séquence d’un principe proclamé dès le 11 juillet 1789, et adopté par la nation comme par ses représentans : la souveraineté du peuple français, et le droit national sur les autorités constituées. Le jour où Louis XVI avait renoncé au trône constitutionnel et réclamé sa souveraineté de droit divin, il était censé, aux yeux des constitutionnels, avoir abdiqué la seule autorité qu’ils pussent reconnaître.
Les voitures entrèrent par le pont tournant[1], à l’extrémité du jardin qu’elles traversèrent pour se rendre au château. Lafayette avait été au-devant du cortége. Pendant son absence, on avait laissé une foule considérable s’approcher des Tuileries ; elle voulut, au moment où l’on mettait pied à terre, maltraiter les deux gardes-du-corps qui avaient servi de courriers dans l’évasion, et qui étaient alors assis sur le siége de la voiture du roi. Le commandant-général les garantit de toute violence et les mit lui-même en sûreté dans une des salles du palais. La famille royale rentra sans avoir essuyé d’insultes. Le roi avait l’air calme ; Lafayette se présenta, avec attendrissement et respect, dans son appartement, et lui dit : Sire, votre Majesté connaît mon attachement pour elle ; mais je ne lui ai pas laissé ignorer que, si elle séparait sa cause de celle du peuple, je resterais du côté du peuple. — C’est vrai, répondit le roi, vous avez-suivi vos principes ; c’est une affaire de parti… à présent me voilà. Je vous dirai franchement que jusqu’à ces derniers temps, j’avais cru être dans un tourbillon de gens de votre opinion dont vous m’entouriez, mais que ce n’était pas l’opinion de la France ; j’ai bien reconnu, dans ce voyage, que je m’étais trompé, et que c’est là l’opinion générale. — Votre Majesté a-t-elle quelque ordre à me donner ? — Il me semble, reprit le roi en riant, que je suis plus à vos ordres que vous n’êtes aux miens. Lafayette l’assura que dans tout ce qui n’était pas contraire à la liberté et à ses devoirs envers la nation, il avait toujours souhaité de le voir content de lui ; il lui fit part ensuite du décret de l’assemblée sans que le roi témoignât aucune impatience. La reine laissa voir quelque irritation ; elle voulait forcer Lafayette de recevoir les clés des cassettes qui étaient restées dans les voitures. — Il répondit que personne n’avait pensé et ne
- ↑ Ce fut à l’entrée du jardin que la reine, inquiète pour les gardes assis sur le siége de sa voiture, aperçut le commandant-général et s’écria : Monsieur de Lafayette, sauvez les gardes-du-corps !