Charles-Quint. Cette journée, qui fut un désastre pour la France, remplit l’Espagne d’un juste orgueil. Quelque chose cependant manquait à la gloire de Philippe ; il était à Cambrai, occupé à écrire des lettres, pendant que la batailles se livrait, il alla vite rejoindre l’armée et écrivit à son père : « Mon regret d’avoir été absent dépasse tout ce que Votre Majesté peut supposer. » Charles Quint n’eût pas été absent. Quand il apprit la grande nouvelle dans son couvent, d’où il suivait encore de loin les affaires du monde entier, il demanda de suite « si Philippe était à Paris. » Le général revivait dans le saint. Emmanuel-Philibert voulait aussi marcher sur Paris ; mais Philippe avait un tempérament prudent et même timide. On se contenta de faire le siège de Saint-Quentin. La prise de cette ville, glorieusement défendue par Coligny, termina la seule campagne à laquelle Philippe devait assister en personne. L’Europe compara Saint-Quentin à Pavie ; la fortune souriait au successeur de Charles Quint ; celui-ci put croire qu’il n’avait plus rien à faire qu’à préparer son salut, ayant laissé les rênes de la monarchie espagnole à des mains capables de les bien tenir.
La France fut presque consolée de la défaite de Saint-Quentin par la prise de Calais. Marie Tudor se trouva bien punie d’avoir accordé son armée à cet époux qui n’avait pour elle que des mépris. Philippe ne songeait plus à retourner en Angleterre. Marie mourante le suppliait en vain de venir ; il lui envoya simplement le duc de Feria en lui recommandant de témoigner de ses bonnes dispositions à la jeune princesse Elisabeth. Marie mourut le 17 novembre 1558 ; Philippe en reçut la nouvelle à Bruxelles ; un mois après, il fit demander par le duc de Feria la main d’Elisabeth, en exigeant toutefois qu’elle professerait la religion catholique et romaine. La reine répondit à Feria qu’elle ne pouvait rien faire sans consulter son parlement, et peu après, les mesures prises par le parlement et sanctionnées par la reine en faveur de la religion réformée amenèrent la rupture d’une négociation si délicate. Le refus mal déguisé de la jeune reine ne fut sans doute jamais pardonné.
Philippe n’avait plus besoin de ménager l’Angleterre, profondément irritée de la perte de Calais, et bien que la victoire de Gravelines eût donné un nouveau lustre à ses armes, il était dans de tels embarras d’argent qu’il hâta la paix avec la France. Les « papiers de Granvelle » prouvent que si Philippe était un général médiocre, il était un diplomate consommé. Prescott écrit à ce sujet : « Toutes les négociations se firent sous les yeux de Philippe… Ses premières campagnes avaient réparé les malheurs des dernières de Charles-Quint, et le traité conclu avait rapporté à l’Espagne plus de provinces qu’elle n’avait perdu de villes ; ainsi le roi s’était montré