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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/448

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LES
REVUES ÉTRANGÈRES

REVUES ALLEMANDES

AMITIÉS DE MUSICIENS : DEUX AMIS DE BEETHOVEN ; UN FAUX AMI DE WAGNER

Lorsque, aux heures de rêverie, je cherche à me représenter quel fut le plus grand parmi tous les grands hommes, c’est toujours la haute, la puissante, la souveraine figure du musicien Beethoven qui se dresse devant moi, baignée de cette lumière surnaturelle qui flotte autour de la figure des anges et des saints dans les vieux tableaux allemands. Peut-être est-ce que, de tous les grands hommes, Beethoven est celui que j’aime le mieux, celui dont les œuvres me touchent et me charment le plus profondément. Mais peut-être aussi a-t-il vraiment été plus qu’un homme. Ceux-là mêmes à qui Une plaît pas éprouvent en sa présence un respect mêlé de quelque frayeur : ils le sentent au-dessus d’eux, et c’est sa grandeur qui les écarte de lui.

Il est si grand, en effet, que toute définition qu’on tente de son génie reste forcément incomplète. Est-il classique ou romantique ? Est-il de l’ancien temps ou du nouveau ? Je ne crois pas qu’on puisse le rattacher ni à un temps, ni à une école, ni à un pays déterminé. Aucun autre homme n’a eu des gaîtés plus joyeuses ni de plus douloureuses tristesses ; aucun n’a senti plus de nuances, ni conçu de plus vastes ensembles. On a pu comparer Mozart à Raphaël ; mais de comparer Beethoven