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Page:Revue de philosophie, volume 6.djvu/140

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G. VAILATI

coexistence de phénomènes. Comme si, parmi les problèmes que leurs devanciers formulaient par des phrases composées à l’aide de ces mots de « cause » et de « nature de choses », on n’en pouvait trouver un seul qui ne fût susceptible d’être traduit dans la nouvelle nomenclature, et comme si la résolution de ne s’occuper que des questions qu’on peut formuler en termes de coexistence et de succession impliquait par elle-même la renonciation à s’occuper de quelque problème que ce soit.

C’est par une illusion bien singulière qu’on est arrivé ainsi à regarder chaque nouveau progrès dans la connaissance du mécanisme psychologique de notre intelligence, comme justifiant une conception toujours plus étroite des limites qui s’imposent à sa sphère d’activité, et comme une raison non pas d’augmenter notre confiance dans l’emploi de nos facultés mentales, mais de les déprécier comme radicalement incapables de nous donner des réponses satisfaisantes sur des questions qu’on regardait auparavant de leur compétence.

On est allé jusqu’à déclarer inaccessible à la recherche scientifique ce qui en a toujours été considéré comme le but le plus immédiat : c’est-à-dire l’explication des faits que l’observation nous présente.

Dans une phrase célèbre, où une des plus parfaites et des plus puissantes parmi toutes les sciences, la mécanique rationnelle, a été caractérisée comme ne se proposant pas d’autre but que celui de décrire de la manière la plus exacte et la plus simple les mouvements des corps et les circonstances dans lesquelles ils ont lieu, on a cru voir presqu’un aveu de l’impuissance radicale de la pensée humaine à atteindre les explications des plus simples même parmi les faits qui forment l’objet de ses contemplations, au lieu d’y reconnaître la trace d’un progrès dans la détermination de ce qu’est et de ce que peut être une explication, progrès que le développement superbe de la mécanique moderne a beaucoup aidé à rendre possible et dont les autres branches moins avancées des recherches scientifiques ne tarderont pas à bénéficier à leur tour.

G. VAILATI,
Professeur à l’Institut technique de Florence.