Le ministre des Affaires étrangères Cho Tae-yul (à dr.) reçoit le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita, dans les locaux de son ministère à Séoul, le dimanche 2 juin 2024. (Photo fournie par l'ambassade du Maroc en Corée du Sud)
SEOUL, 03 juin (Yonhap) -- A Séoul pour seulement deux jours afin de rencontrer son homologue sud-coréen, Cho Tae-yul, et de participer à la réunion ministérielle du tout premier sommet Corée-Afrique, le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita, a accordé dimanche une interview écrite à l'agence de presse Yonhap dans laquelle il estime que «la Corée est un partenaire crédible pour les pays africains».
La république de Corée accueillera des dirigeants et de hauts officiels africains au sommet Corée-Afrique 2024, qui se tiendra les 4 et 5 juin au Centre international des expositions de Corée (KINTEX) à Ilsan, ainsi qu'à Séoul. Cet événement inédit, avec pour thème «L'Avenir que nous construisons ensemble : croissance partagée, durabilité et solidarité», témoigne de la forte détermination à la fois de la Corée du Sud et de l'Afrique à élever leur coopération à un degré supérieur.
A l'heure où l'influence du «Sud global» est plus forte que jamais, le partenariat avec l'Afrique, dont l'importance stratégique n'est plus à prouver, ne représente pas un choix mais une nécessité pour Séoul et d'autres gouvernements. En effet, le continent du «berceau de l'Humanité» apparaît comme un partenaire clé pour la Corée du Sud dont l'ambition est de devenir un «Etat pivot mondial». Au cours du sommet, la partie coréenne cherchera des voies pour une croissance partagée avec les pays africains et un plus grand rôle dans la dynamique de la croissance économique mondiale.
Nasser Bourita, qui a intégré le ministère des Affaires étrangères à Rabat en 1992 et en est le chef depuis avril 2017, a mis en exergue les initiatives du Royaume en Afrique et la volonté du Maroc d'œuvrer de concert avec la Corée pour la réussite de ce sommet et son approche de codéveloppement du continent africain.
Le ministre des Affaires étrangères Cho Tae-yul (à dr.) et le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita, lors de la signature à Séoul de trois accords sur le changement climatique, la sécurité sociale et les prêts du Fonds de coopération pour le développement économique (EDCF), le dimanche 2 juin 2024. (Photo fournie par l'ambassade du Maroc en Corée du Sud)
- Le tout premier sommet Corée-Afrique se déroulera mardi et mercredi prochains à Séoul et Ilsan. Selon vous, quelles opportunités offrira-t-il à la Corée du Sud et au continent africain ?
▲ Il s'agit d'une étape importante vers une coordination plus étroite avec une nation amie, la république de Corée, qui s'est révélée être un partenaire crédible pour les pays africains, une nation qui a montré un véritable intérêt pour la collaboration mutuellement bénéfique, avec nous Africains. En effet, la Corée a démontré une capacité à contribuer à la mise en place de processus innovants de codéveloppement en Afrique, auxquels Sa Majesté le Roi du Maroc attache une importance majeure, tel que manifesté par les différentes initiatives lancées par la Corée dans des domaines clés et prioritaires pour le continent, notamment le changement climatique, la sécurité alimentaire, la santé et les infrastructures de connectivité.
Ce tout premier sommet Corée-Afrique représente un rassemblement des fortes aspirations communes en vue d'atteindre le développement durable à travers une croissance inclusive et promouvoir une coopération pragmatique fondée sur la solidarité et la durabilité. Cependant, il reste beaucoup à faire pour libérer tout le potentiel du partenariat Afrique-Corée. Bien que l'aide au développement de la Corée ait augmenté, les investissements directs étrangers coréens vers le continent oscillent autour de 1,5% du total des investissements coréens à l'étranger.
Sur le plan commercial, les échanges de la Corée avec l'Afrique restent relativement faibles en termes absolus, même s'ils ont augmenté de plus de 150% depuis 2015, une tendance qui doit être renforcée afin d'assurer sa croissance et sa durabilité. D'autant plus que d'ici 2030, l'Afrique devrait offrir d'immenses opportunités en termes de consommateurs et de production, sachant que la production économique africaine devrait atteindre 29.000 milliards de dollars d'ici 2050.
- En avril de cette année, vous avez reçu à Rabat la vice-ministre des Affaires étrangères de la république de Corée, Hyoeun Jenny Kim, avec qui vous avez discuté de la préparation du sommet à venir. A votre avis, quels seront les facteurs de succès de ce rassemblement ?
