaloriser son action rédemptrice.

Coelho-Kostolny Peter, « Sine Labe Originali Concepta: The Debitum Peccati in Scotus, Aquinas, and Bonaventure post Ineffabilis Deus »274.

On le voit, Thomas ne rejetait pas l’Immaculée Conception pour une simple question de chronologie de l’animation275, il ajoutait à cette raison (1) une exégèse d’Ecclésiaste 7,28, (2) le fait que cela reviendrait à soustraire Marie du nombre des rachetés, (3) la considération augustinienne que toute conception par l’union des deux sexes induit nécessairement une corruption, (4) le fait qu’il ne convient pas que quelqu’un soit parfaitement saint avant le Christ, (5) l’autorité des docteurs antérieurs dont Bernard, Damascène, Denys l’Aréopagite ou Augustin, (6) l’avis de l’Église romaine de son temps.

Comme Bonaventure, Thomas rappelle que l’Église romaine ne célèbre pas la fête de la conception de Marie mais qu’elle la tolère, sous réserve qu’on ne comprenne pas cela comme une affirmation de l’Immaculée Conception :

Bien que l’Église romaine ne célèbre pas la fête de la Conception de la Vierge, elle tolère la coutume de certaines Églises qui la célèbrent. Mais, du fait qu’on célèbre la fête de la Conception, il ne faut pas penser que la bienheureuse Vierge a été sainte dans sa conception.

Thomas d’Aquin, Somme théologique III, q. 27, a. 2.

Et s’il fallait encore produire des preuves, voici un extrait d’une autre œuvre où Thomas traite à la fois de la conception de Marie et de la fête qui lui correspond :

Il faut donc considérer que chacun contracte le péché originel par le fait même d’avoir été en Adam selon une raison séminale. Or, tous ceux-là sont en Adam selon une raison séminale qui, non seulement ont reçu leur chair de lui, mais ont aussi été produits selon le mode naturel d’origine. Or, la bienheureuse Vierge est ainsi venue d’Adam, car elle est née de l’union sexuelle comme les autres. Et ainsi, elle a été conçue avec le péché originel et elle fait partie de l’ensemble de ceux dont Paul dit, dans Rm 5, 12 : En qui tous ont péché, ensemble auquel seul le Christ fait exception, lui qui n’était pas en Adam selon une raison séminale. Autrement, si cela convenait à un autre qu’au Christ, elle n’aurait pas besoin de la rédemption du Christ. Et ainsi nous ne devons pas accorder à la mère ce qui est soustrait à l’honneur du Fils, qui est le sauveur de tous les hommes, comme le dit l’Apôtre, 1 Tm 4, 10.

[…] À propos de la célébration de sa conception, des coutumes diverses se sont développées dans les Églises. Car l’Église romaine et plusieurs autres, estimant que la conception de la Vierge s’est réalisée dans le péché originel, ne célèbrent pas la fête de sa conception. Mais certaines, prenant en compte sa sanctification dans le sein, dont le moment est inconnu, célèbrent sa conception. […] C’est pourquoi cette célébration ne doit pas être mise en rapport avec la conception en raison de la conception, mais plutôt en raison de la sanctification276.

Thomas d’Aquin, Questions quodlibétiques, VI, q. 5, a. I(7)277.

Ainsi, le Dictionnaire apologétique de la foi catholique conclut :

Rien de plus clair que la position du Docteur angélique et des autres grands théologiens du XIIIe siècle. Pour les transformer en partisans, ou du moins pour ne pas voir en eux des adversaires de la pieuse croyance, on est forcé de recourir à des rétractions fictives, à des textes apocryphes ou vagues, à des interprétations montrant ce que ces théologiens auraient pu dire, et non pas ce qu’ils ont dit.

D’Alès Adhémar, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Tome III278

Le Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes de la Bibliothèque de la Revue thomiste, affirme encore :

La maternité divine virginale de Marie suppose une sanctification unique qui ne signifie pas qu’elle était immaculée en sa conception personnelle. Saint Thomas ne traite pas non plus ex professo de l’Assomption. Sur ces deux points étroitement corrélés, il est en retrait par rapport à l’actuelle doctrine définie par l’Église. […] Thomas, qui reconnaît en Marie une vraie plénitude de grâce (cf. ST, IIIa, q. 27, a. 1), lui dénie explicitement toute grâce de conception immaculée.

Floucat Yves et Margelidon Philippe-Marie, Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes279.

Et, à l’article Immaculée Conception, le même dictionnaire précise que l’opposition de Thomas à cette idée ne repose pas simplement sur une question de distinction entre conception et animation :

Saint Thomas ne parle jamais de conception immaculée à propos de la sainte Vierge, mais de sanctification (sanctificatio). […] La raison fondamentale, quoiqu’il en soit de la distinction anthropologique entre conception et animation, est que si Marie avait été sanctifiée avant sa conception, elle aurait été soustraite à la rédemption du Christ qui est cause efficiente de la grâce et qui ne peut préexister à son effet.

Floucat Yves et Margelidon Philippe-Marie, Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes280.

Innocent V (1225-1276)

Nous rencontrons encore un autre pape dans notre examen de cette question, il s’agit d’Innocent V.

Le second degré ne convenait pas à la Vierge, car soit elle n’aurait pas contracté le péché originel et n’aurait donc pas eu besoin de la sanctification et de la rédemption universelles du Christ, soit, si elle l’avait contracté, la grâce et la faute n’auraient pas pu être en elle à la fois. Le quatrième degré ne convenait pas non plus à la Vierge, parce qu’il convenait à Jean et à Jérémie, et parce qu’il ne convenait pas à une sainteté si grande qu’elle eût dû s’attarder si longtemps dans le péché, comme d’autres ; or Jean a été sanctifié au sixième mois (Luc 1). Mais la troisième solution paraît convenable et pieusement crédible, bien qu’elle ne soit pas tirée de l’Écriture, à savoir qu’elle aurait été sanctifiée peu après son animation, soit le jour même, soit à l’heure même, mais pas au moment même.

Innocent V, Commentaire du livre des Sentences III, distinction 3, q. I, a. 1281.

Cette citation est intéressante à plusieurs égards, outre le fait qu’elle provienne d’un pape. En effet, dans la section qui s’étend au-delà de l’extrait que nous citons, Innocent V commente les Sentences de Pierre Lombard. Il distingue plusieurs degrés de sanctification correspondant aux diverses parties du temple. Il pourrait s’agir d’être purifié avant sa conception, mais Innocent V dit que cela est tout simplement impossible. Il pourrait encore s’agir d’être purifié après sa conception et après sa naissance, ce qui est le cas de la plupart des saints. Il pourrait encore s’agir d’être pur dans la conception comme la naissance mais cela, dit-il, ne revient qu’à Jésus-Christ. Alors, il reste une quatrième possibilité : être purifié après la conception, mais avant la naissance. C’est ce degré de sainteté qui convient à la Vierge, selon lui, car ainsi elle tient le juste milieu entre les autres saints et le Christ. Toutefois, Jean et Jérémie, selon Innocent V, ont été eux aussi purifiés dans le ventre de leur mère (Innocent fait probablement référence au fait que Jean soit dit rempli de l’Esprit dans le ventre de sa mère et que Jérémie soit déclaré consacré pour être prophète dès le ventre de sa mère ; notons qu’Augustin a rejeté ces options et pensent plutôt que ces deux saints ont bénéficié d’une grâce temporaire dans le sein maternel). Alors il distingue diverses possibilités dont les deux suivantes : être purifié longtemps après l’animation (comme Jean, au sixième mois) ou peu de temps après (comme, dit-il, la Vierge).

L’argument, admet-il, n’est pas fondé sur les Écritures et est hautement spéculatif, il s’agit d’un raisonnement par convenance. Remarquons toutefois que la solution de l’Immaculée Conception est mentionnée et exclue pour le même motif que chez Thomas, à savoir que cela soustrait la Vierge au besoin universel d’être racheté par le Christ.

Guillaume Durand (1230-1296)

Évêque de Mende, fait chapelain apostolique à Rome puis auditeur général des causes de palais par le pape Clément IV et participant au concile de Lyon, considéré comme œcuménique par Rome, il s’exprime ainsi à propos des fêtes saintes :

Certains ajoutent encore une cinquième fête, à savoir celle de la Conception de la bienheureuse Marie, disant que tout comme nous célébrons la mort des saints, non point en raison de leur mort, mais parce qu’ils ont été reçus à ce moment aux noces éternelles, de la même façon la fête de la Conception peut être célébrée, non pas parce qu’elle fut conçue (car elle fut conçue dans le péché), mais parce qu’elle fut conçue Mère de notre Seigneur ; affirmant que cela fut révélé à un certain abbé lors d’un naufrage. Toutefois cela n’est pas authentique ; ainsi, cela ne doit pas être approuvé, puisqu’elle fut conçue dans le péché, par l’union de l’homme et de la femme282.

Guillaume Durand, Rationale divinorum officiorum, L, 7.

Il faut signaler au lecteur que Durand est l’un des plus instruits parmi les médiévaux sur les questions liturgiques et que cette citation est issue d’un livre dédié à l’explication de la liturgie.

Richard de Menneville (1249-1302)

Richard de Menneville ou de Mediavilla est un franciscain qui suit Thomas d’Aquin, est contemporain de Henri de Gand et précurseur de Duns Scot et Guillaume d’Ockham. Il pourrait être originaire de Moyenneville en Picardie. Ce théologien scolastique a, lui aussi, commenté les Sentences. Dans la section correspondant à la question de la sanctification de la Vierge, il se demande premièrement si la Vierge a été sanctifiée avant l’animation et répond par la négative : « L’âme de la Vierge a contracté le péché originel par son union avec cette chair. »283, il invoque l’autorité d’Anselme et le fait que la Vierge a été conçue par voie naturelle. Puis il se demande si elle l’a été avant la naissance et répond positivement : Jérémie et Jean-Baptiste l’ont été, dit-il, à plus forte raison la mère du Seigneur284.

Enfin, il se tourne sur la question de sa capacité à pécher285. Fait intéressant, il invoque une prière liturgique qui impliquerait, selon lui, que Jean-Baptiste n’ait pas péché en acte pour en tirer un argument a fortiori en faveur de la Vierge. Il affirme premièrement donc que la première sanctification in utero l’a empêchée de pécher, en lui ôtant le foyer du péché (fomes peccati) ou en le « liant » de telle sorte qu’il ne puisse plus l’incliner au mal mais sa volonté n’était pas telle qu’elle ne puisse pas du tout s’orienter vers le mal. Par cette première grâce, dit-il, elle n’a pas encore obtenu la confirmation dans le bien permettant d’exclure toute flexibilité de la volonté vers le mal286. Dans la seconde sanctification, à l’Annonciation, le foyer du péché et la concupiscence lui ont été totalement retirés, de telle sorte qu’elle vécut depuis lors dans une charité parfaite, excluant tout péché287.

Alors que nous touchons à la fin du XIIIe siècle et mettons un pied dans le XIVe siècle, il convient de rapporter l’analyse que l’historien Alister McGrath fait de cette question en ce siècle :

La position maculiste était considérée comme fermement établie au sein de la Haute Scolastique du XIIIe siècle.

Alister McGrath, The Intellectual Origins of the European Reformation288.

Jean Duns Scot (1265-1308)

Le britannique Duns Scot, cela est bien connu, a défendu l’Immaculée Conception. Il s’agit, en fait, du premier grand docteur dans toute l’histoire de l’Église à l’avoir fait. Son argument est précis et clair, s’étendant sur environ dix pages dans les traductions récentes, la méthodologie est scolastique. Plusieurs éléments toutefois, même chez Duns Scot, viennent confirmer nos analyses. On remarque que c’est encore en Grande-Bretagne que cette particularité apparaît.

Premièrement, le docteur écossais liste plusieurs théologiens qui s’opposent à l’opinion qu’il va défendre, parmi eux se trouvent Jean Damascène (parce qu’il parle de la purification de la Vierge), Augustin (parce qu’il dit que tous ceux conçus de l’homme et de la femme sont conçus dans le péché originel), Léon de Rome, Jérôme (mais la citation qu’il produit est désormais considérée comme faussement attribuée à Jérôme), les Décrets de Gratien, Hugoccio de Pise (1140-1210), Bernard et Anselme.

Deuxièmement, Scot dénomme la position à laquelle il entend répondre « l’opinion commune » et l’édition vaticane liste en note de bas de page Alexandre de Hales, Albert le Grand, Thomas d’Aquin, Bonaventure, Richard de Menneville, Jean de la Rochelle (1200-1245) qui était franciscain, Henri de Gand (1217-1293) qui était, comme Thomas d’Aquin, un disciple de Albert le Grand, Gilles de Rome (1243-1316), un scolastique de l’ordre des augustins, Innocent V et « bien d’autres » comme représentants de cette opinion commune289. Une étude récente sur la doctrine du péché origine chez Duns Scot explique qu’il présente « l’opinion commune de l’époque, à savoir qu’elle a été dans le péché pendant un certain temps, mais qu’elle a été complètement purifiée par la suite290. »

Troisièmement, dans son sed contra, c’est-à-dire dans la section où Duns Scot est censé invoquer des autorités scripturaires ou des théologiens des âges précédents soutenant sa thèse, il ne parvient pas à produire un seul auteur affirmant que Marie a été conçue sans péché.

Le premier grand théologien à défendre l’Immaculée Conception est donc conscient d’avancer une position qui s’oppose à la tradition chrétienne antérieure et au consensus des théologiens de son époque. Bien entendu, il entend réconcilier sa position avec les objections formulées par ces docteurs. Mais le fait demeure que Duns Scot, champion de l’Immaculée Conception, est lui-même un témoin du caractère novateur de cette doctrine. C’est à partir de son époque que cette doctrine commence à être défendue, notamment par Guillaume de Ware (1260-après 1305), un autre franciscain, anglais quant à lui, qui introduit la notion de rédemption préventive et reprend l’adage « Dieu pouvait le faire, donc il l’a fait » (Et quod potuit, congrum fuit quod feceri)291. Comme nous le verrons, cette doctrine est loin d’emporter immédiatement l’assentiment de tous.

Par ailleurs, il faut bien saisir la nature de la démonstration à laquelle Duns Scot se livre. En effet, il n’entend pas prouver que l’Immaculée Conception est véridique mais simplement qu’il s’agit d’une option possible pour rendre compte du fait que la Vierge soit pure. En effet, il conclut sa démonstration en affirmant :

Mais quant à savoir laquelle de ces trois [options], que nous avons montrées être possibles, s’est réalisée, Dieu seul le sait.

Ordinatio III, distinction 3, question I, § 34.

Duns Scot lui-même donc, n’a pas professé l’Immaculée Conception comme une doctrine révélée. Après Scot, on trouve bien des disciples de Scot pour défendre son opinion (que personne ne présente comme un dogme). Mais bien des théologiens continuent de ne pas être convaincus par l’argumentaire scotiste, et c’est sur ces auteurs que notre examen se concentre désormais, alors qu’il était exhaustif jusqu’à ce point.

Gilles de Rome (1247-1316)

Surnommé le prince des théologiens (theologorum Princeps), membre des Augustins, précepteur de Philippe le Bel, sa doctrine est désignée par l’ordre des Augustins comme la doctrine officielle de l’ordre, tout comme celle de Thomas l’a été pour les dominicains. Un autre point commun avec saint Thomas est son affinité pour la pensée d’Aristote. Il devient, par la suite, général de son ordre et archevêque de Bourges.

Dans son commentaire des Sentences, il traite la question de la sanctification de la Vierge en quatre parties. Il se demande premièrement si la Vierge a été purifiée avant l’animation et conclut par la négative, puis si elle a été purifiée avant la naissance et conclut positivement. Enfin, il traite de la relation de Marie au péché après cette sanctification puis de ce qu’a accompli la seconde sanctification « lorsqu’elle reçut l’annonce de l’ange »292.

Dans la première partie, s’appuyant sur 1 Corinthiens 15, il affirme : 

Ainsi la Bienheureuse Vierge est morte en Adam et fut à cause de lui conçue dans le péché originel, et c’est par Christ qu’elle fut vivifiée et justifiée du péché originel293.

Gilles de Rome, Commentaire des Sentences, Distinctio III, Pars I, Quaestio I, Articulo I, Dub. II294.

Et encore :

Lui seul fut sans aucun péché, et donc sans péché originel295.

Gilles de Rome, Commentaire des Sentences, Distinctio III, Pars I, Quaestio I, Articulo I, Dub. II.

Et, plus loin : 

Ainsi donc, seul le Christ, qui fut conçu surnaturellement d’une Vierge, par l’intervention du Saint-Esprit, fut conçu sans péché. La Bienheureuse Vierge Marie, qui descend naturellement de ses parents, fut conçue dans le péché originel296.

Gilles de Rome, Commentaire des Sentences, Distinctio III, Pars I, Quaestio I, Articulo I, Dub. III.

Il conclut donc que Marie fut conçue dans le péché et invoque, dans la Resolutio du premier article, Romains 5 qui affirme que tous ont péché en Adam ainsi qu’Éphésiens 2 qui dit que nous sommes par nature des enfants de colère et les applique à Marie. Ainsi, dit-il, nous pouvons prouver de trois façons que Marie a été conçue dans le péché : relativement à Adam, relativement à ses parents proches et enfin relativement au fait qu’elle a le Christ pour Médiateur. Il invoque l’autorité de Anselme et Augustin à ce propos.

À l’article suivant, il affirme comme nous le disions que Marie fut purifiée dans le sein maternel mais que le foyer du péché (notion expliquée plus haut) ne fut que « lié » en elle et non aboli et que c’est dans la deuxième sanctification que le foyer du péché fut aboli en elle. 

Guillaume Durand de Saint-Pourçain (1270-1334)

Dominicain, docteur en théologie à Paris puis nommé maître du palais sacré par Clément V, évêque de Limoux puis du Puy et enfin de Meaux, Durand de Saint-Pourçain est un précurseur du nominalisme. Il publia à l’époque où le thomisme n’était pas encore la doctrine officielle des dominicains : ses désaccords multiples avec Thomas d’Aquin engendrèrent « l’affaire Durand de Saint-Pourçain » au cours de laquelle plusieurs dominicains furent conduit à écrire des réfutations d’un frère de leur ordre, parce qu’il était nominaliste297.

