oriental par ces crises décisives nous avaient laissé froids, distraits, indifférens. Qui s’intéressait à l’Orient ? Qui se rappelait la grande mission que nous y avions remplie jadis ? Qui tenait à la continuer ? Qui croyait au mot célèbre et juste d’un écrivain spirituel disant que la question d’Orient était surtout une question d’Occident ? À part quelques personnes instruites et prévoyantes, convaincues que la défaite de la France ne devait pas lui faire oublier qu’elle était toujours une des premières puissances européennes et persuadées en outre que les malheurs du passé n’étaient point de nature à la faire renoncer à tout avenir, nul ne suivait avec attention les mouvemens dont l’Europe était agitée. Lorsque les chambres se trouvaient appelées, par hasard, à émettre un avis sur la conduite que notre gouvernement avait à tenir dans des circonstances aussi graves, elles le faisaient sans débats, sans examen, donnant toute leur confiance aux hommes compétens ou résultés tels,. Mais il en est de la politique extérieure comme de la politique intérieure : tôt ou tard il faut s’en occuper, car si on ne va pas la chercher, elle vient elle-même vous chercher. C’est ainsi qu’au moment où la France, plus occupée que jamais de ses luttes intestines, se donnait tout entière au soin d’expulser les jésuites et de préparer les élections, ont surgi tout à coup en Tunisie des complications qui lui ont brutalement rappelé qu’elle pouvait être amenée à des combats beaucoup plus sérieux que l’attaque des couvens ou l’assaut des scrutins. Au début, on n’y avait pas pris garde. Mais lorsque la nouvelle des difficultés que nous rencontrions en Afrique, nouvelle grossie, défigurée par nos ennemis, est arrivée jusqu’à Paris et jusqu’aux portes du parlement, il n’y a plus eu moyen de n’y attacher aucune importance, car les électeurs en étaient très émus et il était évident qu’on en entendrait, l’écho d)ns la prochaine campagne électorale. Plus tard a commencé la révolution d’Égypte, qui nous touchait aussi beaucoup trop directement pour qu’on la regardât comme étrangère et pour qu’on n’en tînt aucun compte. De grands débats se sont déroulés, depuis un an, dans les deux chambres, sur la question de Tunisie et sur la question d’Egypte ; tous les partis s’y sont mêlés ; tous y ont apporté leurs principes, leurs passions, leurs haines, leurs colères, leurs espérances ou leurs illusions ; tous ont compris que désormais la lutte entre la monarchie et la république ne serait plus circonscrite aux affaires intérieures, qu’elle allait être portée sur un autre terrain et que, pour continuer à triompher de ses adversaires, le nouveau régime aurait besoin de montrer qu’il était aussi apte à garantir les intérêts de la France au dehors qu’à lui assurer au dedans les bienfaits d’un bon gouvernement.
La république traverse donc une nouvelle épreuve, plus dangereuse peut-être que toutes celles qu’elle a traversées jusqu’ici.