l’autre de vingt-six ans. La duchesse avait eu six enfans : deux fils et quatre filles. Le premier des fils était mort en bas âge, le second à dix-sept ans, de la petite vérole, comme ses sœurs plus tard. Beau, intelligent, aimable comme son illustre père, le jeune lord Blandford (c’était son titre) fut regretté sans distinction de partis. Le désespoir de Marlborough fut profond ; plus durable peut-être, du moins à la surface, que celui de sa femme, à qui Dieu, disait lord Godolphin, avait donné des facultés et une force de caractère au-dessus de son sexe. Le duché de Marlborough passa par décret du parlement à sa fille aînée, lady Godolphin et à ses descendans mâles, mais à la mort de son fils unique, le fils aîné de lady Sunderland hérita du titre.
La beauté semblait être l’apanage de toute cette remarquable famille ; les quatre filles étaient plus charmantes les unes que les autres. Malheureusement deux d’entre elles, la comtesse Godolphin et la duchesse de Montagne (la seule qui survécut à sa mère), héritèrent trop largement de l’humeur maternelle et la transmirent à leurs enfans ; de là des luttes, des querelles, des procès même qui tourmentèrent la vieillesse de l’aïeule. Lady Montague, surtout, l’ange duchesse de Pope, ange au physique seulement, ressemblait tant à lady Marlborough, que le duc leur disait à toutes deux : « Je ne conçois pas que vous ne puissiez vous entendre ! vous êtes si semblables. » C’est à une fille de lady Montague, la jeune duchesse de Manchester, que sa grand’mère disait un jour : « Duchesse de Manchester, vous êtes une bonne créature, mais vous avez une mère ! — Et elle aussi ! » repartit l’audacieuse petite-fille.
La mort de leurs deux enfans favorites, enlevées presque en même temps, fut un coup terrible pour lord et lady Marlborough. La comtesse de Sunderland, la plus chère de toutes, la mieux douée, celle qui possédait avec la vive et originale intelligence de sa mère, les qualités aimables de son père, avait fait preuve de toutes les vertus pendant son union avec le froid, hautain, despotique lord Sunderland, très indigne d’elle sous bien des rapports. Dévouée aux idées libérales, elle avait fait de sa maison le lieu de réunion le plus recherché de son parti et reçu le nom affectueux de la petite wigh. Ses rapports avec la duchesse et la douleur de celle-ci, lorsqu’elle la perdit, mettent en relief le côté féminin, gracieux et tendre d’une nature à laquelle on pouvait reprocher trop de virilité. Les lettres de la jeune femme sont pleines de déférence aimante. Après avoir donné son avis sur les affaires du moment, elle terminait un jour ainsi : « Je devrais m’excuser de discuter ainsi avec vous, mais la bonté de ma chère maman m’a toujours encouragée. » Se sentant mourir, elle fit un appel suprême à cette bonté, dans une admirable lettre, adressée à son mari. Après lui avoir donné des