Dans son commentaire des Sentences, il adopte une approche originale, quoique proche de celle de Bonaventure. Thomas d’Aquin affirme en effet que l’Immaculée Conception est impossible, qu’elle ne convient pas à Marie et qu’elle n’a donc pas eu lieu. Les scotistes, à l’inverse, affirment qu’elle est possible, qu’elle convient et qu’elle a donc vraisemblablement eut lieu. Durand, quant à lui, rejoint les scotistes quant au fait que l’Immaculée Conception est possible, puisqu’il ne rend pas compte du péché originel par la transmission que Thomas envisage. Mais il rejoint Thomas quant au fait qu’elle ne convient pas à Marie, parce qu’elle ôterait à Jésus sa singularité. Ainsi, bien qu’il n’ait pas d’objections de principe à l’Immaculée Conception, il maintient des objections de convenance. Il conclut ainsi son développement : 

Et bien que la bienheureuse Vierge aurait pu être préservée du péché, il ne convenait pas qu’elle en fût préservée. La raison en est qu’à une conception singulière correspond un privilège singulier. Or, le fils de Dieu selon l’humanité avait une conception singulière, en ce sens qu’il a été conçu non pas d’un homme, mais du Saint-Esprit. Ainsi, il possède un privilège singulier, qui ne convient à aucun autre homme, pas même à sa mère298.

Guillaume Durand de Saint-Pourçain, Commentarius in libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Quaestio 1299.

Il affirme donc naturellement que la Vierge devait être sanctifiée : 

La bienheureuse Vierge avait besoin de sanctification à cause du péché originel qu’elle avait contracté300.

Guillaume Durand de Saint-Pourçain, Commentarius in libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Quaestio 1299.

Comme bien d’autres médiévaux que nous avons étudiés, il étudie premièrement la chronologie de cette sanctification et conclut qu’elle fut sanctifiée après son animation mais avant sa naissance, sans que l’on sache le moment précis de cette purification301. Puis il affirme encore une seconde sanctification à l’Annonciation, sur la base de l’Évangile selon Luc et se questionne sur ce qui a été purifié dans la première sanctification et ce qui l’a été dans la seconde302. Il opère là encore plusieurs distinctions originales entre une restriction du péché actuel par Providence divine et une restriction par implantation d’un habitus de sainteté. Il affirme que, comparativement aux autres saints, la Vierge a bénéficié par ailleurs d’une assistance providentielle spéciale pour ne pas pécher.

Jean XXII (1249-1334)

Pour poursuivre avec les papes, voici une citation d’un sermon de Jean XXII303 :

La Vierge est ainsi sortie, premièrement, de l’état de péché originel, deuxièmement, de l’état d’enfance à l’honneur maternel, troisièmement, de la misère à la gloire.

Jean XXII, Premier sermon sur l’Assomption304.

Paul de Pérouse (vers 1340)

Carmélite, il produisit un commentaire des Sentences dans lequel il s’exprime ainsi par rapport à la fête de la Conception : 

On peut considérer la conception de la Vierge de deux manières : ou bien au point de vue de la contraction du péché originel, et sous ce rapport on ne doit pas la solenniser ; ou bien au point de vue de la sanctification future et de l’incarnation du Christ, et ainsi on peut en faire la fête.

Paul de Pérouse, Commentaire des Sentences III, distinction 3, article I, question 1305.

Guillaume d’Ockham (1285-1347)

Franciscain et célèbre philosophe, plus éminent représentant des nominalistes, il annota aussi les Sentences. Dans son commentaire, il conçoit sans surprise une double sanctification de la Vierge. Plus original parmi les scolastiques, il soutient que la Vierge a pu commettre des péchés actuels véniels avant la seconde purification, mais pas après. En revanche, elle n’a jamais pu pécher mortellement :

Dans la seconde sanctification, c’est-à-dire dans la conception du Sauveur, elle fut totalement libérée du foyer du péché […] de telle manière qu’il ne pouvait incliner sa volonté à aucun acte de péché mortel ou véniel. Il s’ensuit qu’avant la conception du Sauveur, elle pouvait pécher véniellement, mais pas mortellement ; tandis qu’après elle ne pouvait [ni pécher véniellement, ni mortellement]306.

Guillaume d’Ockham, Scriptum in libros sententiarum, Liber 3, Quaestio 5307.

Alvarus Pelagius (1280-1352)

Célèbre spécialiste gallican du droit canon, évêque de Silves et nonce apostolique, il fut remarqué pour son combat virulent contre les abus ecclésiastiques de son temps. Dans son œuvre principale, il s’exprime ainsi à propos de notre sujet :

Concernant sa sainte Mère aussi les saint affirment, en particulier Augustin, qu’elle ne commit pas même un péché véniel dans cette vie mais qu’elle fut conçue dans le péché originel, comme le furent les autres hommes ; selon cette phrase de son père David : Voici, je fus conçu dans l’iniquité. Aucun n’est excepté si ce n’est le Christ, qui fut conçu non d’une semence humaine, mais du Saint-Esprit dans le sein déjà sanctifié d’une vierge. Mais Notre-Dame fut conçue de la semence de ses parents, Joachim et Anne, comme les autres femmes ; et non du Saint-Esprit comme le fut son Fils, et ainsi fut-elle conçue dans le péché originel, ainsi que le prouve longuement Bernard dans son épître adressée aux chanoines de Lyon, dans laquelle il les réprimande parce qu’ils célébraient la fête de sa conception, ce qui ne doit pas être fait. Mais quand cela est fait, cela doit être en référence à sa sanctification dans le sein maternel. L’Église romaine ne célèbre pas la fête de sa conception, bien qu’elle la tolère, parce qu’elle est considérée en d’autres lieux, en particulier en Angleterre, toutefois elle ne l’approuve pas. Ainsi, cette fête doit se référer à la sanctification de la Vierge, et non à sa conception, comme nous l’avons dit. Voici la prière, qui est dite à Rome lors d’une fête dans l’Église de sainte Marie Majeure : Ô Dieu, qui fis la sanctification de la Vierge, etc., comme je l’ai moi-même vu et entendu lorsque j’y ai prêché à propos de cette sanctification, à cette fête même de la Sanctification, qui est célébrée en Décembre, quinze jours avant la fête de la Nativité.

Alvarus Pelagius, De planctu ecclesiae libri duo, 51308.

Cette remarque confirme qu’alors même que la fête de la Conception de la Vierge commençait à être tolérée, on veillait à ce qu’elle ne fût pas comprise comme supposant une Immaculée Conception. Comme nous l’avions noté plus haut à propos d’Eadmer, on remarque ici un particularisme anglais dans la célébration de cette fête, se distinguant ici des autres Églises, dont Rome. Il faut remarquer ici qu’Alvarès-Pélage (puisqu’on francise ainsi son nom) était comme Duns Scot un franciscain et que, ayant entendu l’opinion de ce dernier, il la commenta ainsi :

Tous les anciens théologiens, comme Alexandres de Hales, saint Thomas, saint Bonaventure et Richard de Menneville, tiennent que la Vierge a été coupable du péché originel. Il y a, à la vérité, quelques nouveaux docteurs qui, s’écartant de la foi commune de l’Église, s’efforcent d’introduire une doctrine contraire. Mais leur opinion est nouvelle et fantastique.

Alvarus Pelagius, De planctu ecclesiae libri duo, 52309.

Ainsi, pour les contemporains de Duns Scot, celui-ci avance effectivement une nouveauté.

Clément VI (1291-1352)

Une autre citation d’un pape est particulièrement intéressante :

Mais avant de répartir le thème en plusieurs questions, il semble que cette Conception ne doive pas être célébrée, d’abord en vertu de l’autorité de Bernard qui, dans son épître aux [chanoines] lyonnais, les réprouve gravement parce qu’ils avaient reçu la fête et l’avaient célébrée de façon solennelle. En effet, aucune fête ne doit être célébrée si ce n’est par respect pour la sainteté de la personne pour laquelle elle est célébrée, car cet honneur est rendu aux saints en raison de la relation qu’ils entretiennent avec Dieu par-dessus les autres, et ce, en raison de leur sainteté ; or, ce n’est pas seulement le péché actuel qui sépare de Dieu, mais aussi le péché originel. Pourtant, la sainte Vierge a été conçue dans le péché originel, comme de nombreux saints semblent le dire, et cela peut être prouvé par de nombreuses raisons. Il semble donc que l’Église ne doive pas célébrer la fête de sa Conception. Ici, ne voulant pas contester, je dis brièvement qu’une chose est claire, c’est que la sainte Vierge a contracté le péché originel dans sa cause. La cause et la raison en sont les suivantes : ayant été conçue par l’union de l’homme et de la femme, elle a été conçue par la passion, et elle a donc eu le péché originel dans la cause, ce que son Fils n’a pas eu, parce qu’il n’a pas été conçu de la semence de l’homme, mais par le souffle mystique (Luc 1) : « L’Esprit saint viendra sur toi. » Par conséquent, ne pas avoir de péché originel est un privilège singulier du Christ seul.

Clément VI, Premier sermon sur l’Avent310.

Cette citation est pertinente à plusieurs égards. Premièrement elle exprime clairement une opposition à l’Immaculée Conception en reprenant une raison que nous avons identifiée de manière récurrente chez les Pères : une conception immaculée n’est possible que par une naissance virginale. Deuxièmement, Clément VI fait la même lecture que nous des pères et de saint Bernard, puisqu’il mentionne « de nombreux saints » dont Bernard, nommément, qui disent que Marie a été conçue dans le péché originel.

Grégoire de Rimini (1300-1358)

Philosophe italien et ermite selon la règle de saint Augustin, Grégoire de Rimini est l’un des derniers grands scolastiques. Commentant la façon dont Paul n’exempte personne du fait d’être un enfant de colère, il déclare à propos de l’Immaculée Conception :

Puisque la raison humaine ne peut avoir de certitude à ce sujet, il me semble qu’il faut plutôt retenir ce qui est le plus conforme à l’Écriture sainte et aux écrits des Saints […] partout où [l’Écriture] en parle, elle prononce une sentence universelle à l’égard de tous, sans aucune exception.

Grégoire de Rimini, Commentaire des Sentences II, Distinction 30, question 2311.

Il poursuit en citant Augustin, Ambroise, Fulgence et Anselme en appui.

Catherine de Sienne (1347-1380)

La grande mystique catholique, proclamée Docteur de l’Église romaine, dans une prière, affirme que Marie a été conçue dans le péché et purifiée plus tard. Les dominicains, fervents opposants à l’Immaculée Conception contre les franciscains, ont souvent affirmé que saint Catherine avait reçu une vision de la Vierge reniant l’Immaculée Conception. Les franciscains, quant à eux, invoquaient une vision de sainte Brigitte disant l’exact inverse. Je n’ai pu retrouver que le texte de la prière en question :

Le Verbe éternel nous a donc été donné par la main de Marie, et c’est de la substance de Marie qu’il a revêtu la nature sans la tache du péché originel, et cela parce que cette conception n’était pas humaine, mais avait été faite par l’inspiration du Saint-Esprit. Il n’en était pas ainsi en Marie, car elle n’était pas issue de la masse d’Adam par l’opération du Saint-Esprit, mais de l’homme. Et comme toute cette masse était corrompue, son âme ne pouvait être infusée que dans une nature corrompue, et elle ne pouvait être purifiée que par la grâce du Saint-Esprit, grâce dont le corps sensible n’est pas le sujet, mais un esprit rationnel ou intellectuel ; c’est pourquoi Marie ne pouvait être purifiée de cette tare qu’après que son âme eut été infusée dans son corps, ce qui, en vérité, fut fait par respect pour le trésor divin qui était destiné à être placé dans ce vase. En effet, de même qu’un fourneau consume une goutte d’eau en un instant, de même l’Esprit saint détruit la tache du péché originel : après sa conception, elle fut immédiatement purifiée de ce péché par la grâce de l’Esprit saint, et dotée d’une grande grâce. Tu sais, Seigneur, que c’est la vérité312.

Catherine de Sienne, prière 16313.

Jean a Montesono (1350 environ)

Théologien parisien, il énonce dans un ouvrage plusieurs thèses qui sont contra fidem, contraires à la foi. Parmi celles-ci figurent les deux suivantes :

Que tous les hommes ne contractent pas, excepté le Christ, le péché originel d’Adam, est expressément contraire à la foi.
Que la bienheureuse Marie, Vierge et Mère de Dieu, n’a pas contracté le péché originel, est expressément contraire à la foi314.

Jean a Montesono, Thèses, propositions X et XI.

Le concile de Florence (1438-1445) et Eugène IV (1383-1447)

Considéré comme œcuménique par Rome, ce concile a une histoire complexe qu’il serait trop long de détailler ici. Pour les besoins de cet article, il suffit de dire qu’au cours de ce concile fut rédigée une lettre à destination des chrétiens orientaux et signée du pape Eugène IV, leur exposant la foi de l’Église de Rome. Cette lettre, pour nos lecteurs protestants, ressemble fortement à une « confession de foi », à la différence qu’elle ne se concentre pas sur les points essentiels mais sur les éléments précis qui distinguent Rome de divers groupes hérétiques qui sont alors mentionnés explicitement. Elle expose en quelques points ces éléments (Dieu, l’Écriture sainte, le péché, les cérémonies juives, le baptême, etc.) et affirme son adhésion aux six conciles œcuméniques antiques (Nicée II n’était pas compté comme tel !). Dans cette épître, qu’on peut lire à la session 11 du 4 février 1422, il est affirmé :

Entre tous ceux qui sont nés de l’homme et de la femme, personne n’a été affranchi de la domination du démon sinon par la foi en notre Seigneur Jésus-Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, lequel a été conçu sans péché et est mort sans péché.

Eugène IV, Session XI du Concile de Florence315.

Pour ce concile, qui fait écho aux affirmations patristiques sur les hommes conçus naturellement, toute personne ainsi conçue a été sous l’empire du démon. Toute exception est exclue.

Antonin de Florence (1389-1459)

Dominicain, archevêque de Florence et remarqué pour ses œuvres de charité en temps de peste, Antonin de Florence a aussi produit des œuvres proprement théologiques dont l’une contient ce qui suit :

Si l’on considère attentivement les Écritures et les propos des docteurs anciens et modernes, qui étaient très dévoués à la glorieuse Vierge, il est clairement manifeste dans leurs mots qu’elle fut conçue dans le péché originel. Et ceux qui tiennent un avis contraire tordent leurs écrits vers une intention contraire à leurs auteurs. Premièrement, l’apôtre démontre ceci en Rom 3,23, lorsqu’il dit que Tous ont péché en Adam, et ont besoin de la gloire de Dieu ; et il n’excepte personne si ce n’est le Christ, comme la suite le montre clairement et comme le dit la Glose à propos de ce texte. Il est aussi dit en Job 3,9 : Qu’il attende la lumière et ne la voie pas, ni le lever de l’aurore ; le Prophète parle de la nuit qui désigne le péché originel, nuit qui ne voit jamais la lumière, c’est-à-dire le Christ ; car lui seul fut conçu sans le péché originel. Mais l’aurore est la Vierge Marie, dont le lever ne fut pas vu de la nuit du péché originel, car elle fut sanctifiée et lavée du péché originel avant de naître dans le monde. Le bienheureux Thomas exposa les choses en ce sens dans la Troisième partie, à la question 23 [de sa Somme]. Ecclésiaste 7,29 dit aussi : j’ai trouvé un homme parmi mille ; mais je n’ai trouvé aucune femme. Cet homme était le Christ. Et le nombre mille est utilisé selon la coutume de l’Ecriture qui emploie un nombre déterminé pour désigner une quantité indéterminée, c’est-à-dire, toute l’assemblée des saints, au milieu de laquelle le Christ seul fut trouvé sans aucun péché ; mais au milieu de laquelle aucune femme ne fut trouvée telle. De même, Grégoire, dans ses Moralia, livre XI, dernier chapitre, s’exprime ainsi : « Le Rédempteur seul était vraiment pur dans sa chair ; car il n’est pas issu de la concupiscence charnelle. » Beaucoup des plus illustres hommes de l’ordre des franciscains disent de même, et Bonaventure en particulier, le plus dévot de tous, qui fut ensuite cardinal, dit ainsi à propos du troisième livre des Sentences, distinction 3, question 2 : « la sanctification de la Vierge fut subséquente à la contraction du péché originel, car personne ne fut libre du défaut du péché originel, si ce n’est le fils de la Vierge seul, comme le dit l’apôtre en Romains 3 : Tous ont péché, et ont besoin de la grâce de Dieu. Et cette façon de parler est plus commune, plus raisonnable et plus sûre. Elle est plus commune, car quasiment tous soutiennent que la Vierge Marie avait le péché originel ; elle est plus raisonnable aussi, car ce qu’on est par nature précède ce qu’on est par grâce, que ce soit temporellement ou naturellement ; elle est plus sûre, parce que cela convient mieux à la foi et la piété, et est plus conforme à l’autorité des saints, dans la mesure où tous les saints, quand ils traitent de ce sujet, exemptent uniquement le Christ seul de cette masse de laquelle il est dit : tous ont péché en Adam. Et aucun de ceux que nous avons entendu de nos oreilles n’a dit que la Vierge Marie était exempte du péché originel. » Selon Richard de l’ordre des franciscains, cela revient à la Mère et au Fils ; à la Vierge Mère, puisque c’est son privilège à elle seule de concevoir sans péché. Au Fils qui, seul, est exempt de tout péché, même originel. Et si l’on réplique que certains saints auraient eu une révélation à propos de ce sujet, comme sainte Brigitte, nous devons dire que d’autres saints, illustres pour leurs miracles, comme la bienheureuse Catherine de Sienne, ont eu une révélation contraire. Et puisque même les vrais prophètes pensent parfois parler par la révélation du Saint-Esprit et parfois par eux-mêmes, il n’est pas inconvenant de dire que de telles révélations ne sont pas de Dieu, mais sont des rêves humains.

Antonin de Florence, Summa theologica, I, 8, II316.

