Montez ! Laissez flotter dans les brises charmées
Vos tresses, d’un arôme âpre et doux embaumées.
Et, mieux que le dauphin joyeux et diligent,
Fendez le flot natal d’un sillage d’argent !
Ô Filles de Thétis, gardez-nous des nuits noires,
Des écueils embusqués le long des promontoires,
Du Notos, tourmenteur de la divine mer,
Par qui nefs et marins plongent au gouffre amer,
Et, propices toujours, que vos fraîches haleines
Jusqu’au port désiré gonflent nos voiles pleines !
Sur la couche d’ivoire où nous te contemplons
Tu dors, cher Adonis, Éphèbe aux cheveux blonds !
Ô jeune Dieu, pleuré des Vierges de Syrie,
Quand le noir sanglier blessa ta chair fleurie.
Et s’enfuit, te laissant immobile et sans voix,
De ton sang rose et frais baigner l’herbe des bois,
Sur la montagne et dans les profondes vallées.
On entendit gémir les Nymphes désolées,
Et l’écho prolongea leurs pieuses douleurs ;
Et Kypris, les cheveux épars, les yeux en pleurs,
T’enveloppant encor d’une suprême étreinte.
Troubla la paix des cieux de sa divine plainte :
— Adônis, Adônis ! tu meurs, et je t’aimais !
Te voilà mort, et moi je ne mourrai jamais !
Tu faisais ma beauté, mon orgueil et ma joie,
Et je ne suis plus belle, et mon corps neigeux ploie
Comme un grand lys brisé par les vents de l’hiver !
Je suis Déesse, hélas ! Toi qui m’étais si cher,
Je ne te verrai plus ! Mes lèvres embaumées
Plus jamais ne joindront tes lèvres bien-aimées !
Mais, si du sombre Érèbe on ne peut revenir,
Je puis faire du moins, triste et doux souvenir,
Croître et s’épanouir, au sol où tu reposes,
Sous mes pleurs, l’anémone et, dans ton sang, les roses !