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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/32

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Il repousse les propositions nouvelles et persévère dans les résolutions qu’il a si nettement exprimées. Comme il n’était pas complètement satisfait de l’attitude de son représentant, il expédie en Espagne un des Gaillet, qui sera associé à Lenet pour les négociations[1]. Des explications sont échangées, sans qu’on paraisse y prendre garde ; l’attention est ailleurs. Les amis de M. le Prince ne peuvent se consoler de savoir Pimentel seul à Paris entre Mazarin et de Lionne.

À la nouvelle de la suspension d’armes, il y eut un éclat de joie, et M. le Prince se mit à l’unisson : « J’ay commandé, écrivait-il le 17 mai[2], de publier la suspension d’armes dans mes places et dans mon armée ; l’allégresse est d’autant plus grande qu’on voit bien que la paix suivra infailliblement,.. Rien au monde ne pouvoit me donner plus de joie ; j’en ay une tout à faict tranquille. Il me semble voir le port après un long orage, et y arriver assez glorieusement pour en estre satisfaict. »

Cette flambée de feux de joie fut promptement éteinte. Les rumeurs devenaient de plus en plus défavorables aux intérêts de Condé ; on parlait de conditions très dures et déjà acceptées ; les messages de don Luis de Haro donnaient à penser : en renouvelant ses déclarations habituelles, en protestant que jamais il n’abandonnerait les intérêts de S. A., le premier ministre ajournait tout « à l’entrevue sur la frontière ; là il ne sera pas moins le plénipotentiaire de S. À que celuy du Roy »[3].

Verba et voces ! Le traité subsiste, déjà signé, ratifié ; et quel traité ! Il fallut bien en convenir.

Le 13 juin, le fatal papier fut mis dans les mains de Lenet, qui put le lire rapidement, prendre quelques notes avec l’aide de don Christoval et en faire passer l’analyse à M. le Prince.

L’acte signé à Paris le 4 juin 1659 par le cardinal Mazarin et don Antonio Pimentel, véritable traité de paix préliminaire conclu au nom et par l’autorité des deux souverains, reproduisait, avec aggravation, le dispositif que le cabinet de Madrid avait refusé d’accepter en 1606, y compris même les clauses que le plénipotentiaire français n’avait pas osé produire alors. « Tout ce qui regarde S. A. est contenu dans cinq ou six articles[4] fort longs. »

  1. Instructions du 11 mai (A. C), et Mémoires de Lenet. — Il s’agit ici de Pierre Caillet, intendant de Rocroy, connu plus tard sous le nom de Caillet-Denonville, ou de Caillet de Theil. — Sur lui et sa famille, voir t. VI, p. 350.
  2. A M. de La Neuville (Auteuil). A. C.
  3. Lenet à M. le Prince, 24 mai. — Le roi d’Espagne et don Luis de Haro à M. le Prince, 25 mai. A. C.
  4. Dit Lenet. En fait il y en a dix. Ce traité n’a jamais été publié qu’en espagnol, au siècle dernier. L’original a été détruit ; il n’en subsiste qu’une copie en espagnol, déposée aux Affaires Étrangères, et l’analyse envoyée par Lenet à Condé. A. C. — Voir Documens et Pièces, et Valfrey, Hugues de Lionne, ses ambassades en Espagne et en Allemagne, p. 268.