Un élément d’intérêt, outre le fait qu’il confirme notre lecture de plusieurs docteurs, est que Antonin de Florence s’appuie aussi sur la Glose ordinaire. Si les Sentences de Lombard étaient le manuel de dogmatique et patristique de référence au Moyen Âge, la Glose ordinaire était le commentaire biblique de référence utilisé par les médiévaux. Ces deux synthèses de la pensée médiévale latine étaient donc opposées à l’Immaculée Conception.

Vincent de Castronovo  (1435-1506)

Vincent de Castronovo, aussi appelé Bandellus, était général de l’ordre des dominicains. Or, le jésuite Giovanni Perrone (1794-1876), conseiller du pape, dit à son propos :

Bandellus de Castronovo, le trente-septième général de l’ordre des prêcheurs, l’an 1470, dans un Traité concernant la pureté singulière et la prérogative de la conception du Christ, et dans d’autres œuvres, s’opposa d’une manière des plus virulentes contre l’opinion de l’Immaculée Conception comme absurde, impie, hérétique, diabolique, étant donné qu’elle était entièrement contraire aux saintes Écritures, aux conciles, aux Pères, aux scolastiques et finalement à la raison elle-même. De plus, dans son Traité concernant la pureté, etc. Bandellus énumère les témoignages de 216 Pères et scolastiques contre l’Immaculée Conception.

Giovanni Perrone, De immac. B. V. concep.317.

Un autre personnage d’envergure s’opposa donc à l’Immaculée Conception, certes. Mais surtout, un autre érudit confirme notre lecture des pères et des scolastiques.

Cajetan (1469-1534)

Cajetan, le célèbre opposant à Martin Luther, dit à propos de notre sujet :

Si l’on considère les Ecritures et les paroles des docteurs anciens et modernes qui ont été les plus dévoués à la glorieuse Vierge, il est clair, d’après leurs paroles, qu’elle a été conçue dans le péché.

Cardinal Cajetan, De Loc Theol, II318.

Ce qui est remarquable dans cette citation, ce n’est pas simplement qu’un grand théologien romain soit opposé à l’Immaculée Conception (comme vous l’avez vu, rien n’est plus courant) mais qu’il confirme à son tour notre lecture des pères de l’Église.

Saint Gérard, évêque et martyr, dans un sermon sur la Nativité de la bienheureuse Vierge, dit : « Ô jeune fille bénie qui, conçue dans le péché, fus purifiée de tout péché et engendras un Fils sans péché. » Ainsi, les autorités des saints et docteurs, qui sont allégués pour soutenir la proposition que la bienheureuse Vierge fut conçue dans le péché originel, sont solides et il est donc clair que cette option est raisonnable et probable.

Cajetan, Opuscules, t. II, Traité 1, De conceptione beatae Mariae199.

Beatus Rhenanus (1485-1547)

Catholique humaniste, proche de Érasme, il est à ce titre parmi ceux qui s’intéressent à la redécouverte des Pères et auteurs antiques et à leur étude dans les langues originales. Commentant les œuvres de Tertullien, il déclare :

Dans ce livre de Tertullien se trouvent certaines choses qui diffèrent de l’opinion des théologiens modernes. Ce qu’il dit par exemple à propos de ses frères, à savoir que sa mère n’adhérait pas au Christ. […] Toutefois, en plus d’Origène, saint Aurélien Augustin et Jean Chrysostome ne s’écartent pas du sentiment de Tertullien.

Beatus Rhenanus, Commentaire du traité de Tertullien sur la Chair du Christ.

Un auteur de plus donc, qui confirme notre lecture des Pères.

Melchor Cano (1509-1560)

Notre survol nous amène à déborder du Moyen Âge, pour considérer ce religieux dominicain qui assista au concile de Trente. Dans un écrit relatif à cette question, il affirme en effet :

Tous les pères qui ont fait mention de cette matière ont affirmé d’une seule voix que la Vierge bénie avait été conçue dans le péché originel319. C’est ce qu’affirment Ambroise, Augustin, Chrysostome. Bède aussi affirme cela dans son homélie sur le Missus est.

Melchor Cano, Loci Theologici320.

Notre examen ne peut que nous pousser à être d’accord avec son appréciation.

Alfonso Salmeron (1515-1595)

L’un des premiers compagnons d’Ignace de Loyola, fondateur avec lui de la société de Jésus, s’exprime ainsi :

Nous y opposons une multitude de docteurs […]. Car certains additionnent 200, d’autres, comme Bandellus, presque 300, et Cajetan 15 qui, dit-il, sont irréfragables contre [l’Immaculée Conception].

Alfonso Salmeron, Commentaire sur Romains 5, Traité 51321.

Francisco Suárez (1548-1617)

Francisco Suárez est considéré par plusieurs comme le plus grand scolastique après Thomas d’Aquin. Théologien jésuite espagnol, il offre cette remarque à propos des scolastiques médiévaux :

Il existe, donc, une deuxième opinion qui affirme que la Vierge fut conçue dans le péché originel et peu de temps après sanctifiée. Cette opinion est tenue par quasiment la totalité des anciens scolastiques avant Duns Scot.

Francisco Suárez, Commentaire de la ST III, Q 27, a 1-2322.

Le docteur jésuite fait donc une lecture similaire à la nôtre relativement aux scolastiques médiévaux.

Piero di Cosimo, L’Immaculée Conception avec les saints, 1505, représentant notamment Antonin de Florence, opposé à l’Immaculée Conception.

La Glose ordinaire

La Glossa ordinaria est un commentaire standard de la Bible, inscrit dans les marges de la Vulgate et circulant tout au long du Moyen-Âge à partir du XIIe siècle. Si les Sentences sont le manuel de dogmatique par excellence, la Glose ordinaire est le commentaire biblique de référence, compilant des exégèses patristiques notamment. Nous avons vu en étudiant Antonin de Florence que la Glose affirme que seul le Christ est sans péché. Alexandre de Hales cite un autre extrait intéressant de celle-ci à propos de l’Annonciation :

Le Saint-Esprit venant sur la Vierge a purifié son esprit même de toute impureté des vices323.

La Glose ordinaire, citée par Alexandre de Hales, Summa universæ theologiæ324.

Le commentaire médiéval standard, synthétisant l’exégèse patristique, conçoit donc une purification de la Vierge à l’incarnation.

Les autres médiévaux

L’examen que nous avons proposé me semble suffisant pour la thèse de l’article. Toutefois, d’autres médiévaux disent très explicitement que la Vierge a été conçue dans le péché. Il reste encore des dizaines d’auteurs à traiter et des dizaines de citations qui n’ont pas encore été incluses dans cet article, qui confirment l’analyse qui y est proposée et dont je dois identifier la référence précise. Je liste quelques noms avec les dates de naissance et de décès (ou uniquement de décès) pour donner une idée de l’abondance des auteurs ecclésiastiques antiques et médiévaux non traités qui proclament tous unanimement que seul Jésus est sans péché originel, que tous ceux nés d’un homme et d’une femme sont conçus dans le péché ou, explicitement, que la Vierge a hérité du péché originel et/ou qu’elle a été purifiée : Alcuin (780), Haymo de Halberstadt (853), Rémi de Lyon ou d’Auxerre (855 ou 880), Bruno le Carthusien (1086), Hervé de Déols (1130), Porrée de Poitiers (1141), Odo, abbé cistercien de Murismundi (XIIe), Richard de Saint-Victor (1150), Zacharie de Besançon (1157), de l’ordre des prémontrés, Guillaume de Newburgh (1136-1198), augustinien, Hugues de Pise (1212), déjà cité par Duns Scot comme opposant, Sicard de Crémone (1155–1215), Castellanus (XIIIe), dominicain, Jean le Teutonique (1180-1245), quatrième général des dominicains, Richard de Saint-Laurence (1230), cistercien, Henri de Suse (1200-1271), Raymond de Peñafort (1175-1275), troisième général des dominicains, Guy de Baysio (1250-1313), Bartolomeo de San Concordio (1260-1347), Jean Andrea (1348), Guillaume de Paris (?), Alain de Lille (XIIe), professeur à Paris, Pierre Praepositivus (1214), chancellier à Paris, Moneta de Crémone (1220-1250), l’un des premiers dominicains, Guillaume III Arvernus (1249) évêque de Paris, Guillaume d’Auxerre (1230), théologien parisien, Lucas de Padoue (1245), disciple et compagnon de saint Antoine, Guillaume Perault (1250, dominicain, Jean de Paris (1269), dominicain, Hugues de Strasbourg (1200-1268), dominicain, Hannibaldus de Hannibaldis (1220-1272), dominicain et cardinal, 23e maître de théologie à Paris, fort apprécié de Thomas, Jean Gil de Zamora (1274), franciscain, Martin Polonus (1277), dominicain et archevêque de Gniezno, Conrad de Saxe (1282), franciscain, Jean de Gênes (1286), dominicain, Jacques de Voragine (1230-1298), archevêque de Gênes, auteur de la célèbre Légende dorée, Richard de Menneville (1249-1302) qui était franciscain, Jean de la Rochelle (1200-1245) qui était aussi franciscain, Guillaume d’Alton (1265), Jean de Varsy (1270), Thomas de Hales (XIIIe) franciscain, Eudes de Châteauroux (1190-1273), scolastique français, Henri de Gand (1217-1293) qui était, comme Thomas d’Aquin, un disciple de Albert le Grand, Gilles de Rome (1243-1316), un scolastique de l’ordre des augustins, archevêque et surnommé « Prince des théologiens », Ulrich de Strasbourg (1225-1277), dominicain, Réginald de Rouen (1276), franciscain et archevêque de Rouen, Hugo de Gaule (1297), archevêque d’Ostie et cardinal, Jacques de Benedictis (1306), franciscain, Jacques de Lausanne (1321), dominicain, Jean de Saxe (1325), moine augustin, Bertrand de la Tour (1262-1332), franciscain et cardinal, Jean de Naples (1350), dominicain et professeur à Paris, Gui Terreni (1260-1342), général des Carmélites, évêque de Majorque puis d’Elne, général Inquisiteur, Hervé Nédellec (1250-1323), XIVe général des dominicains, Jean de Poliaco (1320), docteur parisien, Jean Baconthorpe (1290-1348), provincial des Carmélites anglais qui nomme cette idée une hérésie, Jean Ricardi (1340), franciscain et évêque de Tragonara, Paulus Salucius de Perusio (1350), carmélite, Nicolas Treveth (1328), professeur à Oxford, Durand de Saint-Pourçain (1334), dominicain français, maître du Palais apostolique sous Jean XXII et évêque de Meaux, Nicolas de Lyre (1270-1349) frère mineur, théologien et exégète, qui influença tous les auteurs des XIVe et XVe siècles, Grégoire d’Ariminum (1357), général des ermites Augustins, Ludolf de Save (1378), dominicain puis chartreux, Pierre de Baume (XIVe), professeur à Paris, saint Vincent Ferrier (1414), saint Denys le Chartreux (1402-1471), mystique de l’ordre des Chartreux.

De manière générale, les dominicains ainsi que l’université médiévale de Paris se sont fait les champions de la position maculiste jusqu’à une certaine période. Comme le rapporte l’Encyclopédie Catholique, l’université de Paris obtint même en 1275 que la fête de la Conception de Marie soit abolie dans les diocèses français325.

Une thèse soumise en 2020 à l’université de Normandie et portant sur l’Immaculée Conception en Suède au bas Moyen Âge affirme que « jusqu’au milieu du quatorzième siècle, la position maculiste était majoritaire326 ». Une des principales études récentes sur ce sujet conclut en effet que la position maculiste était majoritaire à cette époque327.

Le prêtre Jean de Launoy (1603-1678), encore opposé à l’Immaculée Conception au XVIIe siècle, dans un ouvrage que l’on trouve en ligne en latin, cite les différents papes que nous avons mentionnés ainsi que divers pères de l’Église. Il montre par ailleurs que les premiers franciscains eux-mêmes, ainsi que Ignace de Loyola et les premiers jésuites étaient opposés à l’Immaculée Conception. Jean Perrone (1794-1876), qui entend lui répondre, balaie d’un revers de la main les citations de Grégoire, Gélase et Léon en disant que celles-ci prouveraient non seulement que Marie a été conçue dans le péché mais aussi qu’elle n’en aurait été purifiée qu’à l’Incarnation, ce que Launoy n’entend pas soutenir ! Retrouver dans des éditions correctes les diverses citations serait un travail colossal, que je reporte pour l’instant.

Les siècles suivants

Notre examen s’arrête à la période médiévale, même si nous en avons débordé légèrement. Dans les siècles qui suivent, il est aisé de trouver des auteurs de l’un et de l’autre bord de ce débat. Toutefois, il faut noter que les auteurs qui défendent l’Immaculée Conception la défendent comme une opinion possible et non comme une doctrine révélée. Ainsi, trouver des auteurs favorables à cette idée ne suffirait toujours pas à prouver que cette doctrine était reçue comme révélée et transmise des apôtres. Si toutefois un examen approfondi des siècles suivants vous intéresse, je mets à votre disposition un fac-similé de deux articles parus au XIXe siècle dans l’Observateur catholique :

  1. L’Immaculée Conception du XIVe au XVIe siècle ;
  2. L’Immaculée Conception du XVIIe au XIXe siècle.

En complément, on peut ajouter Wladimir Guettée, Le Nouveau dogme en présence de l’Écriture Sainte et de la tradition catholique.

Pour nous donner un aperçu du discours quelques temps après la Réforme, deux extraits d’un échange entre Johannes Molanus, prêtre et abbé catholique et représentant de la Contre-Réforme et Bossuet, qui est probablement le plus grand évêque catholique de l’ère moderne, sont fascinants. L’historien Ferdinand Brunetières rapporte ces propos dans sa biographie de Bossuet. Molanus, dans la perspective d’une réunion avec les protestants, relève les différends entre les deux confessions : « Une partie de l’Église romaine approuve l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, et une partie l’improuve. Toute l’Église des protestants a décidé que la bienheureuse Marie, quoique très sainte et très pleine de grâce, a été conçue, cependant, avec le péché originel. Pour la paix et la concorde, les catholiques, dans l’assemblée projetée, seront priés de se ranger à la croyance que l’Église protestante entière a adoptée328. » Et Bossuet de lui répliquer : « Ce n’est pas une partie de l’Église, mais toute l’Église romaine qui regarde l’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge pour une chose indifférente et qui n’appartient pas à la foi329. » Ainsi, encore au XVIIe siècle, l’un des plus grands orateurs catholiques, évêque, précepteur du fils de Louis XIV et membre de l’Académie française, affirme catégoriquement qu’aucun catholique ne tient l’Immaculée Conception pour un dogme.

Pourquoi donc promulguer un tel dogme ?

Puisqu’il est manifeste que l’Immaculée Conception n’avait pas été considérée comme un dogme, quelles raisons ont pu motiver sa proclamation ? Un abbé contemporain de la bulle se hasarde à une explication que nous allons examiner :

Quel était donc le motif ou l’objet réel de la publication de la bulle Ineffabilis le 8 décembre 1854 ? Il s’agissait d’éteindre la théorie gallicane et d’ériger la théorie ultramontaine en véritable doctrine de l’Église catholique romaine. C’était un coup d’État ecclésiastique, par lequel les pouvoirs d’un Conseil général étaient saisis et usurpés pour l’avenir, par le seul Souverain Pontife. Car si un catholique gallican ou américain accepte la Bulle, il admet l’autorité du Pape pour définir un article de la foi, sans Concile général, et ce faisant, il devient un ultramontain.

Jean-Joseph Laborde, La croyance à l’immaculée conception de la Sainte Vierge ne peut devenir dogme de foi.

Laborde, abbé catholique et gallican, évoque un conflit qui faisait rage il y deux siècles dans l’Église romaine. Il opposait les ultramontains aux gallicans et affiliés. Les gallicans soutenaient qu’un pape ne pouvait pas, de sa propre et seule autorité, promulguer un dogme. Il ne pouvait le faire qu’en tant qu’il préside un concile. Ainsi, ils étaient les héritiers du conciliarisme médiéval et antique dont nous avons déjà traité sur ce site. Les ultramontains soutenaient la thèse contraire : le pape peut, de lui-même, proclamer un dogme.

On imagine bien comment l’Immaculée Conception a pu être un tour de force pour les ultramontains. Si les gallicans acquiesçaient au dogme, ils acceptaient du même coup l’ultramontanisme car ce dogme ne fut promulgué que par le pape. S’ils refusaient, ils risquaient d’encourir des sanctions. Mais est-ce là la rêverie des gallicans ou a-t-on des raisons de penser que cette motivation était à l’œuvre lors de la préparation de la bulle ? Parmi les délibérations précédant sa publication, le discours d’un évêque participant à celles-ci et répondant à un prélat qui suggérait de mentionner l’avis des évêques montre assez clairement que cette motivation était bien présente :

Il vaut infiniment mieux que le souverain Pontife prononce seul la définition de l’Immaculée Conception afin que ce jugement solennel soit catholique dans sa forme comme il est catholique pour le fond. Je m’explique. […] Si le souverain Pontife prononce seul la définition de l’Immaculée Conception à laquelle tous les fidèles adhéreront spontanément son jugement fournira une démonstration pratique de l’autorité souveraine de l’Église en matière de doctrine et de l’infaillibilité dont Jésus Christ a investi son vicaire sur la terre. Au contraire, si le jugement des évêques intervient dans la définition, loin d’obtenir ces avantages, le saint Siège semblera flatter des opinions surannées et depuis longtemps flétries. Applaudissons donc sans réserve à la sagesse du souverain Pontife qui a résolu pour le bien de l’Église entière de prononcer seul la définition que nous désirons.

Cité par Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi330.

Ces « opinions surannées », périmées, ce sont évidemment celles des gallicans qui, pour leur péremption, ont été affublés du nom de « vieux catholiques » par les novateurs, après cette bulle papale et plus encore après Vatican I.

L’évêque Jean-Baptiste Malou, défenseur de l’Immaculée Conception, qui rapporte ce discours, commente alors :

C’était la pensée commune : ces paroles furent applaudies comme l’expression fidèle des sentiments qui animaient tous les évêques.

Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi331.

