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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/89

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de la coopération de crédit à la découverte de la vapeur. « La moderne civilisation avec toutes ses ressources, dit-il, n’a pas mis en œuvre de pouvoir économique d’une égale puissance ; on ne peut rien lui comparer (à la coopération de crédit), comme facteur de production, en opposition avec les vieilles influences (agencies), depuis l’invention de la vapeur, à laquelle, sous le rapport de la force motrice, elle peut très bien être assimilée (likened)… Et dans ses applications, la force nouvelle signifie bien autre chose que la démocratisation du crédit. En puissance, elle tend par l’usage d’une semblable influence à la démocratisation de la production, à l’extension d’une considérable portion d’ouvrage productif, affranchi de tout lien de dépendance, et cependant ordonné et paisible, sur une aire immense de travail émancipé[1]. » Et l’auteur décrit les conséquences infiniment variées, matériellement et moralement heureuses, du nouveau système.

Les doctrinaires de la coopération les plus instruits n’hésitent pas à lui attribuer une puissance complète de palingénésie. « Il est certain que le coopératisme, — si vous voulez me permettre ce néologisme, — poussé à ses dernières limites aboutit à une organisation sociale qui présente de grandes analogies avec l’idéal collectiviste…[2] », écrit M. Charles Gide, et il reconnaît loyalement que ce système « présente quelques-uns des mêmes dangers que le collectivisme », mais il se rassure en pensant que le mouvement coopératif s’opérera librement. Insistant sur « le véritable but de la coopération », l’auteur s’exprime ainsi : « Permettez-moi de le résumer une dernière fois en ces termes : elle doit servir à modifier pacifiquement, mais radicalement le régime économique actuel, en faisant passer la possession des instrumens de production, et avec elle la suprématie économique, des mains des producteurs qui les détiennent aujourd’hui entre les mains des consommateurs… Il va sans dire que ceux qui, comme nous, se font cette idée de la coopération ne sauraient approuver qu’on la détourne de ce but pour éparpiller ses forces dans d’autres directions : par exemple, qu’on emploie ses ressources à la constitution de caisses de retraite ou d’assurance qui auraient pour résultat de transformer la coopération en institution de prévoyance, » La pension de retraite est, d’après M. Gide, « une fin individualiste, une fin égoïste », et il continue : « j’estime que c’est rabaisser le rôle de la coopération que de la faire servir à des fins individualistes,

  1. Wolff, People’s Banks, pp. 240 à 241. Nous devons dire que dans une lettre particulière, M. Wolff, à l’ouvrage duquel nous rendons d’ailleurs hommage, a voulu atténuer la portée de cette comparaison de la coopération de crédit avec la découverte de la vapeur.
  2. De la Coopération et des transformations qu’elle est appelée à réaliser, p. 17.