On en doit dire autant pour d’autres changemens. Qu’on écrive des genoux ou des genous, je veux ou je veus, une dixaine ou une dizaine, la chose n’importe guère. Je n’aimerais pas beaucoup qu’on écrivît le présidant de la République : malgré moi, cela me ferait l’impression de quelque chose de plus instable. Les Italiens ne disent-ils pas il presidente ? Il faudrait donc écrire aussi la présidance, la négligeance ? Il n’est même pas bien sûr que nos compatriotes du Midi ne fassent pas sentir la différence entre le résident de France et les résidants à l’étranger. La différence existe dans nos patois. S’il faut remplacer les ent par des ant, d’où vient enfin que l’Académie, en sa dernière édition du Dictionnaire, nous a (je ne sais vraiment pourquoi) remplacé les excédants par des excédents ?
Mais encore une fois, ce sont là des vétilles grammaticales sur lesquelles il y a moyen de s’entendre.
Mais aussitôt que nous arrivons à « l’orthographe d’usage », les choses deviennent plus délicates. Faisons comme M. Gréard, et mettons d’abord les changemens les plus inoffensifs.
Il y aurait contradiction à écrire sans accent serein et avec accent sérénité : on propose de les mettre d’accord en écrivant serénité. — Mais n’y a-t-il pas là autre chose qu’une question d’accentuation ? Les deux mots ne sont pas de même âge ni de même provenance. L’un, venu par la bouche du peuple, existe dans notre langue depuis ses commencemens : à l’usage, il s’est quelque peu altéré, et le latin serenus, éteignant le son de sa première syllabe, est devenu ce qu’il est en français. L’autre, tiré des livres par les savans, nous est arrivé à une époque récente ; c’est une copie du latin serenitas, comme on le voit par l’exactitude de l’imitation. Ce cas se présente à tout instant : c’est celui de vrai et vérité, humble et humilité, mûr et maturité ! Pour être presque imperceptible, la différence entre les deux mots n’en représente pas moins une différence d’origine.
Ce point, aujourd’hui complètement éclairci, grâce au progrès des études historiques, n’avait pas échappé aux premiers auteurs du Dictionnaire. « Quelques-uns, remarque l’un d’eux, disent encliner au lieu d’incliner, fondés sur ce que l’on dit enclin ; mais il ne s’ensuit pas que l’on doive dire encliner. En matière de langues, il n’y a point de conséquence entre le mot formé et celui dont il se forme ; comme par exemple on dit ennemi avec un e et inimitié avec un i, entier et intégrité, parfait et imperfection, et ainsi de plusieurs autres. » On pourrait, en effet, allonger la liste à l’infini : c’est le cas pour décrire et description, pour maître et magistral, pour lettre et littéraire, pour église et ecclésiastique ; et pour une moitié des mots de la langue. Nos simplificateurs, quand ils se