Conclusion de l’examen historique

Comme nous l’avons vu, l’Immaculée Conception est étrangère à l’Église antique et au début de la période médiévale. Les auteurs que nous avons considérés ne s’opposent pas à l’Immaculée Conception comme si elle était une position connue avec laquelle ils seraient en désaccord : ils ignorent tout simplement une telle opinion. Quand ils en viennent à faire des remarques qui touchent à ce sujet (Christ seul est né sans péché, parce que né d’une vierge ; Marie a été purifiée ; Marie a fauté à telle occasion), on remarque qu’ils considèrent que Marie aussi a été touchée par le péché originel, quelle que soit leur opinion quant à ses péchés personnels. C’est au point que Bonaventure peut encore dire qu’il n’a jamais rencontré quelqu’un soutenant que Marie ait été conçue sans péché.

Les premières controverses touchant explicitement à ce sujet surgissent dans l’Église latine, dans un contexte liturgique : l’apparition d’une fête de la conception de Marie. Cette fête a pu être célébrée en Orient plus tôt sans engendrer de controverse parce qu’elle ne s’accompagnait pas d’une idée de conception immaculée : les auteurs qui mentionnent cette fête font aussi référence à la stérilité supposée de la mère de Marie, et c’est ce miracle qui était célébré332. Ainsi, le Canon de saint André de Crète, un office liturgique duquel on tire la première mention de cette fête, dit : « En ce jour nous célébrons, ô sainte Anne, votre conception, parce que, délivrée des liens de la stérilité, vous avez conçu celle qui a pu contenir l’Immense333. » Et, comme le disent Guillaume Durand, Bellarmin, Thomas d’Aquin, Bonaventure, Paul de Pérouse et d’autres c’était aussi une célébration anticipant son statut de Mère de Dieu (plutôt en Orient) et sa sanctification (plutôt en Occident)334. Les réactions des grands docteurs latins sont vives et unanimes dans leur opposition à cette fête qu’ils considèrent comme une innovation inconnue des Pères. C’est à ce moment que les auteurs ecclésiastiques commencent à parler explicitement d’Immaculée Conception, mais très majoritairement comme une position qu’ils rejettent et qui serait potentiellement impliquée si l’on acceptait une telle fête. Certains vont jusqu’à qualifier cette idée d’hérésie et d’impiété. En s’opposant à l’Immaculée Conception, ces docteurs affirment suivre l’avis des pères de l’Église, notamment Augustin. Cette fête d’abord inconnue puis combattue devient tolérée, sous réserve qu’on n’y voie pas… une affirmation de l’Immaculée Conception. Saint Vincent Ferrier, au début du XVe, mentionne la fête de la conception de Marie comme célébrée par « certains » et précise : « La bienheureuse Vierge fut conçue dans le péché originel […]. C’est pourquoi la fête de la Conception doit être rapportée à la sanctification, et non à la conception même335. »

C’est chez les franciscains, qui étaient pourtant opposés dans un premier temps à l’Immaculée Conception, que nous rencontrons le premier grand théologien à défendre cette idée. Duns Scot est conscient de s’opposer à l’idée commune de son temps et des siècles précédents et explique comment on pourrait harmoniser ce qu’il propose avec certaines phrases des Pères. Il avance son argumentaire avec prudence, considérant l’Immaculée Conception comme possible et, par convenance, comme probable mais pas comme une doctrine révélée ou transmise depuis les apôtres.

L’opinion du docteur subtil, comme on l’appelle, est loin de prévaloir immédiatement et rencontre une ferme opposition des dominicains qui se rangent derrière l’avis de Thomas d’Aquin. Cette querelle est le shiboleth de la concurrence entre dominicains et franciscains qui invoquent chacun leur docteur et des mystiques de leur côté. À cette période et dans les siècles suivants, il n’est pas difficile de trouver des théologiens de renom, qu’ils soient dominicains, jésuites, augustins, franciscains, chartreux, carmélites ou proches des jansénistes, qui s’opposent à cette doctrine. Même après Duns Scot, comme nous l’avons montré, quand cette fête est tolérée, il est précisé régulièrement que ce n’est pas en vue de célébrer une conception immaculée de la Vierge. Encore au XVIIe siècle, le cardinal Bellarmin précise que « le fondement principal de la fête de la Conception n’est pas la Conception-Immaculée, mais simplement la Conception de la future mère de Dieu336».Cette opposition décroit avec les siècles dans l’Église romaine jusqu’à être minoritaire au XIXe lorsque ce dogme est promulgué. Comme en témoignent les journaux gallicans de cette époque, il y eut toutefois une contestation vigoureuse de la part de certains.

Au début du siècle de la Réforme, la querelle entre franciscains et dominicains sur ce sujet faisait rage, chacun alléguant des nouvelles révélations et apparitions mariales dans son sens, allant parfois jusqu’au procès en hérésie et au bûcher, comme à Berne en 1507 – Ah, la douce unité romaine que Luther vint briser337! Il est intéressant de remarquer, puisqu’il est question d’unité, que c’est le concile de Bâle (1431-1439), dissous par Eugène IV et ayant, en réponse, nommé un autre pape (Félix V, considéré comme antipape), qui a pour la première fois défini dogmatiquement l’Immaculée Conception338. Le pape a alors envoyé un légat, le cardinal Jean de la Tour-Brûlée, pour réfuter les docteurs qui influençaient le concile de Bâle, notamment sur la question de l’Immaculée Conception. De retour à Rome, il fit publier dans cette même ville et avec l’approbation du pape son livre intitulé Traité du véritable état de la Conception de la très sainte Vierge. Il parut en 1447 chez Antoine Blade339.

Après le survol que nous avons proposé, il nous semble que l’affirmation selon laquelle « cette doctrine a toujours été professée comme révélée et transmise de mains en mains par nos pères » est le résumé le plus inexact qu’il soit possible de faire de la tradition chrétienne. Et ce n’est pas la simple conclusion de notre étude, c’est ce qui transparaît de manière évidente à tout lecteur des Pères, c’est une conclusion soutenue par des historiens catholiques, orthodoxes comme protestants et par des saints, docteurs, cardinaux et papes catholiques. Il serait plus exact de dire que « cette doctrine n’a jamais été professée durant l’Antiquité » et qu’elle ne l’a pas été comme révélée et transmise par les apôtres durant tout le Moyen Âge et même bien au-delà. Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, à l’article Conception, concluait avec justesse :

Jusqu’au XIIe siècle, nous voyons l’Église en possession paisible de la foi à l’universalité du péché originel ; aucun Père, aucun écrivain ecclésiastique ne songe à soustraire la Vierge Marie à cette loi, en lui attribuant la prérogative d’une conception sainte ; ce qui ne doit pas surprendre, si l’on considère qu’une telle prérogative, en même temps qu’elle tendait à effacer la différence spécifique du Sauveur avec le reste des hommes, était essentiellement incompatible avec l’idée qu’on se faisait de la transmission héréditaire du péché d’Adam.

Larousse Pierre, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, tome IV340.

Pour résumer encore autrement les données présentées, il faut dire que pas moins de 11 papes ont enseigné autrement, certains de manière très explicite (Léon, Gélase, Grégoire, Jean IV, Innocent III, Honoré III, Innocent IV, Innocent V, Jean XXII, Clément VI et Eugène IV), que deux conciles œcuméniques ont approuvé des textes parlant de la purification de Marie et de sa faute (Chalcédoine et Constantinople III), qu’un autre concile considéré comme œcuménique par Rome a affirmé qu’aucune personne conçue naturellement n’avait échappé à l’empire du démon et qu’au moins 26 des 37 docteurs que l’Église romaine reconnait ont aussi enseigné autre chose (dans l’ordre de proclamation : Augustin, Ambroise, Jérôme, Grégoire le Grand, Athanase, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Jean Chrysostome, Thomas d’Aquin, Bonaventure, Anselme, Isidore de Séville, Pierre Chrysologue, Léon, Pierre Damien, Bernard de Clairvaux, Hilaire de Poitiers, Cyrille d’Alexandrie, Cyrille de Jérusalem, Jean Damascène, Bède le Vénérable, Éphrem le Syriaque, Albert le Grand, Antoine de Padoue, Catherine de Sienne, Irénée de Lyon), pour ne citer que ceux que nous avons passés en revue. Fait intéressant, lorsque le dogme de l’Immaculée Conception a été promulgué en 1854, aucun de ceux comptés alors comme Docteurs de l’Église n’était en faveur de ce dogme. Il est vrai que le titre de Docteur de l’Église a quelque peu pâli depuis que François y a promu Grégoire de Narek, un moine arménien qui rejetait le concile de Chalcédoine341 et n’était même pas en communion avec Rome342, mais combien de papes et de docteurs opposés à une doctrine faut-il pour que celle-ci ne puisse pas prétendre être « professée depuis toujours dans l’Église » ?

Lorsqu’un père croit qu’une doctrine fait partie du dépôt apostolique, des doctrines qui sont révélées et qui viennent de nos pères, il ne conteste jamais cette doctrine, il combat ceux qui la nient et il en parle avec une certitude pleine. Plus encore, ces doctrines apostoliques, comme celles des grands symboles antiques, font l’objet d’un consensus sans faille chez les Pères, les imprécisions du langage exceptées. Aucun médiéval n’affirme n’avoir jamais entendu quelqu’un soutenir un dogme véritablement apostolique. Un tel dogme n’est jamais présenté comme une opinion probable par ses défenseurs. L’Immaculée Conception ne remplit aucune de ces conditions, quand elle n’est pas niée, elle est au mieux absente. Et la première fois qu’elle est défendue par un théologien, c’est comme une option possible. Un lecteur même novice des Pères peut constater combien le langage des pères diffère lorsqu’ils traitent d’une doctrine reçue comme révélée. Les mots d’Eugène Sécrétant, répondant dans un article paru dans l’Observateur catholique, un journal catholique gallican du XIXe siècle, au cardinal Gousset qui citait plusieurs théologiens à partir du XIVe siècle en faveur du nouveau dogme, sont exacts :

Quand on aura épuisé la liste des docteurs des deux écoles, enregistré des noms et des phrases contradictoires, en sera-t-on plus avancé ? On ne pourra en tirer légitimement que cette conclusion : c’est que l’opinion de l’Immaculée Conception n’était qu’une pure opinion, et qu’elle n’appartenait pas à la foi. Cette conclusion incontestable est d’une grande valeur, car on sait que les évêques ne peuvent définir que ce qui fait partie de la révélation, que ce qui a toujours été regardé comme de foi. Ce principe est une des bases de la théologie catholique. La définition des évêques, parlant en juges de la foi et en témoins de la foi constante de leurs Églises respectives, ne peut changer en dogme une opinion, parce que cette définition n’est qu’une constatation de la foi. Ainsi, lorsqu’Arius, par exemple, attaqua la divinité de Jésus-Christ, les évêques assemblés à Nicée, en concile œcuménique, déclarèrent que la doctrine d’Arius était en contradiction avec la foi constante de leurs Églises ; c’est ainsi que la foi en la divinité de Jésus-Christ fut constatée. Il en a été de même dans tous les siècles, lorsqu’un article de foi fut attaqué et que l’Église fut appelée à se prononcer. Est-ce ainsi que l’on a procédé à l’égard de l’Immaculée Conception ? Non. Cette doctrine, d’abord, est opposée à l’enseignement de tous les Pères de l’Église, comme nous l’avons démontré. Ce n’est qu’au Moyen Âge que l’on a commencé à agiter la question de l’Immaculée Conception, et les docteurs les plus savants de cette époque l’ont combattue, comme nous l’avons fait voir dans nos précédents articles.

Eugène Sécrétant, « Réfutation », L’Observateur Catholique, mai 1856.

Des objections peu sérieuses

Lorsque les apologètes catholiques romains cherchent des traces de cette doctrine chez les Pères, ils utilisent plusieurs arguments. À dessein, nous ne les avons pas encore traités parce que la réponse est plus rapide et simple maintenant que nous avons une idée plus juste de l’histoire de ce « dogme » et que le lecteur a bien en tête les sources premières. Ces apologètes citent, par exemple, des pères qui établissent un parallèle entre Ève et Marie (parallèle reconnu par des exégètes orthodoxes ou protestants, qui ne croient pourtant pas en l’Immaculée Conception, ce qui devrait suffire à suggérer que l’un n’implique pas l’autre…). Mais, comme nous l’avons vu, ce même parallèle peut être utilisé par un pape contre l’Immaculée Conception.

Ils citent encore des pères qui vont qualifier Marie de sainte, innocente, pure ou encore immaculée. Mais rien n’indique qu’ils pensent qu’elle est devenue telle en étant conçue sans péché : en fait, plusieurs des pères que nous avons examiné et qui parlent clairement de péchés actuels chez Marie vont employer ces épithètes343, que l’on retrouve encore une fois chez des théologiens orthodoxes ou protestants ne croyant pourtant pas à l’Immaculée Conception344. Plusieurs de ceux-là affirment qu’elle a été purifiée à l’Annonciation345. L’évêque de Bruges, dans un ouvrage écrit pour défendre le nouveau dogme quelques années après sa proclamation, reconnaît ce fait : 

Les anciens docteurs, qui ont nié le privilège de l’Immaculée Conception, ont appliqué toutes ces épithètes à Marie ; [ils] ont quelquefois enchéri sur elles. Ils n’y voyaient donc point une preuve convaincante du privilège de la mère de Dieu.

Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi346.

Ce serait une erreur de croire que les pères orientaux ont, même implicitement, déclaré que la Vierge était pure du péché originel simplement parce qu’ils ont évoqué sa pureté de manière si catégorique […]. Il suffisait de croire qu’elle fût purifiée dans le ventre de sa mère à la façon de Jean-Baptiste (ou, comme le croyaient certains, au moment de l’Incarnation), plutôt qu’au moment de sa conception, pour parler de Marie en ces termes. D’ailleurs, dans l’Église grecque, une dichotomie a longtemps persisté entre la louange complète et hyperbolique attribuée à la Vierge et la croyance qu’elle n’était pas libre de défauts, en particulier dans sa difficulté à accepter la crucifixion de son Fils.

Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods 347.

Ils invoquent des typologies mariales comme l’arche, le tabernacle ou le temple : l’idée est que tout comme le temple a contenu le Saint des saints, de même Marie a contenu le Christ. Toutefois, cette image ne prouve toujours pas qu’ils croyaient en l’Immaculée Conception. Plus encore, lorsqu’Innocent V affirme que Marie n’a pas été conçue sans péché, il le fait en se fondant précisément sur la typologie du temple : le parvis, le lieu saint et le saint des saints ont des degrés croissants de sainteté. Ainsi, dit-il, seul Jésus, le saint des saints, est conçu et né sans péché. Les autres saints sont purifiés après leur naissance. Marie, en tant que lieu saint, tient le juste milieu : purifiée après sa conception, mais avant sa naissance. Si, encore au XIIIe siècle, où la dévotion mariale avait pris des proportions inconcevables à l’ère patristique, on peut utiliser l’analogie du temple pour parler de Marie sans que cela n’implique une immaculée conception, à plus forte raison est-ce le cas pour les pères. Chrysippe de Jérusalem et le pape Honoré III (ainsi que Arnobe le Jeune) utilisent encore respectivement l’analogie de l’arche et celle du tabernacle pour parler de la purification de Marie. Par ailleurs, un peu de bon sens devrait suffire ici : puisque la trajectoire, alors que l’on passe de l’Antiquité au Moyen Âge et que l’on progresse dans le Moyen Âge est vers une dévotion croissante envers Marie, comment serait-il possible que dans le même temps on passe d’une idée antique de l’Immaculée Conception à un rejet unanime de celle-ci au début du Moyen Âge ? L’inverse eût été plus vraisemblable. Ainsi, il me semble qu’il faille, comme le fait l’apologète catholique romain Éric Ybarra, concéder que l’Immaculée Conception ne découle en rien nécessairement des affirmations des Pères348.

Pour ce qui est des auteurs traitant de la prépurification de la Vierge, certains auteurs ont tenté d’y voir une affirmation de l’Immaculée Conception. Comme nous l’avons vu, les pères situent cette purification à l’Annonciation, ce qui ne permet donc pas d’y voir une telle chose. D’autres ont alors tenté d’au moins ne pas y voir une contradiction de l’Immaculée Conception : il s’agirait d’une façon de parler d’un accroissement de grâce pour Marie et non d’une purification du péché. Remarquons au passage que ces deux explications s’opposent l’une à l’autre. Qu’il s’agisse d’un accroissement de grâce, cela peut s’entendre, mais cela n’exclut en rien qu’il s’agisse tout à la fois d’une purification du péché. En effet, les pères, comme nous l’avons vu, sont explicites à ce sujet. Sans mentionner à nouveau les sources citées plus tôt, je rappelle que Grégoire l’Illuminateur dit que l’esprit et les membres de Marie ont été sanctifiés à l’Annonciation. Éphrem dit que Marie y a connu une seconde naissance (un langage étroitement associé à la purification baptismale), que Christ est né d’une « nature sujette à l’impureté et nécessitant une purification par la visitation divine » et que le Christ « purifia la Vierge, l’ayant premièrement préparé par le Saint-Esprit » ; il compare Christ à une perle et le sein maternel avant purification aux animaux rituellement impurs ; il dit que « l’Esprit sanctifia l’édifice qui était impur ». Méthode d’Olympe compare la purification que Jésus apporte à Marie à celle que le sel apporte à l’eau mortifère en 2 Rois 2,21. Cyrille de Jérusalem s’exclame en commentant la réponse étonnée de Marie à l’annonce de l’ange : « là où le Saint-Esprit souffle, toute pollution est ôtée ». Chrysostome qui mentionne une telle purification croit aussi à des fautes actuelles chez Marie. Chez les latins, Augustin dit qu’étant né d’une chair maternelle de péché, il a dû la purifier en la prenant. Antoine de Padoue dit qu’il « purifia son esprit des taches du péché ». Alexandre de Hales dit qu’il s’agissait d’une purification du péché selon la nature. Thomas d’Aquin, Richard de Menneville, Gilles de Rome, Guillaume Durand de Saint-Pourçain, Honoré III, Innocent III disent qu’il s’agissait d’un retrait du foyer du péché. Guillaume d’Ockham dit qu’elle y gagna la capacité de ne plus commettre de péchés, même véniels. Rappelons aussi que ces médiévaux, y compris Duns Scot, citent les pères mentionnant la purification comme des autorités opposées à l’Immaculée Conception. C’est donc qu’ils comprenaient que cette affirmation impliquait une purification du péché. Rappelons encore que c’est aussi ce que conclut le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de 1922. En bref, un simple survol des données présentées montre que cette explication est peu solide.

