Saint Augustin, Les Confessions édition de Poujoulat et Raulx (1864)
Tolle lege, tolle lege !
uand, du fond le plus intérieur, ma pensée eut retiré et amassé toute ma misère devant les yeux de mon cœur, il s’y éleva un affreux orage, chargé d’une pluie de larmes. Et pour les répandre avec tous mes soupirs, je me levai, je m’éloignai d’Alypius. La solitude allait me donner la liberté de mes pleurs. (...)Tel était mon état, et il s’en aperçut(...).
e disais et je pleurais dans toute l’amertume d’un cœur brisé. Et tout à coup j’entends sortir d’une maison voisine comme une voix d’enfant ou de jeune fille qui chantait et répétait souvent : « PRENDS, LIS ! PRENDS, LIS ! » Et aussitôt, changeant de visage, je cherchai sérieusement à me rappeler si c’était un refrain en usage dans quelque jeu d’enfant ; et rien de tel ne me revint à la mémoire. Je réprimai l’essor de mes larmes, et je me levai, et ne vis plus là qu’un ordre divin d’ouvrir le livre de l’Apôtre, et de lire le premier chapitre venu. (...)
e revins vite à la place où Alypius était assis ; car, en me levant, j’y avais laissé le livre de l’Apôtre. Je le pris, l’ouvris, et lus en silence le premier chapitre où se jetèrent mes yeux : « Ne vivez pas dans les festins, dans les débauches, ni dans les voluptés impudiques, ni en conteste, ni en jalousie ; mais revêtez-vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et ne cherchez pas à flatter votre chair dans ses désirs. » Je ne voulus pas, je n’eus pas besoin d’en lire davantage. Ces ligues à peine achevées, il se répandit dans mon cœur comme une lumière de sécurité qui dissipa les ténèbres de mon incertitude.