poussa un cri d’effroi et se pencha sur la pointe du rocher. Heureusement, un jeune sapin qui croissait dans ses fentes avait soutenu la jeune fille. Frédéric se hâta de descendre. La pauvre enfant était évanouie, il la prit dans ses bras et l’emporta vers la ville. Quand il arriva devant la maison où elle demeurait, il s’arrêta un moment indécis. Que faire ? se disait-il ; ne vais-je pas frapper d’effroi cette jeune femme en offrant ainsi à sa vue sa sœur à demi morte ? Comme il faisait ces réflexions, il entendit derrière lui des pas précipités et vit venir la jeune femme elle-même, pâle, les cheveux en désordre, et tenant son enfant dans les bras.
— Ah ! Marceline, ma pauvre Marceline, s’écria-t-elle dès qu’elle aperçut Frédéric et son pâle fardeau. Entrez, lui dit-elle ; est-elle morte ! répondez : où l’avez-vous trouvée ? — Mais non son cœur bat…
En effet, la pauvre enfant revenait à elle ; quand elle vit sa sœur, elle sourit sans parler encore. Celle-ci la couvrait de larmes et de baisers.
— Henriette ! dit la folle avec une joie enfantine, est-ce bien toi ? Et le petit enfant ?
— Le voici dans son berceau.
— Chut ! il dort. Elle voulut mettre un doigt sur sa bouche ; mais elle ne put et ferma les yeux en poussant un faible gémissement.
— Blessée ! elle est blessée ! s’écria Henriette.
Frédéric s’élança dehors et ne revint qu’avec l’assurance qu’un médecin le suivait. En l’attendant, il fit à la jeune femme le récit de ce qui s’était passé.
— Soyez béni, lui dit-elle d’une voix tremblante. Comme vous l’avez vu, la raison de cette pauvre enfant est altérée ; aussi ne sort-elle jamais seule. Ce soir, je ne sais quel désir de liberté l’a prise, car d’ordinaire elle n’ose me quitter. J’avais parcouru vainement les environs et je revenais désespérée, quand je vous ai aperçu : Comment puis-je vous remercier ? sans vous je ne l’aurais peut-être jamais revue !
En ce moment, le médecin entra ; il examina le bras malade et déclara qu’il était démis. Il prescrivit les soins à donner et se retira ; Frédéric n’osa rester après lui. Rentré dans sa chambrette, il se mit au lit, prit un livre et commença à songer. Il se sentait plein de joie, d’inquiétude et de curiosité. Il pensa d’abord que le nom d’Henriette était le plus charmant qu’il connût et s’étonna de ne l’avoir pas remarqué jusque-là. Puis la douce figure de celle qui le portait, ses larmes touchantes et son regard reconnaissant lui furent présens de