Un autre argument apparu dans les écrits de Carlo Passaglia il y a deux siècles est la célébration de la fête de la conception de Marie (connue sous le nom de fête de la conception de sainte Anne en Orient) pendant le Moyen Âge et dont nous avons des traces dès la fin du VIIIe siècle en Orient349. Mais, comme nous l’avons vu, cette fête a été combattue en Occident puis reçue sous réserve de ne pas y voir une affirmation de l’Immaculée Conception. Pour ce qui est de l’Orient, cette fête n’a pas non plus été associée à l’idée d’une conception immaculée, comme l’ont montré plusieurs orientalistes catholiques350. Pour que cette fête puisse être utilisée comme démonstration d’une croyance en l’Immaculée Conception, il faudrait qu’elle s’y réfère. Mais non seulement les médiévaux sont-ils silencieux quant à cette référence, ils avertissent même de ne pas y voir une telle référence. Là encore, un peu de bon sens suffirait : les orientaux célèbrent encore cette fête, sans y voir de référence à une exemption du péché originel. L’Église ancienne célébrait aussi, et avant la conception de Marie, celle de Jean-Baptiste, faut-il y voir aussi une affirmation de son Immaculée Conception ? Voici comment s’exprimait le patriarche orthodoxe de Constantinople quelques temps après la proclamation du dogme :

L’Église papale a encore innové, il y a quarante ans à peine, en établissant, au sujet de la conception immaculée de la Vierge Marie, la Mère de Dieu, un dogme nouveau, qui était inconnu dans l’ancienne Église, et qui avait été jadis violemment combattu même par les plus distingués théologiens de la papauté.

Anthime de Constantinople, Lettre encyclique patriarcale et synodale351.

Jean-Baptiste Malou, évêque de Bruges, produit à la suite du cardinal Thomas Gousset un dernier argument original pour l’Immaculée Conception chez les Pères. Étant bien en peine de prouver que les pères égyptiens, abyssiniens et coptes y croyaient, il en vient à citer… le Coran ! Le Coran, en effet, dit qu’Anne place Marie et sa descendance « sous Ta protection [d’Allah] contre Satan le maudit » (أُعِيذُهَا بِكَ وَذُرِّيَّتَهَا مِنَ ٱلشَّيۡطَٰنِ ٱلرَّجِيمِ) à sa naissance352. Un haddith datant possiblement du IXe siècle, selon Abu Hurayrah, présent dans les collections de Al-Bukhari et Muslim et commentant ce passage nous dit que les enfants pleurent à leur naissance parce que le démon les touche à ce moment et exempte de cela Jésus et Marie353. Qu’il en arrive à citer le Coran est en soi un aveu d’échec, d’autant plus quand on considère que ce livre ne traite ni de péché originel ni de conception dans cette section et que ses sources gnostiques sont évidentes pour certains éléments de la vie de Jésus354. La preuve qu’il pense en tirer ne peut être que pénible au lecteur :

La Providence a été vraiment admirable en conservant dans les livres des ennemis de la foi les vestiges de la révélation divine qui nous enseigne le mystère de l’Immaculée Conception et en nous fournissant des témoins musulmans de l’antique croyance des Églises chrétiennes alors que les témoins chrétiens de cette époque nous font défaut.

Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi355.

Il nous reste encore à mentionner le dernier joker des apologètes romains. Il suffirait de plaquer sur cette histoire de la mariologie l’étiquette « développement doctrinal » pour soudain tout harmoniser356. Premièrement, il faut remarquer que l’affirmation du pape utilise un langage qui évoque plus que la vague idée d’un développement : cette doctrine est censée être professée de tout temps comme étant révélée. Deuxièmement, quelle est cette étrange sorte de développement qui fait qu’une chose niée dans un premier temps finisse par être considérée comme un dogme d’origine apostolique ? Ce n’est pas parce qu’une contradiction prend du temps et plusieurs étapes à s’établir qu’elle peut prétendre s’appeler développement. J’aimerais que nos amis apologètes romains prennent conscience de ce qu’impliquerait une telle idée : après tout, le sacerdoce féminin ne pourrait-il pas être la conclusion d’un long « développement » qui, en plusieurs étapes, nous conduit du sacerdoce masculin à cette position en passant par le diaconat féminin et autres étapes intermédiaires ? Si, lorsque les catholiques romains prétendent être en continuité avec l’Église antique, c’est ce genre de continuité qu’ils ont en vue, impliquant qu’une chose niée catégoriquement soit ensuite affirmée dogmatiquement, qu’ils veuillent bien souffrir que cet argument ne soit pas de nature à nous ébranler. En réalité, les doctrines de la Réforme ont bien plus de raisons de prétendre à l’appellation « développement doctrinal » que cette Immaculée Conception.

Alors, face à cette avalanche de preuves historiques contre l’affirmation du pape, plusieurs catholiques concèdent que l’affirmation historique du pape est erronée (et c’est tout ce que notre article entendait démontrer). Ainsi, par exemple, Ludwig Ott dans Fundamentals of Catholic Dogma, 1952, admet : « Ni les pères grecs ni les latins n’ont enseigné explicitement l’Immaculée Conception de Marie. » Le professeur de théologie catholique Peter Coelho-Kostolny, dans une étude sur le péché originel chez les scolastiques, déclare à propos d’Ineffabilis Deus : « Étant donné que l’opinion commune des grands théologiens de la période scolastique était que Marie ne fut pas sanctifiée dès le premier instant, mais uniquement après l’infusion de l’âme dans le corps, il s’agit là d’une rupture significative avec la compréhension admise auparavant357. » Mais, ajouteront les apologètes, l’affirmation historique du pape n’est pas revêtue du caractère d’infaillibilité, seule la définition de l’Immaculée Conception l’est. Ce minimalisme astucieux, lancé comme une bouée de sauvetage sur l’argumentaire fallacieux de la constitution apostolique, n’est pas une tactique inédite. En effet, quand les catholiques ne renient pas totalement l’infaillibilité d’une définition comme « En conséquence, nous déclarons, disons et définissons qu’il est absolument nécessaire à toute créature humaine d’être soumise au pontife romain pour arriver au salut » (Unam Sanctam, 1302), ils en tentent généralement une réinterprétation à la lumière de textes romains écrits plus de sept siècles plus tard. Le problème est que les paragraphes discursifs précédant cette déclaration s’opposent généralement radicalement aux réinterprétations proposées. Et la faiblesse de ce minimalisme devient donc manifeste : comment une définition dogmatique peut-elle faire autorité si l’on accepte de la soustraire à ce que son auteur entendait faire ? Boniface VIII, dans ce texte d’Unam Sanctam, a en effet des cas précis en vue, notamment les orthodoxes grecs qu’il mentionne explicitement comme n’étant pas des brebis du Christ. Prendre sa définition dogmatique pour refuser de l’appliquer aux cas où il entendait les appliquer est insensé et vide de sa substance l’affirmation dogmatique. Voilà pourquoi des docteurs catholiques ont régulièrement argumenté contre la validité d’une telle solution :

Mais nulle part la théologie de l’Église n’atteint-elle à un degré aussi élevé que dans une constitution apostolique où elle prépare notre intelligence à saisir davantage la portée de la vérité que son Magistère définit comme divinement révélée et essentielle au salut. C’est pourquoi on ne peut traiter comme étant plus ou moins aléatoire la partie discursive d’un tel document.

Charles de Koninck, La certitude du magistère de l’Église, 1952.

Ce repli stratégique, que tout lecteur honnête des Pères est poussé à faire, n’est pas légitime du point de vue du magistère romain.

Le sectarisme anti-catholique de Rome

Puisqu’il est manifeste que l’Immaculée Conception n’est pas une doctrine professée depuis la plus haute antiquité mais qu’elle a été ignorée et même contestée par les plus grands docteurs que le christianisme ait connu, Rome fait un choix ouvertement sectaire en exigeant que les chrétiens confessent, pour être reconnus comme chrétiens, une proposition combattue par leurs pères. Ce faisant, elle confirme l’accusation que C.S. Lewis faisait au catholicisme romain lorsqu’on lui demandait pourquoi il était protestant :

Et la vraie raison pour laquelle je ne peux pas être en communion avec vous n’est pas mon désaccord avec telle ou telle doctrine romaine, mais le fait qu’accepter votre Église signifie, non pas accepter un corps de doctrine donné, mais accepter à l’avance toute doctrine que votre Église produira par la suite, c’est comme si on vous demandait d’accepter non seulement ce qu’un homme a dit, mais aussi ce qu’il va dire.

C.S. Lewis, Christian Reunion: An Anglican Speaks to Romans Catholics, 1944.

Le catholicisme romain pose un souci majeur : à la question « quels sont les dogmes qu’un chrétien doit croire pour être considéré comme chrétien ? », la réponse ne sera pas la même selon les époques. Rome ajoute aux dogmes antiques des dogmes qui auraient exclu de l’orthodoxie bien des Pères et des saints du passé. Six années après que C.S. Lewis avait écrit ces lignes, le dogme de l’Assomption est venu allonger la liste. Pour le catéchisme de Heidelberg, la réponse à la question « Que doit croire un chrétien ? » est la suivante :

Tout de qui est promis dans l’Évangile et que les articles de la Foi universelle et indubitable des chrétiens expriment en abrégé dans le Symbole apostolique.

Catéchisme de Heidelberg, réponse 22.

Cette foi est vraiment universelle, parce qu’elle a été professée de tout temps. Et les docteurs réformés veillaient à bien formuler des doctrines comme la justification par la foi non pas comme un dogme nouveau mais comme une exposition de ce que signifie « je crois à la rémission des péchés358». Ainsi, dans un discours sur la justification, Richard Hooker distingue sur cette base trois types d’hérésies359 :

  1. La première consiste en une négation frontale d’un dogme, c’est-à-dire du Symbole des apôtres ;
  2. La deuxième est une négation d’un article qui découle de manière évidente et immédiate de ce Symbole, comme les erreurs d’Arius ou de Marcion ;
  3. Le troisième type, dans lequel il range le papisme, est une négation plus subtile des articles du Symbole, par l’affirmation côte à côte de choses qui, logiquement, viennent renverser ce fondement de la foi. Ainsi, ce type d’hérétique affirme le Symbole mais, par voie de conséquence, le renie plus ou moins consciemment.

Comme le résume Rémy Bethmon :

Hooker ne cesse d’ailleurs d’affirmer tout au long de son sermon que la doctrine romaine conduit à la damnation. Mais son propos est de montrer que l’erreur de Rome est configurée de telle manière qu’elle n’apparaît pas aussi facilement que les autres comme hérétique, en particulier aux yeux du commun dont la puissance de réflexion ne lui permet pas de déduire par un long raisonnement qu’il y a négation des articles du Credo. Si bien que le papiste du peuple, peu versé dans les subtilités théologiques, peut très bien croire affirmer le fondement de la foi en adhérant à une doctrine qui pourtant le renverse.

Rémy Bethmont, « Richard Hooker, l’hérésie papiste et un protestantisme anglais de la continuité360».

Ainsi, même dans les controverses du temps de la Réforme, l’orthodoxie pour les protestants est formulée en terme d’adhésion aux symboles antiques, et non dans l’adjonction de dogmes nouveaux ou combattus par les générations précédentes de chrétiens. C’est sur la base du Symbole que les réformés objectent au catholicisme romain. Bien entendu, Rome prétend que l’Immaculée Conception fut professée de tout temps, mais cela n’a aucune crédibilité après un examen sérieux. C’est dans ce rejet du sectarisme romain que les réformés se sont avérés être de véritables catholiques.


Illustration de couverture : Bartolomé Esteban Murillo, La Vierge Marie, 1660. À l’image de la doctrine romaine qui défigure Marie, ce tableau de Murillo a récemment été défiguré par un restaurateur.

