tes terres; nous serons tous compromis; il faut achever l’homme et le porter ailleurs. » B... s’emporta contre eux, mais ils insistaient, disant que c’était folie, et un d’eux, le tirant par sa manche, lui montrait son bâton ferré, lui faisant signe que, d’un seul coup, il pourrait assommer le moribond.
B... fit venir de chez lui une charrette pour y charger le blessé. Ses Bédouins, voyant qu’il n’y avait plus à songer à terminer sa vie, n’avaient plus qu’une pensée, celle de le voler; un d’eux essaya de lui prendre ses souliers. Le malheureux avait une de ces sortes de flageolets de cuivre qui sont communs ici; on n’était pas arrivé à la maison qu’un homme de l’escorte le lui avait pris.
Le magistrat, averti, envoya un notaire pour recevoir la déposition et un médecin. Le médecin était un vieillard arabe de près de quatre-vingts ans; il regarda la blessure et dit qu’il ne pouvait rien faire ; le notaire enregistra les déclarations du blessé ; tous deux, ensuite s’en allèrent. B.., voyant que le malade n’avait chance d’être soigné que s’il était mené à la ville, le fit placer sur une charrette pour l’y conduire. En route, l’homme fit une remarque bien caractéristique. Les chemins, très mauvais, occasionnaient des secousses qui le fatiguaient. Il dit au cocher : « Tu me secoues trop, tu dois être complice de mes assassins. » On voit qu’aux propositions d’achever le blessé faites par les autres correspond une singulière facilité d’accusation et que la crainte d’être injustement compromis, qui faisait agir les premiers, n’était pas purement imaginaire.
A l’hôpital, le blessé vécut un jour et mourut. On découvrit le principal de ses assassins. Il fit marché avec la faucille et paya 2,000 piastres (1,200 francs), Il n’y eut pas de poursuites.
On peut croire que, dans un tel milieu, la vie des femmes n’est pas non plus très raffinée. Il serait facile, pour en donner une idée, de citer une foule de traits analogues à ceux que rapportent nos conteurs du moyen âge et que nous nous plaisons aujourd’hui à considérer comme inventés en dehors de toute vraisemblance. Un exemple sans doute suffira. Il y a quelque temps, le même propriétaire était à lire dans sa chambre assez avant dans la soirée quand un de ses domestiques vint l’avertir qu’il s’élevait un grand vacarme du bâtiment des Arabes et qu’il craignait qu’ils ne se tuassent. Le maître, habitué à ne pas faire grande attention à ces alertes, répond qu’il n’a aucun moyen de les en empêcher, que c’est affaire à eux. Mais le bruit augmente; le domestique revient et insiste. B... va avec lui au lieu du tumulte. C’était une chambre fort étroite qu’habitaient en commun un de ses Arabes marié et le beau-père et la belle-mère de celui-ci. D’abord, dans cette confusion de gens furieux et vociférant, il eut peine à rien reconnaître. Il y avait à terre comme un long paquet, peut-être un cadavre, sur lequel tout