ser toute liberté pour la réalisation de ses projets de socialisme d’état et d’économie financière. L’idéal pour lui serait de pouvoir continuer son jeu entre les nationaux-libéraux et les catholiques en dominant les uns par les autres, en demeurant maître de ses résolutions. Le calcul, sans être nouveau, peut être habile ; il risque aussi d’être trompé par le scrutin, qui peut envoyer au parlement des groupes assez puissans pour obliger M. de Bismarck à compter plus que jamais avec eux ou à courir la chance de quelque dissolution nouvelle dont il tient toujours la menace en réserve. Dans tous les cas, il reste à savoir si c’est une manière de gouverner, une politique à l’usage de tout le monde, si M. de Bismarck n’épuise pas simplement son vigoureux génie dans une œuvre toute personnelle. C’est, après tout, l’affaire du chancelier et de l’Allemagne.
Ce qui se passe en Hollande n’a pas sans doute les proportions de ce qui peut se passer en Allemagne. Les affaires d’un petit pays, aussi honnête que sage d’habitude, n’en ont pas moins leur intérêt. Depuis le mois de mai, la Hollande vit dans une sorte d’imbroglio ministériel provoqué par un vote de la seconde chambre, qui a refusé d’approuver le traité de commerce signé avec la France. Le ministère, présidé par le baron van Lynden, qui avait négocié le traité, donnait immédiatement sa démission. Seulement l’embarras était de trouver les élémens d’un nouveau cabinet au milieu du fractionnement des partis. Vainement on s’adressait aux principaux chefs parlementaires appelés en consultation par le souverain ; on ne réussissait à rien, et depuis quatre mois, la Hollande a vécu avec un cabinet démissionnaire qui ne pouvait ni être remplacé ni arriver à se reconstituer dans des conditions nouvelles. Cela n’a pas empêché le roi et la reine des Pays-Bas de profiter de l’été pour faire, eux aussi, leur tour d’Europe, pour voyager en Allemagne, et c’est même pendant qu’il était encore à Francfort que le roi a songé à reprendre les négociations pour refaire définitivement un ministère. H s’est décidé à appeler auprès de lui M. Tak van Poortvliet, qui est un des chefs de l’opposition contre le traité de commerce et l’ami de l’ancien ministre des finances, M. Kappeine, candidat éventuel au pouvoir. M. van Poortvliet consentait bien à accepter la mission de former un cabinet, mais sa première condition était une réforme électorale, c’est-à-dire l’extension du droit de suffrage. M. Van Poortvliet pouvait avoir raison. Il s’est efforcé de démontrer au roi qu’une modification de la loi électorale pouvait seule remédier à la confusion actuelle des partis et créer pour le parlement des conditions plus régulières. De plus, il pouvait s’appuyer sur ce fait singulier que le cens, au lieu d’être fixe comme dans les autres pays, est déterminé en Hollande par les circonstances locales et est par conséquent très inégal. Ainsi, entre le Brabant et la