  1. À ce propos, voir Kreitzer Beth, Reforming Mary. Changing Images of the Virgin Mary in Lutheran Sermons of the Sixteenth Century, Oxford University Press, 2004. Un livre qui parcourt les sermons luthériens du XVIe. Du côté français, considérez par exemple le traité de Drelincourt sur le même sujet.[]
  2. Wright David F., « Mary in the Reformers », dans Chosen By God. Mary in Evangelical Perspective, Londres, 1989.[]
  3. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion.[]
  4. Justin Martyr de Naplouse, Dialogue avec le Juif Tryphon, chapitre 100, V.[]
  5. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8.[]
  6. Origène, Homélies sur S. Luc, XVII, 6-7, trad. Henri Crouzel, François Fournier et Pierre Périchon, coll. Sources chrétiennes, éd. du Cerf, Paris, 1962, pp. 257-259.[]
  7. Origène, Homélie XIV sur Luc, 1.[]
  8. Philip Schaff, History of the Christian Church, vol. 3, Hendrickson, 2011, pp. 415-416.[]
  9. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8, page 334.[]
  10. Origène, Traité des principes, tome I. Livres I et II. Introduction, texte critique de la version de Rufin, traduction., Sources chrétiennes, 1978, Paris.[]
  11. Luigi Gambero, Mary and the Fathers of the Church : The Blessed Virgin Mary in Patristic Thought, Ignatius Press, 1999, p. 148.[]
  12. Dans la Patrologia Graeca, cf. Homilia in Natalitatem Jesu Christi, PG 39 40B-41D.[]
  13. Malheureusement, seul le début de ce livre est disponible en français. Une traduction anglaise est disponible sur ce lien.[]
  14. Ott Ludwig, Fundamentals of Catholic Dogma, Tan Books and Publishers, 1960, p. 203.[]
  15. Dans la Patrologia Graeca, cf. Homilia 25, 25, PG 55, 555, TMPM I, 259.[]
  16. Hésichyos de Jérusalem, Homélie sur l’Hypapante, 8, TMPM, I, 536.[]
  17. Maxime le Confesseur, Vie de Marie, 53, TMPM, II, 224.[]
  18. Romanos le Mélode, Hymnes XIV. 13, traduction par José Grosdidier de Matons, Hymnes II, Sources Chrétiennes, 1965, p. 191. Les éditeurs notent que cette idée provient d’Origène et se retrouve chez Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie et un écrit attribué par erreur à Chrysostome.[]
  19. Romanos le Mélode, Hymnes XIV, Prooïmion III ; op. cit., p. 175.[]
  20. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8, page 335.[]
  21. Traduction révisée à partir de celle d’Adelin Rousseau, Cerf, 1984.[]
  22. Philip Schaff, History of the Christian Church, vol. 3, Hendrickson, 2011, p. 415.[]
  23. Clayton Mary, The Cult of the Virgin Mary, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, page 5.[]
  24. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8, page 333.[][]
  25. Une traduction anglaise est disponible sur ce lien. Grégoire offre des remarques similaires dans l’Homélie III.[]
  26. Traités contre les Ariens, t. II (traités II-III), Sources chrétiennes, trad. Charles Kannengiesser, Paris, 2019, p. 403[]
  27. Sources chrétiennes, trad. Louis Leloir, Paris, 1966 ; notons que cette traduction est faite après la découverte des premiers manuscrits en langue originale en 1954 et qu’on ne peut donc plus exclure ce témoignage comme le tentaient certains lorsque nous n’avions en notre possession que les traductions arméniennes.[]
  28. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8, page 336.[]
  29. Une traduction anglaise peut être consultée en ligne ici.[]
  30. Éphrem de Nisibe, Hymnes contre les hérésies, XIX. Traductions anglaise et russe disponibles à ce lien.[]
  31. Éphrem de Nisibe, Commmentaire sur l’Évangile concordant ou Diatessaron, I, 25.[]
  32. Eustathe d’Antioche, Fragment 69, TMPM, IV, 85.[]
  33. L’original est disponible dans la Patrologia Graeca XXXIX.[]
  34. Jean Chrysostome, Homélie XXI sur Jean, 2-3, trad. Jean-Baptiste Jeannin.[]
  35. Jean Chrysostome, Homélie XLIV sur Matthieu, 2, trad. Jean-Baptiste Jeannin.[]
  36. Traduction par Jean-Baptiste Jeannin.[]
  37. Le grec porte : ὡς γὰρ θεόν φαμεν καὶ υἱὸν τὸν λόγον αὐτοῦ καὶ πνεῦμα ἅγιον, ἑνούμενα μὲν κατὰ δύναμιν〈διαιρούμενα δὲ κατὰ τάξιν εἰς〉 τὸν πατέρα, τὸν υἱόν, τὸ πνεῦμα, ὅτι νοῦς, λόγος, σοφία ὁ υἱὸς τοῦ πατρὸς καὶ ἀπόρροια ὡς φῶς ἀπὸ πυρὸς τὸ πνεῦμα.[]
  38. Le texte latin porte : tenet ab ipsa sede Petri apostoli, cui pascendas oves suas post resurrectionem Dominus commendavit, usque ad praesentem episcopatum successio sacerdotum.[]
  39. Richard P. McBrien, Catholicism : Completely Revised and Updated, HarperCollins, 1994, p. 1084.[]
  40. Luigi Gambero, Mary and the Fathers of the Church : The Blessed Virgin Mary in Patristic Thought, Ignatius Press, 1999, p. 172.[]
  41. Sévérien de Gabala, Homélie sur le saint martyr Acacius, TMPM, I, 430.[]
  42. Théodore de Mopsueste, Commentaire de Jean, TMPM, I, 442-43.[][]
  43. Sévère d’Antioche, Homélie 34 sur la Nativité, TMPM, I, 654.[]
  44. Le grec porte : καί ποτε μὲν ὡς γεγεννηκυΐαν τὴν μητέρα τιμᾷ, ποτὲ δὲ ὡς Δεσπότης ἐπιτιμᾷ.[]
  45. Peter Toth, « New Questions on Old Answers: Towards a Critical Edition of the Answers to the Orthodox of Pseudo-Justin » dans The Journal of Theological Studies, volume 65, Oxford University Press, 2014 ; Lebon J., dans Revue d’histoire ecclésiastique, tome 26, 1930, page 526 et suivantes ; Richard M. dans Revue des sciences philosophiques et théologiques, tome 24, 1935, page 83 et suivantes.[]
  46. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic Faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 75.[]
  47. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 126.[][]
  48. Sévère d’Antioche, Homélie cathédrale 56, TMPM, 654.[]
  49. Le grec porte : Τῇ δὲ μητρὶ ἐπιμέμφεται ὡς ἀκαίρως ὑπομνησάσῃ θεὸν ὑπομνήσεως μὴ δεόμενον, ἀντὶ τοῦ εἰπεῖν μὴ νόμιζέ με μόνον ἄνθρωπον εἶναι, ἀλλὰ καὶ θεόν. οὔπω δὲ ἦλθεν ὁ καιρὸς τῆς ἐμῆς φανερώσεως, οὐδέπω ἐγνωρίσθη τίς εἰμι.[]
  50. Expositio in Evangelium S. Joannis 57, Johannes-Kommentare aus der griechischen Kirche, 211.[]
  51. Méthode d’Olympe, Homélies sur Anne et Syméon, III et IV. Une traduction anglaise est disponible sur ce lien ; voir cet article pour un point sur le débat concernant l’attribution de ce texte à Méthode. Quoi qu’il en soit, c’est un texte patristique grec cité par des auteurs comme Damascène.[]
  52. Méthode d’Olympe, Homélies sur Anne et Syméon, IX-X. Une traduction anglaise est disponible sur ce lien.[]
  53. Cyrille de Jérusalem, Catéchèses baptismales, XII, 32.[]
  54. Grégoire de Nazianze, Discours théologiques, XXXVIII, 13.[]
  55. Luigi Gambero, Mary and the Fathers of the Church : The Blessed Virgin Mary in Patristic Thought, Ignatius Press, 1999, p. 163.[]
  56. Jean Chrysostome, Homélie sur la Nativité, VI.[]
  57. Éphrem de Nisibe, Hymnes, XXXVI, 1-2.[]
  58. Jacob de Saroug, TMPM, IV, 153, cité par Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8, page 337.[]
  59. Voir la Patrologia Graeca, LXXXVII, 3161. Pour une étude de la prépurification chez les pères, et pour voir comment elle s’oppose à l’Immaculée Conception, voir cet article d’un auteur orthodoxe.[]
  60. Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, pp. 145-146.[]
  61. Une traduction anglaise est disponible sur ce lien.[]
  62. Sophrone de Jérusalem, Homélie sur l’Annonciation, 24-25, TMPM II, 144-145 ; Homélie pour l’Hypapante, 4 et 16, TMPM II, 165.[]
  63. D’Alès Adhémar, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Tome III, quatrième édition, Gabriel Beauchesne, Paris, 1922, page 215.[]
  64. Zénon de Vérone, Tractatus XIII, 10, PL 11: 352[]
  65. Jean Cassien, De l’incarnation, livre II, 2.[]
  66. Ambrosiaster, Commentaire sur les épîtres de Paul, dans la Patrologia Latina, 17[1845], col. 118a ; dans CSEL 81-I, p. 254.[]
  67. Ambroise, Des sacrements, XIII.[]
  68. Augustin, Des mérites, de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, Livre II, Chapitre XXIV, 38.[]
  69. Grégoire le Grand, Exposition du livre de Job, XVIII, 32-33.[][]
  70. Tertullien, Sur la chair de Christ, VII, trad. Eugène-Antoine de Genoude.[]
  71. Tertullien, Contre Marcion, Livre IV, XIX ; traduction de Eugène-Antoine de Genoude.[]
  72. Cet index peut être consulté ici.[]
  73. Saint Augustin, De haeresibus ad Quodvultdeus, chapitre 86 ; disponible en latin-anglais sur ce lien.[]
  74. Kelly J.N.D., Early Christian Doctrines, HarperOne, 1978, p. 493.[]
  75. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8, page 332.[]
  76. Cité par Reynolds Brian K., Gateway to Heaven- Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York – New City Press, 2012, vol. I — Doctrine and Devotion, chapitre 8, page 344.[]
  77. Le latin porte : Nec conceptus iniquitatis exsors est, quoniam et parentes non carent lapsu.[]
  78. Ambroise, Prophetae David ad Theodosium Augustum, Caput XI, PL 14:873; traduction personnelle. Pour une traduction anglaise, voyez I. D. E. Thomas, The Golden Treasury of Patristic Quotations, Oklahoma City, Hearthstone Publishing, 1996, p. 258.[]
  79. Le latin porte : In quo solo et conceptus virginalis et partus sine ullo fuit mortalis orginis inquinamento.[]
  80. Trad. abbé Burleraux.[]
  81. Trad. abbé Burleraux.[]
  82. trad. abbé Burleraux.[]
  83. Boniface Ramsey, Ambrose, Routledge, 1997, p. 51.[]
  84. Trad. Raulx, tome XVII, Bar-le-Duc, 1871, pp. 185-221.[]
  85. Le latin porte : Ad. illud quod obicitur, quod nulla habenda est quaestio, cum agitur de peccatis secundum verbum Augustini, dicendum quod Augustinus intelligit de peccato actuali, non de originali, sicut patet ex serie litterae. cf. Commentaire des Sentences, Liber 3, Distinctio 3, Pars 1, Articulus 1.[]
  86. Le latin porte : Excepta itaque sancta virgine Maria, de qua propter honorem Domini nullam prorsus, cum de peccatis agitur, haberi volo quaestionem[]
  87. Saint Augustine, Four Anti-Pelagian Writings, Fathers of the Church Patristic Series, The Catholic University of America Press, 1992, p. 53.[]
  88. Edward D. O’Connor, The Fundamental Principle of Mariology in Scholastic Theology, Marian Studies volume 10, article 9, 1959, p. 81.[][]
  89. Diccionario de San Agustín: San Agustin a través del tiempo, ed. Allan Fitzgerald, Monte Carmelo, 2006, p. 853.[]
  90. Robert B. Eno, Saint Augustine and the Saints, Villanova Univ. Augustinian, 1989, p. 91.[]
  91. Roland Teske, Answer to the Pelagians, The Works of Saint Augustine: A Translation for the 21st Century, New City Press, 1997, p. 214.[]
  92. Gerald Bonner, St. Augustine of Hippo: Life and Controversies, Canterbury Press Norwich, 2002, p. 328[]
  93. Saint Augustine, Four Anti-Pelagian Writings, Fathers of the Church Patristic Series, The Catholic University of America Press, 1992, p. 53[]
  94. Romel Quintero, « ¿Creía Agustín en la inmaculada concepción de María?« , Agustinismo Protestante, consulté le 19 octobre 2023.[]
  95. Damian Dziedzic, « Czy Augustyn z Hippony wierzył w bezgrzeszność Maryi? », Należeć do Jezusa, consulté le 19 octobre 2023.[]
  96. Francisco Moriones, Teología de san Agustín, BAC, 2011.[]
  97. Le latin porte : ne tibi subripiat esse credendum, ullam prorsus animam nisi unius Mediatoris, non ex Adam trahere originale peccatum, generatione devinctum, regeneratione solvendum.[]
  98. Peter M. Stravinskas, The Catholic Answer Book of Mary, Our Sunday Visitor Publishing, 2000, p. 50.[]
  99. Trad. abbé Collery..[][]
  100. Disponible en français ici[]
  101. Le latin porte : Et quid incoinquinatius illo utero Virginis, cuius caro etiamsi de peccati propagatione venit, non tamen de peccati propagatione concepit; […] Proinde corpus Christi quamvis ex carne feminae assumptum est, quae de illa carnis peccati propagatione concepta fuerat, tamen quia non sic in ea conceptum est, quomodo fuerat illa concepta, nec ipsa erat caro peccati, sed similitudo carnis peccati.[]
  102. Edmund Hill, On Genesis, Vol. I/13, The Works of Saint Augustine: A Translation for the 21st Century, New City Press, 2002, page 417[]
  103. Le latin porte : Non trascribimus diabolo Mariam conditione nascendi; sed ideo, quia ipsa conditio solvitur gratia renascendi.[]
  104. Augustin, Contra Julianum opus imperfectum, 4.1.22, Migne, PL 45, p. 1418.[]
  105. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven- Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I — Doctrine and Devotion, chapitre 8, p. 345.[]
  106. Sage Athanase, « Le péché originel dans la pensée de saint Augustin, de 412 à 430 », Revue d’études augustiniennes et patristiques 15, 1969, p. 98.[]
  107. Peter M. Fehlner, « The Virgin Mother’s Predestination and Immaculate Conception » dans Mariologie : A Guide for Priests, Deacons, Seminarians, and Consecrated Persons, Mark I. Miravalle, S.T.D., 2007, p. 248.[]
  108. Le latin porte : Maria ex Adam mortua propter peccatum, Adam mortuus propter peccatum, et caro Domini ex Maria mortua est propter delenda peccata.[]
  109. Augustin, Enarrationes in Psalmos 34 (2), 3, Migne, PL 36, p. 335.[]
  110. Denz. 1973.[]
  111. Le latin porte : Solus ergo ille etiam homo factus manens Deus peccatum nullum umquam habuit nec sumpsit carnem peccati quamvis de materna carne peccati. Quod enim carnis inde suscepit, id profecto aut suscipiendum mundavit aut suscipiendo mundavit.[]
  112. Augustin, Sermon 155, 7.[]
  113. Augustin, Sermon 233, 4.[]
  114. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis II.1.V, Migne, PL 176, p. 382.[]
  115. Augustin, Lettres, CLXXXVII, 31.[]
  116. Brian K. Reynolds, Gateway to Heaven — Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York – New City Press, 2012, vol. I — Doctrine and Devotion, chapitre 8, p. 345, note 68.[]
  117. Sage Athanase, «Le péché originel dans la pensée de saint Augustin, de 412 à 430 », Revue d’études augustiniennes et patristiques 15, 1969, p. 98.[]
  118. Edmund Hill, dans Sermones III.7 (230-272B) on the Liturgical Seasons, New City Press, 1993, p. 259.[]
  119. Duns Scot, Ordinatio III, distinction 3, q. I, a 1.[]
  120. Dongsun Cho, « Ambrosiaster on Justification by Faith Alone in His Commentaries on the Pauline Epistles », Westminster Theological Journal, volume 74, 2012, p. 279.[]
  121. Dans la Patrologia Latina, 17[1845], col. 118a ; dans CSEL 81-I, p. 254.[]
  122. Ambrosiaster, Qq. Nov. et Vet. Test., LXXIII, Une traduction anglaise est disponible sur ce lien.[]
  123. D. H. Williams, Justification by Faith : a Patristic Doctrine, Cambridge University Press, 2006.[]
  124. En latin : ab originis nostrae peccatis atque auctoribus. Voir page 660 de l’article.[]
  125. Le latin porte : Si in judicii severitatem capax illa Dei Virgo ventura est, desiderare quis audebit a Deo judicari ?[]
  126. Hilaire de Poitiers, Tractatus in Ps. 118.[]
  127. Hilaire de Poitiers, De Trinitate, Livre X, 25 ; traduction anglaise ici.[]
  128. Hilaire de Poitiers, De Trinitate, Livre X, 35 ; traduction anglaise ici.[]
  129. Image Isabella, ‘Original Sin’, The Human Condition in Hilary of Poitiers: The Will and Original Sin between Origen and Augustine, Oxford Theology and Religion Monographs, Oxford, 2017.[]
  130. Le latin porte : Haec est gratia qua faetum est ut Deus, qui venit peccata tollere, quia peccatum in eo non est, homo conciperetur atque nasceretm in similitudine carnis peccati, de earne peccati. Caro quippe Mariae, quae in iniquitatibus humana fuerat solemnitate concepta, caro fuit utique peccati, quae Filium Dei genuit in simìlitudinem carnis peccati. […] Similitudo vero carnis peccati cum in Dei Filio, vel potius Dei Filius in similitudine carnis peccati cum dicitur, credendum est Unigenitum Deum de Virginis carne mortali non traxisse peccati sordem, sed accepisse naturae integram veritatem, ut veritatis ortus de terra existeret, quem prophetali sermone beatus David insinuat dicens: Veritas de terra orta est. Were igitur Deum Verbum Maria concepit, quod in carne peccati peperit, quam Deus accepit.[]
  131. Fulgence de Ruspe, Epistula 17.13, Migne, PL 65, p. 458.[]
  132. Chapitre I, section 2 ; cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 118.[]
  133. Jérôme, Lettre 133 ; une traduction anglaise peut être consultée sur ce lien.[]
  134. Jérôme, Lettre 121.[]
  135. Jérôme, Contre les pélagiens, Livre II, 4.[]
  136. Philip Schaff, History of the Christian Church, vol. 3, Hendrickson, 2011, p. 418 n. 2.[]
  137. Jean Cassien, Collationnes, XXII ; cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, pp. 120-121.[]
  138. Jean Cassien, Collationnes, IX ; cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 121.[]
  139. Le latin porte : A peccati enim veteris nexu per se non est immunis, nec ipsa genetrix redemptoris.[]
  140. Le latin porte : Omnis maculatus ingreditur tabernaculum Domini, et ibi immaculatus efficitur. Jesus autem immacutalus solus virgineam aulam ingressus, ipsum tabernaculum a maculis carnalibus liberavit, et dedi sanctificationem potius quam accepit.[]
  141. Denis Pétau, Traité de l’incarnation, XIV, I, 6.[]
  142. Maxime de Turin, Homélie V sur la Nativité du Seigneur dans la Patrologia Latina ; 61b dans le CCSL.[]
  143. Le latin porte : sed pro gratia virginali ; cf. Maximus Taurinensis, Sermonum collectio antiqua, nonnullis sermonibus extravagantibus adiectis, A. Mutzenbecher, 1962, p. 253.[]
  144. Maxime de Turin, The Sermons of St. Maximus of Turin, Newman Press, New York, 1989, p. 251.[]
  145. Selon le CCSL de 1962.[]
  146. Le latin porte : Sic caro Christi carni Mariae et similis est, et dissimilis : similis, quia inde traxit originem ; dissimilis, quia non inde contraxit vitiatae originis contagionem : similis, quoniam, licet voluntarias, tamen veras sensit infirmitates ; dissimilis, quoniam nullas penitus neque per voluntatem, neque per ignorantiam commisit inquitates : similis, quia passibilis et mortalis : dissimilis, quia incoinquinabilis, et vivificatrix etiam mortuorum : similis genere, dissimilis merito : similis specie, dissimilis virtute : similis quia similitudo est carnis peccati.[]
  147. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 144-145.[]
  148. Brian K. Reynolds, Gateway to Heaven- Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York – New City Press, 2012, vol. I - Doctrine and Devotion, chapitre 8, p. 348.[]
  149. Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 147-148.[]
  150. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 23.[]
  151. Paul Haffner, The Mystery of Mary, Gracewing Publishing, 2004, p. 81.[]
  152. Grégoire le Grand, Lettre XXXIII.[]
  153. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 19.[][][][]
  154. Le latin porte : Quod ut fieret, sine virile semine conceptus est Christus ex virgine, quam non humanus coitus, sed Spiritus sanctus fecondavit. Et cum in omnibus matribus non fiat sine peccati sorde conceptio, haec inde purgationem traxit unde concepit.[]
  155. Le latin porte : Solus itaque inter filios hominum Dominus Jesus innocens natus est, quia solus sine carnalis concupiscentiae pollutione conceptus.[]
  156. Philip Schaff (Creeds of Christendom, vol. 1, ch. 4, § 29) rapporte que Léon affirme que la Vierge a été purifiée par l’Incarnation, je n’ai pas encore pu retrouver la source de cette citation ; quand ce sera fait, je l’ajouterai à l’article[]
  157. Le latin porte : Immaculati agni proprium est nullum prorsus habuisse peccatum.[]
  158. Gellasii papae dicta, vol. 4, col 1241, Paris, 1671.[]
  159. Le latin porte : Ille autem solus veraciter sanctus natus est, qui ut ipsam conditionem naturae corruptibilis vinceret ex commixtione carnalis copulae conceptus non est.[]
  160. Cité d’ailleurs par Thomas d’Aquin, ST III, q. 34, a1.[]
  161. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 142.[]
  162. Le latin porte : Et primum quidem blasphemia et stultiloquium est, dicere esse hominem sine peccato, quod omnino non potest, nisi unus mediator Dei et hominum homo Christus Jesus, qui sine peccato est conceptus et partus. Nam caeteri homines cum peccato originali nascentes, testimonium praevaricationis Adae (etiam sine peccato actuali existentes) portare noscuntur, secundum prophetam dicentem: Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum, et in peccatis concepit me mater mea (Psal. L).[]
  163. Original : PL 80, p. 602b-c.[]
  164. Traduction de l’abbé de Genoude.[]
  165. Irénée de Lyon, Démonstration de la prédication apostolique, Sources Chrétiennes, 1995.[]
  166. Traduction de l’abbé de Genoude.[]
  167. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 9.[]
  168. Le manuscrit latin porte : esse absque peccato, quod unius Domini nostri Jesu Christi singulariter convenit majestati, de quo etiam Apostolus velut praecipium ac scpeciale pronunciat dicens : Qui peccatum non fecit.[]
  169. Le latin porte : Haec est similitudo carnis ; quia quamvis eadem caro Christi sit, quae et nostra ; non tamen ita facta in utero est et nata, sicut et caro nostra. Est enim sanctificata in utero, et nata sine peccato, et neque ipse in illa peccavit. Ideo enim virginalis uterus electus est ad partum Dominicum, ut in sanctitate differret caro Domini a carne nostra.[]
  170. Le latin porte : Bene “eminens”, quia solus est quem retia non involverint peccatorum. Omnes intra retia erant, immo adhuc intra retia sumus, quia nemo sine peccato, nisi solus Jesus.[]
  171. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 12.[]
  172. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 18.[]
  173. Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869.[]
  174. L’Immaculée Conception n’enseigne d’ailleurs pas que le miracle eut lieu dans la semence ayant conçu Marie, mais au cours de sa conception.[]
  175. Une traduction anglaise de la source est disponible sur ce lien.[]
  176. André de Crète, Homélies sur la Dormition, III, 6 ; une traduction anglaise est disponible sur ce lien.[]
  177. André de Crête, Homélies sur la Dormition, I, 4 ; une traduction anglaise est disponible sur ce lien.[]
  178. Luigi Gambero, Mary and the Fathers of the Church, Ignatius Press, 1999.[]
  179. « Une fois que la Sainte Vierge eut donné son consentement, l’Esprit-Saint vint sur elle selon la parole du Seigneur prononcée par l’ange, la purifia et lui donna la puissance de recevoir la divinité du Verbe, ainsi que celle d’engendrer. » (La Foi orthodoxe, III, 2)[]
  180. Voir Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 148 qui ajoute à cette citation une homélie où Damascène dit la même chose ; voir encore De la Dormition, I, 2.[]
  181. Henri Klée, Manuel de l’Histoire des dogmes chrétiens, tome 1, édition de Louvain, 1851, p. 347.[]
  182. Comme le montre cet excellent article.[]
  183. Εὐαγγελικὸς Κῆρυξ 1-6, Athènes, 1857, pp. 262-275.[]
  184. Philip Schaff, précédemment cité, retrouve aussi ces 3 positions seulement chez les pères.[]
  185. Klée Henri, Manuel de l’Histoire des dogmes chrétiens, tome 1, édition de Louvain, 1851, p. 347.[]
  186. Herzog Guillaume, « La Sainte Vierge dans l’histoire », Revue d’histoire et de littérature religieuse, numéro 12, 1907, pp. 483-607.[]
  187. Éléonore Fournié et Séverine Lepape-Berlier, « L’Immaculée Conception : une croyance avant d’être un dogme, un enjeu social pour la Chrétienté », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 10, 2012, §§ 1, 3.[]
  188. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 127[][]
  189. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 130.[]
  190. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 132.[]
  191. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, pages 133-135.[]
  192. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, pages 135-137.[]
  193. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 137-139.[]
  194. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 141-141.[]
  195. Le latin porte : Beata Maria licet ipsa de carne peccati sit nata et procreata.[]
  196. Le latin porte : qui de carne peccati carnem assumpsit, nisi quia Verbum quod caro factum est, eam primum obumbravit, in quam Spiritus Sanctus superveniet.[]
  197. Le latin porte : excepto Redemptore, debitores sumus ; solus siquidem ad medicamentum vulneris Redemptor noster in illa massa totius humani generis absque peccato relictus est.[]
  198. La traduction anglaise peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 25.[]
  199. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 39.[][]
  200. Le latin porte : ex ipsa carne Virginis quae de peccato concepta est.[]
  201. Pierre Damien, Opuscule VI, 19 ; cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 156[]
  202. Anselme de Cantorbéry, Pourquoi Dieu s’est fait homme, Sources Chrétiennes, 1963.[]
  203. Voir la discussion sous cet article.[]
  204. Le grec peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 88.[]
  205. Le latin porte : Hoc est enim originale peccatum, quo ante Christ incarnationem nemo unquam mundari potuit.[]
  206. Le grec peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 87.[]
  207. Le grec peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, pp. 87-88.[]
  208. Patrologia Latina 159, col 305.[]
  209. Nicolas de Saint-Albans, Liber de celebranda conceptione.[]
  210. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 179.[]
  211. Luigi Gambero, Maria nel pensiero dei teologi latini medievali, éd. San Paolo, 2000, pp. 135-136.[]
  212. Osbert de Clare, « Epistola ad Anselmum », in Eadmer monachi Cantuariensis Tractatus de Conceptione sanctae Mariae, éd. Thurston-Slater, Fribourg, 1904, pp. 55-56.[]
  213. Pour une étude plus poussée de cette controverse en Angleterre, voir Jean-Louis Benoit, « L’Immaculée Conception. Une affaire anglaise et un grand signe dans le ciel.« , Revue théologique des bernardins, 2014, pp.51-74. et West-Harling, Veronica Ortenberg. L’origine anglaise de la fête de la Conception de la Vierge, dans Marie et la « Fête aux Normands » : Dévotion, images, poésie, Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2011.[]
  214. Jean-Louis Benoit, « L’Immaculée Conception. Une affaire anglaise et un grand signe dans le ciel », Revue théologique des bernardins, 2014, p. 7.[]
  215. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis II.1.V, Migne PL 176: 382.[]
  216. Le latin porte : De carne illa cui unitum est Verbum quaeritur utrum prius in Mariae fuit caro illa obligata peccato. Quod ita fuisse Augustinus dicit […] Mariam vero totam prorsus a peccato, sed non a fomite peccati mundavit ; quem tamen sic dibilitavit, ut postea non peccasse credatur.[]
  217. Le latin porte : Si ergo Dominus suum ei dimittere peccatum vellet, sicut et Mariae Virgini factum est, et multis etiam ante passionem suam Christus fecit…[]
  218. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 88.[]
  219. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, pp. 26-27.[]
  220. À ce propos, voir Dary Marie-Bénédicte, « Saint Bernard et l’Immaculée Conception : la question liturgique », Revue Mabillon, éd. Brepols, 2002.[]