▲ Ce rassemblement offre à nous tous l'occasion de mener une réflexion quant aux moyens d'approfondissement de la coopération Corée-Afrique sur la base de la confiance et du respect mutuel. De même, le succès de cet évènement reposera, sans aucun doute, sur la conclusion d'un partenariat substantiel et pragmatique avec la Corée, conforme à la vision de l'Afrique par rapport à son développement, et répondant aux défis du continent.
- Vous avez participé ce dimanche à la réunion des ministres des Affaires étrangères du sommet Corée-Afrique. Quels ont été les éléments essentiels de votre interlocution ?
▲ Cette rencontre se voulait être une étape primordiale vers une coordination plus étroite entre les pays africains et la Corée dans le but de rehausser la coopération afro-coréenne à un niveau supérieur, permettant ainsi un développement mutuellement bénéfique partant des forts potentiels des deux parties.
Le Maroc à travers ce sommet est désireux de contribuer à un partenariat substantiel avec la Corée, en accord avec les priorités de développement de l'Afrique. En effet, le Maroc fait de la coopération Sud-Sud un des piliers stratégiques de sa politique étrangère, conformément à la vision de Sa Majesté le Roi et, à travers ce sommet, le Royaume ambitionne de collaborer avec la Corée dans le cadre d'un partenariat pragmatique adapté aux besoins spécifiques du continent, notamment à travers la coopération triangulaire ayant pour objectif de maximiser les dividendes à travers l'implication de tous les partenaires en apportant leurs connaissances et leur expertise, ce qui encourage l'innovation et la cocréation. Aussi, le partenariat Corée-Afrique pourrait être un vecteur solide promouvant le développement économique, tout en étant centré sur les peuples, notamment à travers le renforcement des bases de la santé publique et de l'éducation, ainsi que la formation de ressources humaines de haute qualité.
Dans le cadre de ce partenariat, l'accent devra être mis sur la promotion du commerce et de l'investissement, le développement des infrastructures, en investissant dans les secteurs émergents tels que l'innovation, la technologie, la transformation numérique, ainsi que les économies vertes et bleues.
- Au sommet, sur quels sujets échangerez-vous pour accroître la collaboration entre la Corée et l'Afrique pour «construire l'avenir ensemble» ? Quels seront les domaines prioritaires ?
▲ Nous, pays africains, sommes ouverts et disposés à un partenariat équilibré et gagnant-gagnant avec la Corée, contribuant au développement économique de l'Afrique tout en valorisant son capital humain, sa diversité historique et sa richesse en ressources naturelles.
Le thème de ce premier sommet, «L'Avenir que nous construisons ensemble : croissance partagée, durabilité et solidarité», reflète de manière judicieuse un ensemble d'aspirations communes, ayant pour objectifs la quête d'un développement durable, en tenant compte des impératifs humains et des contraintes environnementales, la promotion d'une croissance inclusive, ne laissant aucun individu de côté, et la mise en avant d'une coopération pragmatique fondée non seulement sur la solidarité, mais également sur la responsabilité partagée et les bénéfices réciproques.
Réunion entre le ministre des Affaires étrangères Cho Tae-yul (3e à partir de la g.) et son homologue marocain, Nasser Bourita (4e à partir de la dr.), au ministère à Séoul. L'ambassadeur du Maroc en Corée du Sud, Chafik Rachadi (3e à partir de la dr.), est également présent. (Photo fournie par l'ambassade du Maroc à Séoul)
- En tant que modèle de développement économique en Afrique, le Maroc est très impliqué dans la région, riche en ressources humaines et naturelles, avec notamment l'Initiative marocaine pour l'Atlantique, le projet du gazoduc Maroc-Nigeria et celui de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Quel rôle pourra jouer votre pays avec la Corée du Sud dans ce cadre-là ?
▲ Le Maroc, sous la vision de Sa Majesté le Roi et partant de son engagement envers l'Afrique, a lancé plusieurs initiatives dans des domaines prioritaires clés, relatifs au changement climatique, à la sécurité alimentaire, à la santé et aux infrastructures. De même, les relations d'amitié entre la Corée du Sud et le Royaume doivent être saisies en vue de tirer profit de ces lancées. Je peux citer dans ce sens : l'Initiative royale visant à favoriser l'accès des pays du Sahel à l'océan Atlantique, le Processus des Etats africains atlantiques, le Projet de gazoduc atlantique Maroc-Nigeria, le développement d'unités de production d'engrais en Afrique et la coopération technique avec l'octroi de 12.000 bourses à des étudiants et personnels techniques africains [...].
Le Maroc a également conclu, dans différents domaines de coopération, plus de 1.000 accords avec les pays africains, apportant ainsi son expertise et partageant son savoir-faire avec ses pairs africains afin de concrétiser les ambitions d'un nouveau modèle de coopération Sud-Sud mutuellement bénéfique, impliquant des formules public/privé. Partant de ce constat, la Corée et le Maroc pourraient mutualiser leurs efforts en développant une approche novatrice d'une coopération triangulaire au profit des pays du continent.
