restait la garantie, était échelonnée jusqu’en 1874. La France avait à payer un demi-milliard trente jours après le rétablissement de l’ordre dans Paris, un milliard avant la fin de 1871, un autre demi-milliard avant le 1er mai 1872. Les trois milliards qui restaient ne devaient être acquittés qu’au 2 mars 1874. Il y avait, il est vrai, une chance ou un espoir : la France pouvait se promettre d’abréger la durée de l’occupation étrangère soit en hâtant les paiemens de l’indemnité, soit en faisant agréer par l’Allemagne des garanties financières qu’elle s’était réservé le droit d’offrir, et c’est, en effet, ce qu’on allait tenter. C’était, dans tous les cas, une situation singulièrement poignante, où tout dépendait des négociations qu’il y aurait à poursuivre avec l’Allemagne et du succès des opérations de finance qu’il y avait à engager. Il fallait traiter sans cesse avec un vainqueur implacable et méticuleux, plein d’âpreté et d’ombrages, souvent menaçant ; il fallait aussi préparer, conquérir les moyens de désintéresser ce vainqueur, et, en définitive, c’était là le grand secret. M. Thiers voyait juste quand il faisait de cette libération du territoire qui lui apparaissait comme le premier des biens, comme le premier objet de sa politique, une question de sagesse et de crédit.
Lorsque les événemens sont accomplis, lorsqu’un problème tel que celui qui s’agitait pour la France en 1871 est à peu près résolu, on ne voit souvent que le résultat; on oublie comment ce résultat a été préparé et est devenu possible. Il y a eu même des esprits disposés à croire après coup que ce qu’avait fait M. Thiers était assez simple, qu’il n’avait eu d’autre mérite que de frapper le sol pour en faire jaillir des ressources avec lesquelles il avait pu dégager l’indépendance nationale des étreintes de l’Allemagne. Assurément M. Thiers n’accomplissait un si grand acte qu’avec les ressources mises à sa disposition par la France et par le monde entier. Il n’avait pas le don de la multiplication des milliards et, s’il payait avec une rapidité imprévue une rançon invraisemblable, c’est qu’il avait reçu de quoi la payer ; mais ce qu’il donnait pour sa part tout d’abord, c’était son entrain, son ardeur confiante, son activité toujours habile à simplifier les plus grandes affaires et à rallier les volontés sur le point décisif. A peine avait-il échappé aux angoisses de la guerre civile, dès la mi-juin il abordait la question. Il ouvrait la campagne pour le premier emprunt de deux milliards : commencer par deux milliards, c’était déjà beaucoup! Les propositions de toute nature ne manquaient pas, les unes purement chimériques, les autres spécieuses ou hasardeuses ou intéressées. M. Thiers s’étudiait à ramener toutes les combinaisons au projet le plus simple, le plus pratique, le mieux fait pour réussir. Il ne négligeait rien pour