  221. Amédée de Lausanne, Huit homélies mariales, traduction par Traduction par Dom Antoine Dumas, o.s.b., Série des textes monastique d’Occident V, Sources Chrétiennes, 1960, p. 99.[]
  222. Amédée de Lausanne, Huit homélies mariales, trad. dom Antoine Dumas, Sources Chrétiennes, 1960, p. 99.[]
  223. Amédée de Lausanne, Huit homélies mariales, traduction par Traduction par Dom Antoine Dumas, o.s.b., Série des textes monastique d’Occident V, Sources Chrétiennes, 1960, p. 75.[]
  224. Amédée de Lausanne, Huit homélies mariales, trad. dom Antoine Dumas, Sources Chrétiennes, 1960, p. 30.[]
  225. Isabel Iribarren, «Pierre Lombard, Les Quatre Livres des Sentences. Premier Livre» (recension)Revue des sciences religieuses, 86/3, 2012.[]
  226. Pierre Lombard, Les Quatre Livres des Sentences, troisième Livre, Paris : éd. du Cerf, 2014, p. 187.[]
  227. Boèce, De duabus naturis et una persona Christi, IV ; cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, pp. 136-137.[]
  228. Augustin, Des mérites, de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, livre II, chapitre XXIV, 38 ; Ambrosiaster, Commentaire sur Romains 8,3.[]
  229. Le latin porte : Festum enim Conceptionis aliqui interdum celebrant, et adhus fortassis celebrant, sed authenticum atque approbatum non est ; immo enimvero prohibitum esse videtur. In peccato namque concepta fuit.[]
  230. Le latin porte : Miramur ergo satis quid visum fuerit hoc tempore quibusdam monasteriis mutare colorem optimum, novas quasdam inducendo celebritates. Additur his a quibusdam quod magis absurdum videtur, festum quoque conceptionis sanctae Mariae.[]
  231. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, p. 190.[]
  232. Le latin porte : Dicunt quidam quod originale peccatum partim est ex vitio concupiscendi, parti ex carne corrupta. Unde ad hos ut Christ immunis esset ab originali peccato, oportuit carnem quam assumpsit mundari. Nam forte si non esset mundata, licet sine concupiscentia conciperetur, originale peccatum haberet Christus. […] Sic enim Christus habuisset originale peccatum ; quoniam caro ejus ex carne Virginis quae per originale peccatum corrupta erat.[]
  233. Le latin porte : Illa [Eva] fuit sine culpa producta, sed produxit in culpam ; haec [Maria] fuit in culpa producta, sed sine culpa produxit.[]
  234. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 30.[]
  235. Le latin porte : Statim autem Spiritus sanctus supervenit in eam ; prius quidem in eam venerat, cum in utero matris animam ejus ob originali peccato mundavit, sed et nunc supervenit in eam, ut carnem ejus a fomite peccati mundaret quatenus esset sine ruga prorsus et macula.[]
  236. Pour être exact, il n’est pas possible de dire s’il s’exprima ainsi alors qu’il était déjà évêque de Rome ou avant de le devenir.[]
  237. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, pp. 197-198.[]
  238. Antoine de Padoue, Sermons sur l’Annonciation, huitième sermon ; une traduction anglaise peut être consultée dans ce document, page 1095. Saint Antoine de Padoue est cité comme opposant à l’Immaculée Conception par Charles Hastings Colette, Dr Newman and His Religious Opinions, p. 186 mais aussi par Melchor Cano, Loci Theologici.[]
  239. Jean Gerson, Opera omnia. Epistola Lugdunum missa cuidam fratri Minori, vol. 1, p. 554.[]
  240. Alexandre de Hales, Summa universæ theologiæ, Liber tertius, Prima pars tertii libri, III, P. 1, Inq. 1, T. 2, Q. 2, M. 2, C. 1 ; le texte latin est disponible à ce lien.[]
  241. Le latin porte : Et ideo B. Virgo in sua conceptione sanctificari non potuit.[]
  242. Beth Ingham Mary, « The Sanctification of Mary » dans The Summa Halensis, De Gruyter, 2020, page 343.[]
  243. Le latin porte : Mystice exponitur hoc de Christo, qui solus extra illam universitatem est : qua dicitus Rom. 3 : Omnes peccaverunt, et egent gloria Dei. Et Jacob 3 : In multis offendimus omnes. Unde Psalm 13 et 52 : Non est qui faciat bonum, non est usque ad unum, silicet, Christum, qui omnino peccatum non fecit, nec etiam habuit. Etiam Beata Virgo originale habuit ; propter quod ejus conceptio non celebratur : tamen qui celebrant debent habere respectum ad sanctificationem ejus, qua sanctificata fuit in utero matris suae.[]
  244. Cité par Wladimir GuettéeLe Nouveau dogme en présence de l’Écriture sainte et de la tradition catholique, Paris : Librairie ecclésiastique gallicane, 1859, p. 79.[]
  245. Le latin porte : Solutio Dicimus, quod Beata Virgo non fuit sanctificata ante animationem: et qui dicunt oppositum, est heresis condemnata a Beato Bernardo in epistola ad Lugdunenses, et a Magistris omnibus Parisiensibus.[]
  246. Le texte latin est disponible intégralement sur ce lien.[]
  247. Le latin porte : dicendum quod in carne vivere sinc peccato contracto et facto solius Filii Dei est: sed Beata Virgo contraxit peccatum prius, et postea sanctificata fuit.[]
  248. Le texte latin est disponible intégralement sur ce lien.[]
  249. Le latin est disponible sur ce lien.[]
  250. Le latin porte : Nullius conceptionis solemnitatem celebrat Ecclesia nisi solius Filii Dei in Annunciatione beatae Virginis Mariae. […] Beatus etiam Bernardus praecipuus Virginis amator, et honoris ejus zelator illos reprehendit, qui conceptionem Virginis celebrant. […] Potest etiam esse, quod illa solemnitas potius refertur ad diam sanctificationis, quam conceptionis.[]
  251. Coelho-Kostolny Peter, « Sine Labe Originali Concepta: The Debitum Peccati in Scotus, Aquinas, and Bonaventure post Ineffabilis Deus » dans la revue Ecce Mater Tua, volume 7, 2023, page 150.[]
  252. Cecchin Stefano, L’Immacolata Concezione. Breve storia del dogma, Pontificia Academia Mariana Internationalis (PAMI), Cité du Vatican, 2003, p. 49.[]
  253. Le latin porte : Item, hoc ipsum videtur ratione, quia, si beata Virgo caruit originali peccato, caruit merito mortis: ergo vel iniustitia facta est ei cum mortua est, vel dispensative pro salute generis humani mortua est. Sed primum facit ad contumeliam Dei, quia, si illud verum est, Deus non est iustus retributor; secundum ad contumeliam Christi, quia, si illud verum est, Christus non est sufficiens redemptor; ergo utrumque falsum est et impossibile. Restat igitur quod habuit peccatum originale.[]
  254. Le latin porte : Communiter sancti cum de materia illa loquuntur, solum Christum excipiunt ab illa generalitate, qua dicitur : Omnes peccaverunt in Adam. Nullus autem invenitur dixisse de his quos audivimus auribus nostris, Virginem Mariam a peccato originale fuisse immunem. Et quia hic honor, scilet immunem esse ab omni peccato tam originali, quam actuali solius filii Dei est, quia solus conceptus est de Spiritu Sancto et natus de Virgine ; ideo Virgini attribuendum non est.[]
  255. Salvador-Gonzalez José María, « Saint Bonaventure’s Doctrine on the Virgin Mary’s Immaculate Conception » dans la revue Religions, 2023, 14, 930.[]
  256. Hugolinus Storff O.F.M., The Immaculate Conception: The Teaching of St. Thomas, St. Bonaventure and Bl. J. Duns Scotus on the Immaculate Conception of the Blessed Virgin Mary, St. Francis Press, 1925, page 100.[]
  257. Raffaele Ponziani, « La Vergine Maria nei sermoni mariani di san Bonaventura », dans L’eletta dello Spirito. Maria in Bonaventura 2020, page 72.[]
  258. Vacant A., Dictionnaire de théologie catholique, tome 7, éditions librairie Letouzey & Ané, Paris, 1922, page 1050.[]
  259. Thomas d’Aquin, Somme Théologique, tome 4, éditions du Cerf, 2021, page 213.[]
  260. Richard Gibbings, Roman Forgeries, partie 1, Grant and Bolton, 1842.[]
  261. Le latin porte : Ipsa enim purissima fuit et quantum ad culpam, quia ipsa virgo nec mortale nec veniale peccatum incurrit. L’édition Textum Taurini de 1954 rétablit ce texte ; il en va de même de l’édition Nouvelles éditions latines de 1978 ; l’Abbé Bralé aux éditions Louis Vivès en 1857 corrigeait déjà cet ajout. Rossi, en 1931, est le dernier à avoir défendu cette variante.[]
  262. En latin : Sed Christus excellit beatam virginem in hoc quod sine originali conceptus et natus est. Beata autem virgo in originali est concepta, sed non nata.[]
  263. À ce propos, le frère Marc Millais, dominicain et membre de le Commissio Leonina, m’a signalé qu’il considérait cette variante défendue par Rossi comme authentique, mais qu’elle ne remettait pas en cause la lecture maculiste de Thomas car « Thomas dans les Collations semble parler des conséquences du péché (incurrere) plutôt que de sa purification ou de son exemption. »[]
  264. Le latin porte : virum de mille unum reperi, scilicet Christum, qui esset sine omni peccato, mulierem autem ex omnibus non inveni, quae omnino a peccato immunis esset, ad minus originali, vel veniali.[]
  265. Trad. abbé Bralé, revue entièrement par Charles Duyck, décembre 2009 ; édition numérique.[]
  266. Le latin porte : et ideo beata virgo in peccato originali fuit concepta, propter quod b. Bernardus ad Lugdunenses scribit conceptionem illius celebrandam non esse, quamvis in quibusdam Ecclesiis ex devotione celebretur, non considerando conceptionem, sed potius sanctificationem: quae quando determinate fuerit, incertum est.[]
  267. Édition numérique, trad. et notes par Jacques Ménard, 2010.[][]
  268. Le latin porte : Christus enim hoc singulariter in humano genere habet ut redemptione non egeat, quia caput nostrum est, sed omnibus convenit redimi per ipsum. Hoc autem esse non posset, si alia anima inveniretur quae nunquam originali macula fuisset infecta; et ideo nec beatae virgini, nec alicui praeter Christum hoc concessum est.[]
  269. Le latin pour les Sentences porte : A peccato originali et actuali immunis fuit ; et pour le Compendium : Nec solum a peccato actuali immunis fuit, sed etiam ab originali.[]
  270. Trad. Jean Kreit, 1985 ; édition numérique.[][]
  271. Le latin porte : Nec solum a peccato actuali immunis fuit, sed etiam ab originali, speciali privilegio mundata. Oportuit siquidem quod cum peccato originali conciperetur, utpote quae ex utriusque sexus commixtione concepta fuit. Hoc enim privilegium sibi soli servabatur ut virgo conciperet filium Dei. Commixtio autem sexus, quae sine libidine esse non potest post peccatum primi parentis, transmittit peccatum originale in prolem. Similiter etiam quia si cum peccato originali concepta non fuisset, non indigeret per Christum redimi, et sic non esset Christus universalis hominum redemptor, quod derogat dignitati Christi. Est ergo tenendum, quod cum peccato originali concepta fuit, sed ab eo quodam speciali modo purgata fuit. Quidam enim a peccato originali purgantur post nativitatem ex utero, sicut qui in Baptismo sanctificantur. Quidam autem quodam privilegio gratiae etiam in maternis uteris sanctificati leguntur, sicut de Ieremia dicitur Ierem. I, 5: priusquam te formarem in utero, novi te, et antequam exires de vulva, sanctificavi te; et de Ioanne Baptista Angelus dicit: spiritu sancto replebitur adhuc ex utero matris suae. Quod autem praestitum est Christi praecursori et prophetae, non debet credi denegatum esse matri ipsius: et ideo creditur in utero sanctificata, ante scilicet quam ex utero nasceretur.[]
  272. Thomas d’Aquin, Commentaire des Sentences, Distinction 31, Question I, article 2.[]
  273. Dans les plus de 70 volumes des œuvres de saint Augustin que l’on trouve à la Bibliothèque augustinienne, il ne se trouve pas une seule prière à quelqu’un d’autre que Dieu.[]
  274. Coelho-Kostolny Peter, « Sine Labe Originali Concepta: The Debitum Peccati in Scotus, Aquinas, and Bonaventure post Ineffabilis Deus » dans la revue Ecce Mater Tua, volume 7, 2023, page 149.[]
  275. Certains catholiques, admettant que Thomas rejetait l’Immaculée Conception, tentent d’amoindrir ce constat en avançant qu’il ne « se trompait » en cette matière que pour une question de chronologie.[]
  276. Le latin porte : Est ergo considerandum, quod unusquisque peccatum originale contrahit ex hoc quod fuit in Adam secundum seminalem rationem, ut Augustinus dicit super Genesim ad litteram. Omnes autem illi in Adam fuerunt secundum seminalem rationem qui non solum ab eo carnem acceperunt, sed etiam secundum naturalem modum originis ab eo sunt propagati. Sic autem processit ab Adam beata virgo, quia nata fuit per commixtionem sexuum, sicut et ceteri; et ideo concepta fuit in originali peccato, et includitur in universitate illorum de quibus apostolus dicit ad Rom. V, 12: in quo omnes peccaverunt; a qua universitate solus Christus excipitur, qui in Adam non fuit secundum seminalem rationem: alioquin si hoc alteri conveniret quam Christo, non indigeret Christi redemptione. Et ideo non tantum debemus dare matri quod subtrahat aliquid honori filii, qui est salvator omnium hominum, ut dicit apostolus, I ad Tim. II, 4. […] Et ideo circa celebrationem conceptionis eius diversa consuetudo Ecclesiarum inolevit. Nam Romana Ecclesia et plurimae aliae, considerantes conceptionem virginis in originali peccato fuisse, festum conceptionis non celebrant. Aliqui vero considerantes sanctificationem eius in utero, cuius tempus ignoratur, celebrant conceptionem; […]. Unde illa celebritas non est referenda ad conceptionem ratione conceptionis, sed potius ratione sanctificationis.[]
  277. Trad. Jacques Ménard, 2006, édition numérique.[]
  278. D’Alès Adhémar, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Tome III, quatrième édition, Gabriel Beauchesne, Paris, 1922, page 262.[]
  279. Floucat Yves et Margelidon Philippe-Marie, Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes, Bibliothèque de la revue thomiste, Parole et Silence, 2011, pages 653-654.[]
  280. Floucat Yves et Margelidon Philippe-Marie, Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes, Bibliothèque de la revue thomiste, Parole et Silence, 2011, page 261.[]
  281. La traduction anglaise peut être consultée sur ce lien.[]
  282. Le latin porte : Quidam etiam faciant quintum festum, scilicet, de conceptione beatae Mariae, dicentes, quod, sicut celebratur de morte Sanctorum non propter mortem, sed qui tunc recepti sunt in nuptiis aeternis, similiter potest celebrari festum de conceptione, non qui sit concepta, quia in peccato est concepta, sed quia mater Domini est concepta ; asserentes, hoc fuisse revelatum cuidam Abbati in naufragio constituto. Quod tamen non est authenticum, unde non est approbandum, cum concepta fuerit in peccato, seu per concubitum maris et foeminae.[]
  283. Le latin porte : Anima enim virginis ex sui vnione ad illam carnem peccatum originale contraxit ; cf. Richard de Menneville, Commentarius in Libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Articulus 1, Quaestio 1. Le latin peut être consulté sur ce lien.[]
  284. Richard de Menneville, Commentarius in Libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Articulus 1, Quaestio 2.[]
  285. Richard de Menneville, Commentarius in Libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Articulus 1, Quaestio 3.[]
  286. Le latin porte : quamuis per illam gratiam nondum esset consecuta confirmationem in bono que totaliter excluderet flexibilitatem liberi arbitrii ad malum.[]
  287. Richard de Menneville, Commentarius in Libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Articulus 1, Quaestio 4.[]
  288. McGrath Alister, The Intellectual Origins of the European Reformation, Wiley–Blackwell, 2003, page 24.[]
  289. Cf. la note 38 de cette traduction, page 88.[]
  290. Coelho-Kostolny Peter, « Sine Labe Originali Concepta: The Debitum Peccati in Scotus, Aquinas, and Bonaventure post Ineffabilis Deus » dans la revue Ecce Mater Tua, volume 7, 2023, page 151.[]
  291. Guillaume de Ware, Quaestio de conceptione Mariae.[]
  292. Le latin porte : quando fuit ab Angelo annunciata.[]
  293. Le latin porte : Ipsa ergo Beata Virgo fuit in Adam mortua, et fuit per Adam in originali concepta, et per Christum fuit vivificata, idest fuit ab originali iustificata.[]
  294. Le latin peut être consulté sur ce lien.[]
  295. Le latin porte : solus ipse fuit sine omni peccato, etiam sine originali[]
  296. Le latin porte : Solus ergo Christus, qui fuit conceptus de Virgine supernaturaliter, ex superuentione Spiritus Sancti, fuit sine originali conceptus. Beata ergo Virgo Maria, quae a suis parentibus descendit naturaliter, fuit in originali concepta.[]
  297. Serge-Thomas Bonino, “The Thomist Tradition”, Nova et Vetera, volume 8/4, 2010, p. 876.[]
  298. Le latin porte : Quamuis autem beata virgo potuerit a peccato praeseruari, non decuit tamen quod praeseruaretur. Cuius ratio est, qui singularis conceptio debuit dotari singulari priuilegio, sed filius Dei secundum humanitatem habuit singularem conceptionem, eo quod est conceptus non de viro, sed de spiritu sancto, ergo debuit habere singulare priuilegium, non autem habuisset, nisi solius conceptio fuisset absque originali peccato, ergo non decuit quod conceptio cuiuscunque alterius, etiam matris dotaretur hoc priuilegio.[]
  299. Le latin peut être consulté sur ce lien.[][]
  300. Le latin porte : dicendum quod beata virgo indiguit sanctificatione propter peccatum originale quod contraxit.[]
  301. Guillaume Durand de Saint-Pourçain, Commentarius in libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Quaestio 2.[]
  302. Guillaume Durand de Saint-Pourçain, Commentarius in libros Sententiarum, Liber 3, Distinctio 3, Quaestio 3.[]
  303. Ses propos sur l’infaillibilité pontificale sont aussi dignes d’être consultés.[]
  304. L’anglais peut être consulté sur ce lien.[]
  305. À propos de son commentaire, voir Schabel Chris. “The ‘Sentences Commentary of Paul of Perugia, o.carm., with an Edition of his Question on Divine Foreknowledge”, Recherches de théologie et philosophie médiévales 72/1, 2005, pp. 54–112.[]
  306. Le latin porte : In secunda sanctificatione: scilicet in conceptione saluatoris fuit totaliter liberata a fomite non quin remansit illa qualitas: sed sic quod non potuit inclinare voluntatem ad aliquem actum peccati mortalis vel venialis. Ex isto sequitur quod ante conceptionem saluatoris potuit peccare venialiter: sed non mortaliter: sed post non.[]
  307. Le texte latin peut être consulté sur ce lien.[]
  308. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, pp.34-35.[]
  309. Cité par Eugène Sécrétant, Réfutation, L’Observateur Catholique, mai 1856, p. 59.[]
  310. La traduction anglaise peut être consultée ici.[]
  311. Cité par Edward Bouverie Pusey, First Letter to the Very Rev. J. H. Newman, Rivingtons, 1869, pages 260-261.[]
  312. Le latin porte : Datum est ergo nobis verbum aeternum per manum Mariae : et de substantia Mariae induit naturam, absque peccati originalis macula : et hos qui non hominis, sed Spiritus Sancti inspiratione facta est illa conceptio : quod quidem non fuit sic in Mariae : quia non processit ex massa Adae operatione Spiritus Sancti, sed hominis. Et quia tota illa massa erat putrida, non poterat nisi in putridam naturam anima illa infundi : nec purgari poterat, nisi per gratiam Spiritus Sancti, cujus quidem gratiae non est subjectum susceptibile corpus, sed spiritus rationalis aut intellectualis : et ideo non poterat Maria a macula illa purgari, nisi postquam anima infusa est corpori : quod quidem sic factum est propter reverentiam thesauri divini, qui in illa vase debebat reponi : Nam sicut fornax consumit guttam aquae in modico tempore, sic facet Spiritus Sanctus de macula pecati originalis. Nam post conceptionem ejus, statim fuit per gratiam Spiriti sancti ab illo peccato mundata, et gratia magna data. Tu scis, Domine, qui ista est data.[]
  313. Catherine de Sienne, Oratio XVI, facta Romae anno 1300, fol. 320, col. 2.[]
  314. Le latin porte : Non omnen hominem praeter Christum contraxisse ab Adam peccatum originale est expresse contra fidem. Beatam Mariam V. et Dei Genetricem non contraxisse peccatum originale est expresse contra fidem.[]
  315. Les sessions de ce concile peuvent être consultées en anglais sur ce lien.[]
  316. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 36-38.[]
  317. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 39.[]
  318. Cité par James Attebury.[]
  319. Le latin porte : Sancti omnes, qui in ejus rei mentionem incidere, uno ore asseverarunt, beatam Virginem in peccato originali conceptam.[]
  320. Cité par Charles Hastings Colette, Dr Newman and His Religious Opinions, p. 186.[]
  321. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 39.[]
  322. L’original peut être consulté dans l’ouvrage de John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 40-41.[]
  323. Le latin porte : Glossa dicit : Superveniens Spiritus Sanctus in Virginem, mentem ipsius ab omni sorde vitiorum castificavit.[]
  324. Alexandre de Hales, Summa universæ theologiæ, Liber tertius, Prima pars tertii libri, Inq. 1, T. 2, Q. 2, M. 3, C. 2, article 1.[]
  325. Elle note ainsi : « it was observed all over France, until in 1275, through the efforts of the Paris University, it was abolished in Paris and other dioceses. » (elle fut observée dans toute la France, jusqu’en 1275 où, par les efforts de l’université de Paris, elle fut abolie à Paris et dans d’autres diocèses.).[]
  326. Camille Bataille, « The Immaculate Conception in Late Medieval Sweden », Kyrkohistorisk årsskrift, 2016, 116, pp. 15-40. hal-02541331.[]
  327. Marielle Lamy, L’Immaculée Conception. Etapes et enjeux d’une controverse, Paris, 2000.[]
  328. Johannes Molanus, Mémoire des points controversés entre les deux Eglises, article XXV.[]
  329. Le latin porte : Non pars Ecclesiae, sed tota Ecclesia Romana immaculatam Beatae Virginis conceptionem pro re indifferenti habet, neque ad fidem pertinente, quod sufficit ; voir Bossuet, Cogitationes Privatae, « Projet de réunion entre les catholiques et les protestants d’Allemagne » I, secunda classis.[]
  330. Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi, Librairie de Goemaere, Bruxelles, 1857, pp. 368-370.[]
  331. Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi, Librairie de Goemaere, Bruxelles, 1857, p. 370.[]
  332. Sur la fête orientale de la conception et sa différence avec le dogme romain, voir Guillaume Herzog, « La Sainte Vierge dans l’histoire », Revue d’histoire et de littérature religieuse, n12, 1907, p. 606.[]
  333. « Canon de saint André » dans la Patrologia Graeca, XCVII, 1306, 1312.[]
  334. Sur la fête de la conception en Orient, voir l’excellente synthèse de Kontouma-Conticello Vassa, « La question de l’Immaculée Conception dans la tradition orientale et les célébrations byzantines de l’enfance de Marie aux VIIe-VIIIe siècles », in Marie et la « Fête aux Normands » : Dévotion, images, poésie, Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2011.[]
  335. Vincent Ferrier, Serm. de Concept. Virg., cité par Guettée, op. cit.[]
  336. Bellarmin, De cultu sanctorum, livre III, chapitre 16 ; cité par Guettée Wladimir, op. cit., p. 96.[]
  337. Kathrin Utz Tremp, « L’affaire Jetzer, un scandale bernois », consulté le 24/10/2023.[]
  338. Éléonore Fournié et Séverine Lepape-Berlier, « L’Immaculée Conception : une croyance avant d’être un dogme, un enjeu social pour la Chrétienté », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 10, 2012, pp. 23-25.[]
  339. Le détail de cet épisode est rapporté par Eugène Sécrétant, « Réfutation », L’Observateur Catholique, mai 1856, p. 61. Voir ausssi John Harvey Treat, The Catholic faith, Bishop Welles Brotherhood, 1888, p. 38.[]
  340. Larousse Pierre, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, tome IV, Larousse et Boyer, Paris, 1869, page 830.[]
  341. Comme le montre Jared Staudt dans cet article.[]
  342. Comme le rappelle Mark Del Cogliano, Grégoire de Narek naquit et mourut dans l’Église arménienne.[]
  343. Constatant que Jean-Baptiste Malou cite Chrysostome parlant de manière élogieuse de la Vierge, Wladimir Guettée lui répond : « Au milieu de vos témoignages de l’Église grecque, nous remarquons celui de saint Chrysostome. Or Votre Grandeur sait bien que cet illustre orateur a enseigné en plusieurs en droits de ses ouvrages que la sainte Vierge avait commis des fautes actuelles. » ; voir Wladimir Guettée, Le Nouveau dogme en présence de l’Écriture Sainte et de la tradition catholique, Paris : Librairie ecclésiastique gallicane, 1859, p. 124.[]
  344. Ainsi, Charles Drelincourt, pasteur réformé, désigne Marie comme « cette âme innocente ».[]
  345. Comme le note cet apologète réformé.[]
  346. Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi, Librairie de Goemaere, Bruxelles, 1857, pp. 342-343.[]
  347. Reynolds Brian K., Gateway to Heaven. Marian Doctrine and Devotion Image and Typology in the Patristic and Medieval Periods., Hyde Park, New York : New City Press, 2012, vol. I : Doctrine and Devotion, chapitre 8, pages 333-334.[]
  348. « Il ne ressort pas des données primitives une stricte nécessité d’en conclure nécessairement à l’Immaculée Conception », affirme-t-il dans cet article.[]
  349. Carlo Passaglia, De Immaculate Deiparae Semper Virginis Conceptu, Rome : Congrégation pour la propagation de la foi, 1854-1855, 5 vol.[]
  350. Herzog Guillaume, « La Sainte Vierge dans l’histoire », Revue d’histoire et de littérature religieuse, numéro 12, 1907, pp. 483-607 ; Wladimir Guettée mentionne encore François Combefis, Joseph-Simonius Assemani, Francesco Antonio Zaccaria et Denys Petau, De Incarnatione Verbi XIV, ch. 11 : Opus de theologicis dogmatibus, Anvers : G. Gallet, 1700, t. V, p. 214 ; voir aussi p. 216. Guettée se réfère à son autorité dans la lettre 13 à Jean-Baptiste Malou.[]
  351. Anthime de Constantinople, Lettre encyclique patriarcale et synodale, numéro 13, 1895.[]
  352. Le Coran, Sourate Al-Imran, 36.[]
  353. Ce haddith peut être consulté en anglais sur ce lien.[]
  354. Ainsi, le Coran (III, 49 ; V, 110) mentionne que Jésus aurait formé un oiseau vivant à partir de boue alors qu’il était enfant, miracle absent de la Bible mais présent, par exemple, dans l’Évangile arabe de l’enfance de Jésus, un apocryphe datant d’un siècle avant le Coran ou encore dans l’Évangile de l’enfance selon Thomas, un écrit gnostique précédant le Coran de 4 siècles.[]
  355. Malou Jean-Baptiste, L’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, considérée comme dogme de foi, vol. II, Bruxelles : Librairie de Goemaere, 1857, p. 29.[]
  356. C’est ce que tente Éric Ybarra dans l’article mentionné précédemment.[]
  357. Coelho-Kostolny Peter, « Sine Labe Originali Concepta: The Debitum Peccati in Scotus, Aquinas, and Bonaventure post Ineffabilis Deus » dans la revue Ecce Mater Tua, volume 7, 2023, page 152.[]
  358. Voir la façon dont William Perkins définit l’orthodoxie en rapport avec le Symbole.[]
  359. Richard Hooker, A Learned Discourse of Justification, § 32, Works, vol. 5pp. 155-156.[]
  360. Rémy Bethmont, “Richard Hooker, l’hérésie papiste et un protestantisme anglais de la continuité”, Revue Française de Civilisation Britannique, XVIII-1, 2013..[]
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Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

