signées de Schumann ou Chopin, lesquels alors, en 1828, étaient respectivement vieux de treize et quatorze printemps. On les connaît à peine ces danses délicieuses, inouïes quelquefois d’harmonie pour l’époque ; on ne les joue jamais dans les concerts, sinon sous le couvert de Liszt, qui en transcrivit brillamment quelques motifs, spécimens accomplis de grâce, de verve et d’humour. Certes, à qui l’ignore, il doit être bien difficile de se figurer que Schubert fut le contemporain de Beethoven. C’est un art tellement différent et combien plus fécond ! À l’heure où la pensée de Beethoven infirme recourait au secours de la fugue et patronnait son mécanisme machinal, l’art ingénu de Schubert sonnait le glas de toute abstraite scolastique ; son lyrisme objectif en libérait inconsciemment la musique pure, intronisait la fantaisie dans son domaine, en rénovait intimement l’essence par la vertu d’une harmonie naturelle infuse et jusque dans ses formes traditionnelles. C’est le cas de cette admirable Symphonie en do majeur qu’on retrouva dans les papiers de Schubert et qui, écrite en 1828, ne fut exécutée qu’en 1839 et publiée plus tard encore. Si la forme peut-être n’en dément pas la date au beethovénien voisinage, le fond y est d’au moins vingt ans plus jeune, et on s’explique l’étonnement ravi et l’enthousiasme de Schumann en l’écoutant et, çà et là, en s’y reconnaissant soi-même au milieu de bien d’autres, comme en un miroir prophétique. En songeant que Schubert composa cette Symphonie à l’âge où d’ordinaire commence tout juste pour l’artiste la période de développement décisif et de gestation du chef-d’œuvre promis à sa maturité ; quand on se souvient que Wagner avait quarante-cinq ans lorsqu’il finit Tristan, on pressent ce que l’art musical a pu perdre en perdant si prématurément Schubert. Qu’on imagine Beethoven disparaissant avant l’Eroïca (1803), après sa Symphonie en ré, op. 36, la deuxième (1802), et qu’on veuille bien comparer ce qui nous fût resté de lui avec ce que nous a laissé Schubert ; qu’on soupèse, dans l’un et l’autre legs, outre la quantité de l’œuvre, ce que chacun eût contenu d’irrécusablement original, de savoureux inéprouvé et de fécond en conséquences purement musicales. Et on mesurera le génie du pur et adorable musicien que fut François Schubert.