me mande Mme la marquise, vous a fait envie de vous défaire de moi. Je vous assure bien d’une chose que, autant d’œillades qu’il vous fera, ce sont autant de coups d’épée que je lui donnerai dans le cœur. Voilà ce que c’est, quand on a perdu les gens de vue, on ne s’en soucie plus. Je vous ai écrit cinq lettres que toutes j’ai adressées à Saint-Léger ; j’ai seulement reçu aujourd’hui vos premières lettres. Je me soucie, ajoute-t-il, autant de toutes les femmes de ce monde comme je me souviens des bottes de la marche, et m’a toujours été avis qu’il n’y avoit femme au monde que vous. »
Les jours, les mois s’écoulaient avec rapidité, et le duc ne répondant aux supplications de Françoise que par les mêmes banales protestations, elle en vint aux plaintes, et c’est à une de ces lettres de reproches qu’il répondit : « Je suis bien étonné de penser que avez opinion que je ne suis point homme de bien. Vous me mandez qu’un de vos amis vous a avertie que j’avois dit à M. le maréchal qu’à mon retour, je ne vous abuserois plus et que je vous dirois librement que je ne vous veux point épouser… Celui qui vous l’a dit n’est pas de vos amis ni des miens, car ce qu’il en a fait n’est que pour nous mettre de querelle, et d’autre part il ment par la gorge. Je n’ai jamais parlé comme cela à M. le maréchal, encore moins pensé cela. Il me semble que vous me faites un grand tort d’avoir cette opinion-là de votre fidèle serviteur, car je ne pense ni nuit ni jour à chose du monde, sinon aux moyens que nous pourrons trouver, pour le faire trouver bon au roi, car je n’ai jamais tant désiré chose qui m’advint que d’avoir cet heur que nous voir ensemble une fois pour toute notre vie. Vous ne vous montrez guères ferme, car vous croyez tout ce que l’on vous dit. Je crois qu’il vous souvient bien que je vous ai dit beaucoup de fois que vous êtes toutes frappées en un coin. Je pensois que vous ne ressembliez point aux autres. Vous me mandez que celui que j’appelle mon père veut me faire épouser une de qui je vous ai autrefois parlé (il faisait allusion à Lucrèce de Ferrare) ; je n’y ai jamais pensé. Vous dites aussi que vous savez qu’elle est plus belle que vous et plus riche. Quant à la richesse, vous savez combien j’en fais peu de cas, et quant à la beauté, si vous voulez que je sois si sot que de penser qu’il y ait au monde rien si beau que vous, pour vouloir ce que vous voulez, je diray que je le crois, mais je mourray aussitôt que de l’avoir pensé. »
Ces belles phrases ne pouvaient changer la déplorable situation qu’une telle déloyauté avait faite à Françoise ; elle lutta jusqu’au bout, dissimulant avec énergie sa grossesse, espérant toujours jusqu’à la dernière heure que le duc aurait pitié d’elle et viendrait la sauver de cette honte qu’il avait à se reprocher, Il n’en fut rien, elle ne