2 Commentaires

  1. Idéfix

    Merci pour cet article qui doit être le fruit d’un travail considérable. J’ai appris beaucoup de choses. J’avoue que le pape Pie IX a présenté abusivement la doctrine de l’Immaculée conception comme étant issue de la tradition. Néanmoins dans la traduction officielle de la bulle Ineffabilis Deus, il ne dit pas que cette doctrine « a toujours été professée par l’Eglise », mais qu’elle a toujours été « possédée par l’Eglise », et qu’elle a toujours « existé dans l’Eglise ». Ce qui ne change pas grand-chose, j’en conviens. Cependant, vous avez admis que seule la définition proprement dite est censée être infaillible, et non l’argumentation historique. Et l’on peut notamment plaider que cette doctrine « est révélée de Dieu » en considérant qu’elle a toujours existé en germe dans le « sensus fidei », en considérant qu’on peut interpréter certaines paroles de l’Ecriture dans un sens absolutiste pour en déduire la conception immaculée de Marie, et en considérant que cette doctrine est confirmée par des apparitions de la Sainte Vierge comme celles de la rue du Bac en 1830 (« ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous »), et celles de Lourdes en 1858 (« Je suis l’Immaculée Conception »).
    Bref, cette doctrine est véridique, mais il est faux de dire qu’elle a été « reçue des Anciens et des Pères ».

    Au sujet de la bulle Unam Sanctam, on peut considérer que ceux qui sont dans l’ignorance invincible ne sont pas visés par l’affirmation « il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d’être soumise au pontife romain. » Tout comme Jésus ne les visait probablement pas lorsqu’il a dit « celui qui ne croira pas sera condamné ». Néanmoins, les orthodoxes qui ont lu les évangiles et sont au courant des revendications de l’Eglise catholique, mais qui rejettent cet enseignement, sont visés (en effet, je vois mal comment on peut nier de bonne foi que Jésus ait voulu donner un chef à son Eglise, une primauté de juridiction à Pierre et à ses successeurs). C’est pourquoi, d’après l’Eglise catholique, la plupart des orthodoxes (et des protestants) seront damnés, car ils sont en rébellion contre le Souverain Pontife, et ne sont pas dans l’ignorance invincible pour la plupart d’entre eux.

    Enfin, le « papisme » ne renie aucunement le Credo, ce sont plutôt les protestants qui le renient : « je crois en une seule sainte Eglise, catholique et apostolique » (symbole de Nicée-Constantinople). Les églises protestantes ne sont que des sectes dont la plupart des hérésies ont été condamnées par le concile de Trente.

    Réponse
    • Maxime Georgel

      Merci pour ce commentaire plein d’honnêteté.

      Je reviendrai en décembre de cette année dans une vidéo sur le sensus fidei relativement à cette question.

      Par ailleurs, les réformés croient bien à une Église sainte, catholique, apostolique (en fait, je récite ce crédo chaque dimanche dans ma paroisse). Simplement, nous ne pensons pas que cette Église catholique se reconnait pas le critère « communion visible avec l’évêque de Rome ».

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