L’invocation était, nous l’avons dit, le grand cheval de bataille des poètes de cette époque. Barbier en abuse à cœur-joie : toujours l’histoire de la poutre et du brin de paille ! Lui qui s’amusait tant à les compter chez le voisin et voulait en avoir découvert dans Rolla jusqu’à trente-neuf, se portait, de ce côté. Dieu seul sait à quels excès! Les divers sonnets qui semblent avoir pour objet de relier entre elles les grandes pièces du volume sur l’Italie, ne sont tous faits que d’invocations ; c’est l’invocation perpétuelle :
O nourrice de l’art, ô mère de l’étude,
Tu reçus dans tes bras le grand Dominiquin!
Ailleurs :
Salut, grand Florentin adoré du Lombard,
Au front majestueux, à la barbe luisante !
Devant toi je m’incline, ô noble Léonard,
Plus que devant un prince à l’armure éclatante...
Et ainsi de suite pour les uns et les autres, sans que le poète ait l’air de s’apercevoir de ce que sa ritournelle a de comique :
O Masaccio, c’est toi, jeune homme aux blonds cheveux,
De la bonne Florence enfant cher et sublime...
……….
O bon Cimarosa, nul poète immortel...
……….
Sublime Michel-Ange, ô vieux tailleur de pierre.
……….
Et ce fut là ton sort, bienheureux Raphaël, etc.
Inutile d’insister sur la monotonie résultant de cette éternelle répétition de la même formule, et puisque nous touchons à la critique des détails, soyons sans pitié pour ces négligences de facture décidément inadmissibles qui ne passent chez Musset que parce qu’elles sont voulues et même très souvent proposées comme effets, mais qui, chez Barbier, ne font que trahir l’artiste incorrect, empêtré dans sa besogne comme le corbeau dans la toison de la brebis : Saint qui rime avec main, jointes avec étreintes, passer avec désert :
Le champ de poésie est un vaste désert
Où l’on voit à grand’ peine un noble oiseau passer.
Détestons également ces alexandrins composés et chevillés de deux substantifs pourvus chacun de son adjectif, où le soleil
de ses rayons cuisans
Brûle le front doré des superbes Pisans,