- Concernant plus précisément le Maroc, dans quels domaines êtes-vous satisfaits des relations entre la Corée du Sud et le Royaume ? Et dans quels domaines doivent-elles être plus développées ?
▲ Le Royaume du Maroc et la république de Corée ont célébré le 6 juillet 2022 le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques, avec l'ouverture à Rabat, en 1962, de la première mission diplomatique de la Corée en Afrique. Le Maroc et la Corée partagent également des liens d'amitié marqués par le respect mutuel et une mémoire commune, notamment avec la participation de soldats marocains à la guerre de Corée dans le cadre du déploiement des forces des Nations unies à la péninsule coréenne.
Aussi, le Maroc et la Corée ne cessent de développer leur partenariat dans divers domaines et de renforcer l'arsenal juridique déjà étoffé à la lumière de la dynamique souhaitée de part et d'autres notamment à travers la conclusion de trois accords en marge du sommet. Il s'agit, premièrement, d'une convention de sécurité sociale, qui a pour objectif d'initier une coopération étroite entre le Maroc et la Corée en rapprochant leurs législations dans ce domaine aux fins de résoudre les difficultés spécifiques que rencontrent leurs ressortissants respectifs et leur permettre de bénéficier d'une protection complète.
Le deuxième est un accord-cadre de coopération dans le domaine du changement climatique, visant à renforcer la capacité des deux pays à réduire ou éliminer les émissions de gaz à effet de serre, à faire face aux impacts liés aux changements climatiques et à faciliter la transition des deux parties vers des économies à faible émission de carbone.
Le troisième accord est relatif aux prêts du Fonds de coopération pour le développement économique (EDCF) de la Corée. Il a pour objectif de promouvoir la coopération entre le Maroc et la Corée, à travers l'octroi de prêts en vue de l'implémentation de projets définis d'un commun accord entre les deux parties.
Par ailleurs, afin d'insuffler une nouvelle dynamique aux relations économiques et commerciales, il y a eu la signature du communiqué conjoint sur le lancement des discussions exploratoires pour l'établissement d'un cadre juridique sur le commerce et l'investissement entre les deux pays.
- Plus spécifiquement, quelles sont les grandes orientations de la politique diplomatique du Maroc à l'égard de l'Asie et de la Corée du Sud ?
▲ La clairvoyance de Sa Majesté le Roi a fait du principe de la diversification des partenaires l'un des vecteurs essentiels de l'action diplomatique du Royaume. En effet, l'ouverture du Maroc sur de nouveaux espaces géopolitiques lui a permis de conclure différents partenariats stratégiques avec des pays de la région, lui permettant de se placer en tant que «gateway» de ces pays vers l'Afrique.
De plus, les relations du Royaume avec les pays d'Asie, y compris la Corée du Sud, sont marquées par le partage des valeurs communes, en l'occurrence le soutien à la paix et à la stabilité internationale, la résolution pacifique des conflits et la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. D'autant plus que ces liens sont caractérisés par le renforcement du dialogue politique, la progression régulière des échanges commerciaux, la consolidation des échanges culturels, humains et touristiques et l'identification d'espaces d'intérêt commun.
Par ailleurs, le niveau de croissance et de développement économiques atteint par la Corée faisant d'elle un acteur important dans l'économie régionale et mondiale, ainsi que l'instauration par le Maroc d'un climat favorable aux affaires et à l'investissement, offrent une multitude d'opportunités aux acteurs économiques publics et privés de part et d'autres afin de renforcer leur coopération dans divers domaines d'intérêt commun.
- En tant que chef de la diplomatie marocaine, quel est votre message pour le peuple coréen ?
▲ Mon message pour le peuple coréen est celui de l'amitié, de la coopération et du respect mutuel entre nos deux nations. Nous valorisons grandement les relations entre le Maroc et la Corée, et nous sommes déterminés à renforcer davantage ces liens dans les années à venir. Nous sommes convaincus que notre collaboration peut apporter des avantages tangibles à nos deux peuples, tant sur le plan économique que culturel. Nous espérons continuer à travailler main dans la main avec nos amis coréens pour promouvoir la paix, la prospérité et le développement dans nos régions respectives et au-delà.
Affiche du tout premier sommet Corée-Afrique qui se déroulera les 4 et 5 juin 2024 au Centre international des expositions de Corée (KINTEX) à Ilsan, ainsi qu'à Séoul. (Capture d'écran du site Internet du sommet Corée-Afrique 2024)
Propos recueillis par Xavier Baldeyrou
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